Chapitre 2 : Pourquoi parler lorsqu'on a des poings ?

    — Allons-y, Blanche neige.

À l'entente de ces mots, mon corps entier se fige, mes yeux s'écarquillent d'horreur et mes muscles se mettent à trembler d'une rage si profonde et sincère que je me jette sur ce connard en l'attrapant par le col et l'entraîne derrière une porte, à l'abri des regards. Il s'agit d'une cage d'escalier. Il éclate de rire.

   — Je pensais que tu aimais ce surnom !

   — Je vais te faire payer, sale enfoiré !

Je le fais tomber à la renverse, et, toujours en agrippant fermement sa chemise tandis qu'il saisit mes poignets pour tenter de me faire le lâcher, je m'assois sur son torse.

   — Hé ! Calme toi, un peu, non ? C'était juste une petite blague, une initiation quoi !

   — Ouvre encore ta grande bouche et je t'édente, petite salope.

Il esquisse un sourire en desserrant distraitement l'emprise de ses doigts sur moi.

   — Je n'étais pourtant pas celui à genou, a moitié nu devant six personnes, princesse.

Je me libère alors de son étreinte et me mets à le rouer de coups de poings tandis qu'il se protège avec ses avant-bras. Je frappe avec tellement de rage que j'ai l'impression de perdre la tête. Il se recroqueville peu à peu, encaissant mes gestes avec aisance mais je ne flanche pas, trouvant des failles dans sa garde de temps en temps. Ainsi, je parviens à abattre mes phalanges sur sa pommette et son menton de temps à autres.

   — Mais bordel, t'as un sérieux problème !

Je continue à tenter d'atteindre son visage de mes poings lorsqu'il finit par baisser complètement sa garde pour attraper fermement mes avants bras et me faire rouler sur le sol.

   — Tu ne penses pas m'avoir assez frappé, là ?

À califourchon au dessus de moi, il m'immobilise en serrant ses doigts autour de mes poignets pendant que je me débats en le fixant avec toute la rage qui bouillonne au plus profond de mes entrailles.

   — Rien ne sera équivalent à l'humiliation que toi et tes putains d'animaux m'a fait subir hier soir !

   — Écoute, Jimin, je sais que ça fait pas mal chier d'être traité comme de la merde et que t'as pas vraiment l'habitude puisque tu es née avec une cuillère d'argent dans la bouche et que personne n'a jamais osé t'insulter ou t'arroser d'alcool mais tout le monde ici est passé par là, tu vois ? Donc serre les dents, ravale ta fierté et laisse moi te faire cette putain de visite histoire que je garde mon statut de meilleur élève...!

Il n'a pas le temps de finir sa phrase que je profite de son instant d'inattention pour le renverser vers la droite afin de tenter de me retrouver au dessus de lui.

   — Putain mais...!

Sauf que, les escaliers se trouvant juste à dix centimètres de nos deux corps, on dégringole tous les deux à une vitesse folle, agrippé l'un à l'autre. Je tente à plusieurs reprise de m'accrocher à la rambarde et ainsi, au cinquième essai, je parviens à saisir un morceau de fer et arrêter ma chute. Le lutin attrape alors ma jambe pour stopper la sienne également.

   — Lâche moi, putain !

   — C'est toi qui m'a entraîné là dedans donc aide moi à remonter !

   — T'as juste à t'asseoir sur une marche, imbécile !

   — T'es con ou tu le fais exprès ?! T'as pas vu la vitesse à laquelle on est tombé ?! Ce putain d'escalier est tellement pentu qu'il a été condamné ! C'est littéralement un toboggans géant !

Je secoue ma jambe dans tous les sens pour essayer de le faire me lâcher, en maintenant difficilement mon emprise sur la barre.

   — C'est pas mon problème ! Lâche moi, bordel !

J'ai déjà du mal à soutenir mon poids à une main alors lui avec, c'est impossible. Je perds de plus en plus en force.

   — Mais t'as vraiment pas de cœur ! Je risque de mourir ou même de me fouler la cheville si tu m'aides pas !

   — Va te faire foutre, sale lutin de merde !

Je lui donne alors des coups de pieds à la tête pour qu'il ressente le besoin de me lâcher, mais il tient bon.

   — C'est vraiment pas digne d'un noble ce que t'es entrain de faire ! T'es sûr d'avoir du sang royal dans tes veines, enfoiré ?! 

Je me fige d'un coup, les yeux largement écarquillés de rage et la tête bouillonnante de désir meurtrier.

   — Je vais te tuer.

J'ouvre alors la main qui nous retient, entraînant une nouvelle chute. Néanmoins je ne tente cette fois ci, pas de la retenir, serrant les dents de douleur en me disant à quel point il doit lui aussi souffrir.
Il est le premier à atteindre la fin des marches, s'écroulant à plat ventre, tandis que j'arrive peu après, sur le dos.

Je me redresse difficilement, sentant chaque partie de mon corps aussi meurtri qui si l'on m'avait tabassé. Je regarde Jungkook pour voir son état et... il est vraiment bien amoché. À cette vu, le nez dégoulinant de sang et les lèvres enflées légèrement, un large sourire déforme ma bouche avant que je ne me mette à rire à gorge déployée.

Il me fixe un temps, essoufflé, épuisé et surpris, avant de soupirer rieusement à son tour, et de me tendre sa main tremblante.

   — Sans rancune, mon prince ?

Toujours de l'amusement dans la voix, je déclare :

   — Baisse ta main, connard, j'ai ni la force de la prendre, ni celle de te frapper encore plus.

   — Alors ça y est ? Tu vas plus essayé de nous tuer tous les deux ?

Je pouffe de rire.

   — Je verrai selon ton comportement.

Il rit à son tour et écroule prudemment sa tête contre le mur en soupirant bruyamment. Il ferme les yeux, les sourcils inconsciemment froncés de douleur.

   — Le prend pas mal, Princesse, mais... t'es sacrément taré.

Quelques minutes après notre affreuse chute, on se retrouve tous les deux à l'infirmerie, de la pommade et des patchs anti-douleur sur presque tout le corps.
Trop souffrant pour me présenter en cours, je reste allongé sur un des lits blancs de cette pièce en fermant les yeux, épuisé. Jungkook, lui, a nombreusement hésité à retourner en classe dans son état, mais s'est finalement résigné à cette idée à la seule pensée de pouvoir "légalement" sécher la physique chimie.

Ainsi, aussitôt que je vois son corps agaçant s'écrouler sur un matelas bien trop proche du mien, il disparaît immédiatement sous mes paupières de plombs. Je laisse donc la fatigue me transporter dans un autre monde de quiétude et de légèreté en calmant ma respiration et alourdissant mon corps.

J'aurai bien dormi indéfiniment, ou du moins, jusqu'à ce que mon corps juge avoir assez gagner en repos, si un tiède touché délicat ne s'était pas installé de ma joue à mes tempes. Ainsi, je grogne malgré moi d'inconfort, dérangé dans mon sommeil que je sais si léger, et ouvre péniblement les yeux en me tournant sur le dos. Je prends une profonde inspiration en même temps que ma main vient s'écrouler sur mon front, en fixant le futur cadavre.

   — La chute dans les escaliers ne t'as pas suffit, connard ?

Jungkook pouffe de rire en enroulant distraitement son indexe dans un de mes accroche-coeurs.

   — Pourquoi est-ce que tu lisses tes cheveux ? Tes boucles blondes sont magnifiques.

Je chasse sa main de sur mon visage et me redresse péniblement pour le fixer droit dans les yeux.

   — La prochaine fois que tu me touches pendant mon sommeil, je te tue pour de vrai.

Je bondis hors du lit de l'infirmerie, faisant de mon mieux pour canaliser ma rage. De ses grands yeux rieurs, le lutin me fixe avec amusement. À croire qu'il ne me prend jamais au sérieux !
Ce qu'il m'agace ! Lui et ses absurdes bouclettes noires qui tombent stupidement au dessus de ses sourcils ! Je ne saurais décrire à quel point son apparence si angélique me met dans une rage qui va au de-là de l'entendement !

   — Viens à la lutinerie ce soir, Blanche neige.

   — Va te faire foutre.

Voyant qu'il est presque midi, je me précipite hors de l'infirmerie. J'ai autre chose à faire que de papoter avec un malade mental ! J'entends des pas qui me suivent.

    — Où est-ce que tu cours comme ça ? S'exclame une voix que je haïs que trop bien. Le réfectoire est de l'autre côté !

Je me mords la lèvre et fait immédiatement demi tour, sans lui adresser la parole, marchant rapidement vers une direction inconnu. Le lutin accélère alors le pas pour se mettre juste devant moi et me suivre en me lançant des coups d'œil de temps à autre.

   — À part pour l'intégration, je te promet que la lutinerie c'est vraiment génial ! Il y a de l'alcool à volonté, de la musique, des lumières teintées et personne ne se soucie de qui tu es, d'où tu viens ni de ce que ta famille as.

   — Tu me décris littéralement l'enfer.

   — Quoi ? Le fait de ne plus être le "troisième prince de la couronne de notre cher et adorable pays" te terrifie à ce point ? Tu ne sais pas te faire respecter autrement ?

Je le fusille du regard

   — Ne m'oblige pas à t'en coller une.

À ces mots, je rentre dans le réfectoire en poussant rageusement les portes battantes, avant de saisir un plateau que je viens poser sur le glissoir. Le lutin me suivant de près, je tente de faire abstraction de sa présence en me servant de la laitue, une purée de pomme de terre trempant maladroitement dans une sauce de canard laqué, un donut ainsi qu'un morceau de pain.

Je ne fais pas trop attention à ce que l'autre enfoiré prend, bien trop occupé à analyser l'endroit où je pourrais bien m'installer sans paraître ni pitoyable en étant seul, ni intrusif en m'asseyant près d'un groupe d'amis. Finalement, je me dirige vers une table où trois personnes sur douze sont assis, et m'y installe sans leur adresser un seul regard.

J'ignore les leurs bien trop captivés par la vue d'un prince amoché tel un voyou des bas fonds, et commence à découper ma salade que je sais ignoble. Un lourd son s'écrase alors en face de moi pour me faire constater la présence absolument non-voulue de Jeon Jungkook. Il lève son pouce et son indexe face à moi en me fixant avec assurance, son visage tacheté de quelques pansements.

   — Deux heures.

Je ne répond rien, trop occupé à faire de mon mieux pour convaincre mon cerveau que cette laitue n'est pas réellement aussi mal assaisonné qu'un saumon bas de gamme.
Il faut bien que je mange quelque chose si je ne veux pas mourir avant même d'avoir effectué mon premier cour dans ce trou à rat !

   — Viens juste deux heures et après tu pourras décider de si tu préfères partir ou rester.

N'en pouvant plus de mâcher cette salade trop acide, j'attaque le plat principal avec autant de réticence que d'espoir qu'il puisse rattraper l'entrée. Échec : la purée est trop liquide et poivrée et la viande trop dure et insipide. À bout, je croise mes couverts sur les rebords de mon assiette et constate avec la motivation de la dernière chance, mon dessert. Prudemment, j'approche la petite soucoupe en porcelaine face à moi après avoir glissé sur le côté celle plus grande et saisi une fourchette et un couteau plus petits.

   — Tu m'écoutes ?

Un groupe de terminal (je suppose de part leur taille et leur assurance bien trop imposante) s'installe autour de Jungkook et moi. Ils le saluent de la main et de la tête, lâchant quelques banalités avant de commencer à manger lorsqu'ils s'aperçoivent que le lutin recentre son attention sur moi.

Je soupire imperceptiblement et commence à couper minutieusement un bout du donut au chocolat. Je l'apporte à mes lèvres et le fais disparaître derrière ces dernières avant de mâcher prudemment. Là, un déferlement de saveurs aussi banales que réconfortantes afflu sur ma langue tandis qu'un faible sourire de satisfaction ne peut s'empêcher d'étirer mes lèvres.

   — Laisse moi te proposer une chose, reprend-il.

Une petite assiette soutenant un autre dessert se pose sur mon plateau. Je lève les yeux vers Jungkook, interrogé et une énième bouchée de donut déjà piquée par ma fourchette. Il sourit narquoisement.

   — Un dessert contre ta présence à la lutinerie, ce soir.

Je pose rapidement le pour et le contre. D'un côté : je risque de m'affamer si je me contente des quelques bouchées de nourriture immangeable que j'ai insérées et d'un seul donut, mais j'évite de reposer un pied dans cet endroit qui me donne la nausée. Mais de l'autre : je survis puisque j'ai deux donuts, cependant je dois faire plaisir à ce stupide lutin.

Le choix est vite fait.

Je lève deux doigts en regardant Jungkook avec un air de défi.

   — Je veux deux desserts supplémentaires en échange de vingt minutes dans ton repère de zoophiles.

Il grimace.

   — Quarante minutes.

   — Vingt.

   — Trente-cinq ?

   — Vingt.

Il tente de me faire flancher en me fixant longuement d'un air voulu menaçant mais, voyant que je maintiens un visage de marbre, il détourne le regard en soupirant gravement.

   — T'es vraiment dur en affaire !

À ces mots, il prend l'assiette d'un de ses amis aux alentours et la pose rageusement face à moi sans se préoccuper des geignements indignés du terminal dépouillé.

   — C'est juste toi qui es terriblement nul, je rétorque.

Je me demande bien ce qu'il a derrière la tête pour en venir à sacrifier tant de choses juste pour que je vienne.

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À suivre...

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