Chapitre 1 : Préter serment

   Une tâche noire sur un vêtement blanc est plus visible que sur un vêtement noir. On s'en aperçoit, ça nous embarrasse, on tente de la faire partir : si on y arrive, tant mieux, on est soulagé et on oublie qu'elle a existé à un moment — sinon, on jette le morceau de tissus et on regrette l'habit, mais jamais la tâche.

Cependant, dans le cas d'un vêtement noir, on n'y prête pas attention ; on sait pourtant que quelque chose est tombé dessus mais puisque ça ne se voit pas... à quoi bon s'embêter à l'enlever ? Malgré tout, elle est bien là, toujours présente à sécher et à s'imprégner des fibres de conton comme si de rien n'était, comme si elle faisait partie des milliards de molécules de pigments sombres qui revêtent le tissus.

C'est une impostrice, une parvenue, une vicieuse qui se réjouit que sa couleur puisse se fondre parmi les autres. Elle se moque des taches blanches, rouge, jaunes, bleues ou tout simplement de celles qui sont trop visible sur un vêtement noir alors que ce n'est que par chance qu'elle ne s'est pas retrouvé à salir un haut d'une autre couleur.

Jeon Jungkook est une tâche noire sur un vêtement noir.

   — Bande d'enfoirés ! Comment osez vous vous en prendre à moi ?! Moi, Park Jimin, membre de la putain de couronne de ce putain de pays, bordel ! Vous allez voir, enfoirés ! Je vais déchirer chaque passerelle de votre chaire, poignarder votre foie, découper vos gencives pour les donner en pâté à mon putain de Quimmiq ! Vous m'entendez, sales chien de sous race ?! Branleur de première classe ! Pédés mal baisés par vos salopes de mère qui font les trottoirs de midi à minuit !

Ma chemise de nuit imbibée d'alcool, de de jus et de sirop trop sucré ; les pieds et les jambes nus salis par le sol crasseux d'un sous-sol aux lumières violettes et rouges ; les cheveux poisseux de sueurs et de boissons de toutes sortes, on me tire par mes poignets liés à l'aide d'une corde rêche et atrocement solide. Mon corps glisse sur le parquet collant, engendrant des frottement désagréables de mon dos à mes talons pendant que je me débats en hurlant ma rage de toutes mes forces.

   — Mais faites le taire, marmonne un des cinq types masqués qui tentent de me maîtriser.

   — Essaye pour voir, connard ! Approche ta main remplie de ton sperm' de ma bouche et je te jure que je sectionne tes doigts en deux pour les...!

   — J'ai jamais vu un type aussi hystérique, déclare l'homme qui tire la corde et froisse mes poignets.

   — T'as dis quoi ?! Hein ?! Répète un peu pour voir, sale pervers ! Putain de zoophile à la tête de lapin ! Montre ton visage si t'es un homme, espèce de puceau sans cervelle ! Baiseur d'oreiller et de sextoy en forme de chatte !

Si j'avais su qu'on viendrait me kidnapper au beau milieu de la nuit, le premier jour de mon arrivé dans ce pensionnat, j'aurai rempli ma chambre de couteau de cuisine assez aiguisés pour trancher une peau rien qu'en l'effleurant !

   — Reste tranquille, tu vois pas que t'emmerde tout le monde à te débattre et à gueuler comme un forcené ? Lache un autre à la tête de tigre.

   — Qu'est-ce que tu racontes encore comme connerie, connard de taré ?! Qui emmerde qui là ?! J'vais te buter, enfoiré ! Je vais te démembrer et te faire bouffer tes propres couilles si t'en as, enculés ! Je vais faire pisser ton sang plus vite que t'as jamais éjaculé, sale...!

Il vide une bouteille de Champagne sur moi, brûlant mes yeux, inondant ma bouche et mon nez. Je me tais le temps que le liquide doré cesse de couler, en crispant mon visage d'horreur et de douleur. J'entends le récipient de la boisson se briser sur un mur à proximité en même temps que je tousse douloureusement pour libérer ma traché en feu. Une fois ma respiration un peu plus apaisée, je me mets à hurler de toutes mes forces, sans prononcer de mots cohérents, simplement en laissant ma frustration prendre le dessus sur mon bon sens.

Et c'est après une bataille acharnée contre cinq hommes qui se sont mis à m'imobiliser entre chaque coups de poings, tête, mâchoire ou pieds que j'ai déversé contre eux, pour essayer de me bâillonner — que j'ai finalement fini avec une manche de ma chemise entre les dents, et fermement attachée derrière ma tête. Je continue tout de même de me débattre, en poussant le plus de cris que me permet mon mutisme.

Finalement, ils arrêtent de me tirer, m'obligent à me mettre à genou, ligottent fermement chacune de mes chevilles (non sans peine), avant de se placer debout derrière moi : un lapin tenant la corde de mes poignets tandis que deux souris maintiennent celles accrochés à mes chevilles entre les mains.

Face à moi se trouve un siège ridiculement surélevé par des centaines de gros livres empilés de façon à former une estrade. Des gravures dorées ondules sur les extrémité du dossier en velour émeraude afin de se terminer en dessin de lys pour envelopper les accoudoirs et construire les pieds. Sur ce trône ridicule se tiens un homme à peine masqué par un bandeau vert forêt, un ruban rouge alourdi par une clochette autour du cou, en rappel à sa couronne de petites sonnettes de ce genre qui repose paresseusement sur sa tête.

J'aurai bien rit de ce déguisement stupide si la rage ne consumait pas déjà chaque passerelle de mon corps.

   — Pourquoi est-il en si piteuse état ? Lacha l'homme assis.

   — Il se débattait beaucoup trop donc on a du prendre des mesures.

   — Retirez son baillon.

Je peux clairement ressentir leurs regards pesants sur moi.

   — C'est que... il est un peu... bruyant.

   — Tu ne l'étais pas toi lorsque t'es arrivé ?

   — Oui mais lui, il...

   — Tu pleurais comme un nouveau-née en nous suppliant de t'épargner.

   — Il s'est même pissé dessus ! Scande certainement une des souris.

Quelques gloussements se font entendre tandis que je peine à donner un sens à leurs paroles. Le lapin ne dit rien, avance vers moi et me retire le morceau de tissus trop serré. Je fais légèrement jouer ma mâchoire avant de fixer furieusement le soi-disant roi.

   — J'adore ce regard ! Dis moi, Jimin, tu as aimé le voyage ?

Je grimace de dégoût.

   — Je vais te la faire courte, connard. Sois tu me libères immédiatement et je reconsidérerai l'idée de vous écorcher vifs, soit tu attends une seconde de plus en je te jure que vous et votre remake absurde de blanche neige et les sept nains allez vous faire pendre par vos propres boyaux à la seconde même où je poserai un pied dehors.

Il éclate de rire.

   — "Blanche neige et le sept nains" ? En plus d'être prince tu voudrais aussi devenir une princesse ?

Les animaux autour de nous lachent quelques gloussements.
Pff ! Quel bande de flatteurs ! Sa blague n'était même pas drôle !

   — Apprends à fermer ta sale gueule de gnome et détache moi sur le champ !

   — J'ai l'air d'un gnome ?

Il tapote trois fois sur sa couronne, enclenchant un son uniforme et aigu de grelot qui s'agitent, en affichant une mine étonnée.

   — En plus d'être impoli, de puer l'alcool et de refouler tes envies de transitions, tu es assez inculte pour penser que les gnomes ont des clochettes ?

Je peux sentir les flammes ardentes de ma colère envahir mon visage au point où mes muscles se mettent à trembler de rage.

   — Tu m'excuseras de ne pas savoir différencier le ridicule de l'absurde !

   — Je t'excuse. Mais il faudra bien que tu apprennes à les distinguer si tu veux sortir d'ici avant ton cours de littérature anglaise, Minnie.

Je me crispe. Comment ce clown est-il au courant de mon emploi du temps lorsque même moi je ne savais plus si je commençais la journée par des lettres ou des sciences ?

   — Et que vas-tu faire pour m'éduquer ? Me donner une feuille d'exercice où je devrais entourer les gnomes et encadrer les nains de jardin, connard ?

   — J'apprécie l'idée mais tu es trop stupide pour réussir un jeu si complexe. Non, ce que je te demande est simple : termine tes phrases par "mon lutin" lorsque tu t'adresses à ma personne et prête serment à la lutinerie.

Je manque de faire une crise lorsqu'il remet en cause mes capacités intellectuelle et déforme mes lèvres de dégoût à l'entente de ce qu'on me demande de faire.

   — Tu es vraiment dérangé...

   — "Moi, Jimin Nicaïse Josh William Peter de Park Lee Soulth, je fais le serment de ne jamais trahir mes frères de Tastirhbourg, de me dévouer corps et âme au lutin et de protéger la lutinerie au péril de ma vie." Répète simplement ça et tu seras libre.

   — Va te faire foutre.

   — Quoi ? Ne me dis pas que tu as déjà oublié le serment !

Mais qu'est-ce qu'il raconte ce connard ?

   — Rha ! Là ! Là ! Mais Jimin ! Je viens de te le dire !

Il soupire dramatiquement.

   — Bon, je vais te la refaire une autre fois puisque tu as des problèmes de mémoire...

   — Ça n'a rien à voir avec ma mémoire ! Je ne souhaite juste pas...!

Je fronce les sourcils, perdu et agacé par son cinéma de mauvais goût.

   — "Moi, Park Jimin, je fais le serment de..." recommence-t-il.

   — Mais puisque je te dis que je...!

   — "Ne jamais trahir mes frères de Tastirhbourg..."

   — Pour qui me prends-tu ?! Ce ne sont pas quelques pauvres phrases qui vont me donner du fil à retorde !

   — "De me dévouer corps et âme au lutin..."

   — "Moi Park Jimin, je fais le serment de ne jamais trahir mes frères de Tastirhbourg, de me dévouer corps et âme au lutin et de protéger la lutinerie au péril de ma vie." ! Bien sûr que je m'en rappelle imbécile ! T'es vraiment le pire des connards si te penses que ton petit discours tout stupide est assez élaboré pour que quelqu'un comme moi ne soit pas capable de le repéter dès la première écoute ! Je pourrais même te le redire encore et encore sans aucune erreur, et à la perfection car...

Je m'arrête net de parler à la vu du sourire narquois du lutin qui me fixe avec satisfaction. Il ne me faut qu'une seconde pour réaliser que je suis tombé lamentablement dans son piège mesquin.
Je me mords la lèvre inférieure et détourne la tête, honteux.

   — Bienvenue au club, mon prince.

***

A la suite de cette interaction, tout est un peu flou dans ma tête. Je me souviens que l'on m'a raccompagné dans ma chambre (de manière très civilisé) et que j'ai pris une douche rapide avant de me glisser dans les draps délicats de mon lit simple.

Le lendemain, j'emprunte les escaliers en bois massif de mon dortoir afin de descendre au réfectoire, m'attable autour d'un buffet aux choix multiples, aux côtés de mes colocataires et constate avec déception que la nourriture n'est pas à mon goût. Les œufs brouillés sont trop cuits, la vinaigrette de ma salade trop acide, les fruits pas assez mûrs, le thé trop infusé et le jus d'orange complètement amer.

Et c'est le ventre presque vide que je quitte la table pour aller me préparer. Une fois sorti de la salle de bain, j'enfile un pantalon noir et droit que je ceintre avec une ceinture au niveau de ma taille, je rentre ma chemise blanche à l'intérieur, noue une cravate aux rayures rouges et verts foncés autour du col, ajoute à ceci un pull-over gris sombre en maille, avant de finir avec un blazer bordeaux sur lequel un "T" dans un "A" y est brodé en référence au nom de l'académie.

Une fois prêt, je quitte le dortoir Ascension (Tastirhbourg est composé de plusieurs bâtiments dédiés au cours et, un peu plus loin lorsqu'on s'égare de la partie scolaire il y a plusieurs petites maisons à étage qui correspondent à l'internat). Non sans peine, j'atteins enfin ma salle de classe située au quatrième étage du deuxième bâtiment et attends nerveusement devant la porte.

Il faut dire que commencer sa première année de lycée quatre mois après tout le monde n'est pas quelque chose de très facile. Des regards intrigués se tournent vers moi, des messes basses et rires affluent de partout et j'ai de plus en plus de mal à me retenir d'exploser (de colère).

Enfin, une femme adulte plutôt âgée, à l'expression sévère se présente devant moi comme la directrice adjointe de l'académie.

   — Je suppose que le chef d'établissement a déjà eu le privilège de vous rencontrer et de vous souhaiter la bienvenue dans notre école au nom de tout le corps enseignant. Néanmoins, je me sentais dans l'obligation de venir le faire en personne. Alors me voici. J'espère que vous vous épanouirez dans cet établissement et que vous réussirez à répondre à certaines questions personnelles que seules la philosophie et la religion peuvent trouver. C'est pour cela que je vous invite, en plus des dimanches, à vous rendre à la chapelle de Tastirhbourg afin d'alléger votre cœur et de satisfaire votre soif d'apprentissage.

Je lui souris, maintenant une posture parfaite et une expression intéressée.
S'il elle pense que je n'ai pas compris son petit stratagème... tout le monde est au courant du scandale qui m'a fait atterir dans ce trou à rat ! Ça ne sert à rien de me dire de manière détournée de prier pour expier mes fautes, un bon franc "que dieu vous guide" serait moins humiliant !

   — Il n'y a pas pour moi plus honorable que de suivre les traces de ma famille et de perpétuer la tradition, madame. Et je me sens tout à fait flatté que vous vous préoccupiez autant de mon bonheur alors c'est à moi de vous remercier d'avoir fait le déplacement pour m'accueillir.

Elle me sourit en retour, satisfaite de ma réponse. En même temps, plus leche-cul, on meurt !

   — Vous a-t-on déjà fait visitez l'établissement ?

   — Pas encore mais je compte bien l'explorer et prendre mes marques au fil des semaines.

   — Non, non, non ! Oubliez votre cours de ce matin et prenez le temps de découvrir la beauté de Tastirhbourg !

Elle regarde autour d'elle. Ses yeux s'arrêtent sur un groupe d'étudiant, un peu plus loin, qui ont tout l'air d'avoir bien un ou deux ans de plus que moi.

   — Jeon Jungkook ! S'exclame-t-elle.

Une tête aux noirs cheveux bouclés ressort de la foule et un jeune homme au sourire naturellement amical avance vers la directrice adjointe.
À sa vue, je ne peux m'empêcher d'être émerveillée par son apparence. On dirait qu'il brille.

   — Vous m'avez demandé, madame Booth ?

   — Absolument ! Comme tu le sais, le troisième prince de la famille royale fait sa rentrée aujourd'hui alors je souhaiterai que l'élève le plus exemplaire de l'établissement lui offre une petite visite !

   — Vous me flattez, madame, mais je dois toute ma réussite aux bons enseignements du lycée !

   — Que dites vous ? Il y a des élèves qui...

Il s'en suit alors un long échange de flatteries sans fin jusqu'à ce que la cloche retentisse pour annoncer le début du premier cours et que madame Booth ne se décide à s'en aller. L'élève se tourne vers moi.

   — Allons-y, blanche neige.

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À suivre...

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Voilà pour ce premier chapitre de cette histoire que j'ai LONGTEMPPPP hésité à publier. Je sais que j'avais dis ne plus vouloir écrire de ff mais... je crois que c'est dans mes gènes haha !
Enfin bon... j'espère sincèrement que vous apprécierez cette histoire et que ce chapitre vous aura donné envie de l'ajouter à votre bibliothèque ;)

En attendant le prochain, on se dit à bientôt pour de nouvelles aventures de lutinerie !~

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