Chapitre 40-1
*En ligne jusqu'au samedi 08 Mai*
Une fois de plus je me réveillai dans un lit, l'esprit cotonneux et la sensation désagréable, mais malheureusement de plus en plus habituelle, d'être passée sous un bus. Une conversation bruissait non loin de moi et le bois vernis que j'aperçus en entrouvrant les paupières me fit comprendre que je me trouvais toujours au convent, de retour dans le dortoir des filles. Cette dernière information finit de me réveiller complètement. Qui pouvait bien discuter avec autant d'animation puisque j'étais sensée être seule dans la chambre ?
Avec précaution je me redressai et basculai mes jambes hors du lit. La couverture glissa mais heureusement, j'étais toujours habillée, constatai-je avec soulagement alors que mes pieds entraient en contact avec le sol froid. Je frissonnai et cherchai des yeux mes chaussettes disparues, sans succès. Un peu flageolante mais étonnamment pleine d'énergie, je me dirigeai vers les voix résonnant toujours et en trouvait la source derrière l'avant-dernier lit superposé du dortoir. Trois personnes assisent sur la couchette du haut, discutaient à voix basses. Dès qu'elles m'entendirent, les voix se turent et trois visages exprimant des sentiments allant de l'inquiétude à la surprise en passant par le soulagement, se tournèrent vers moi.
— Rose, tu es enfin réveillée ! s'exclama Lyn en sautant de la couchette comme si elle était montée sur ressort.
Cat la rejoignit presque aussitôt dans un bond plus maîtrisé et surtout plus gracieux, tandis qu'Azaldée, plus prudente, empruntait l'échelle disposée sur le côté du lit. Les souvenirs de ma confrontation avec Gregor me revinrent subitement en constatant leurs mines inquiètes et leurs postures prudente. La tête me tourna brièvement et je me raccrochai au montant du lit se trouvant derrière moi.
— Où est Nicolas et comment vont Uriel et Thomas ? demandai-je aussitôt en me sentant soudain étrangement vide.
— Ne t'inquiète pas, tout le monde va bien, me rassura aussitôt Cat de sa voix douce.
Momentanément soulagée, je m'assis lourdement sur la couchette du bas et réalisai les choses qui auraient dû me sauter aux yeux depuis le début.
— Mais... vous êtes déjà là ? Et, s'il va bien, pourquoi Nicolas n'est-il pas ici ?
— On est arrivés hier, m'expliqua Lyn. Tu as dormi deux jours entiers. Tu es bien certaine de ne pas être une marmotte, en fait ?
Son humour m'avait manqué mais pourtant, cette fois-ci, je ne souris même pas. Quelque chose m'échappait, je me sentais étrange sans comprendre pourquoi et mon cerveau semblait tourner au ralenti.
— Rose, je t'assure que Nicolas va bien, me rassura Lyn de la voix sérieuse et posée qu'elle savait prendre lorsque la situation l'imposait.
— Il n'est pas là, car le sort « anti-mec » a de nouveau été activé, continua Azaldée avec une grimace tout en mimant les guillemets avec ses doigts. Je suis certaine qu'il est en train de faire les cents pas devant la porte. Tu devrais aller le voir.
Persuadée que je me sentirai mieux dès que j'aurais la confirmation que tout allait bien, je ne me fis pas prier et me ruai sur la porte aussi vite que je le pouvais. Lorsque j'ouvris le battant d'un geste vif, il s'apprêtait à frapper si bien que je lui tombai presque dans les bras.
— Rose ! murmura-t-il d'une voix aussi soulagée que surprise en me prenant dans ses bras.
Enfouissant ma tête dans son cou, je m'accrochai à lui, me remplissant de son odeur comme une droguée en manque et c'est là que je compris ce qui clochait. Whisper... Whisper avait disparu. Cette sensation de liberté et d'appartenance à un tout plus important que soi... tout cela c'était volatiliser. J'étais de nouveau seule, un pouvoir froid, indompté et inconnu ayant prit la place de ma louve. Le manque et la panique me coupèrent le souffle et je commençai à suffoquer, cherchant à pleurer sans y parvenir.
— Rose, Rose, calme-toi, me murmura doucement Nicolas en me caressant les cheveux. Tout va bien, Whisper est toujours là. Elle est seulement en sommeil. Riwanon m'a annoncé ce qui pouvait se produire à ton réveil. Pourquoi vous ne lui avez pas expliqué ? demanda-t-il à Azaldée d'un ton accusateur, en continuant à me réconforter.
— Elle avait l'air d'aller bien et puis, je n'en ai pas vraiment eu le temps, se justifia-t-elle comme elle put.
— Il y a un endroit, ici, où nous pourrions être un peu tranquille ?
— Non, non, ça va aller, me repris-je dans un souffle saccadée, en émergeant des replis de son tee-shirt. Expliquez-moi ce qu'il s'est passé, je n'en ai pas vraiment de souvenirs.
— Tu as pulvérisé Gregor, me dit Nicolas avec un grand sourire. Pas au sens premier du terme ! s'empressa-t-il d'ajouter en voyant ma mine catastrophée.
— Rooh, Nicolas, ne vas pas nous la traumatiser notre petite louve-sorcière, se moqua Lyn en s'approchant de moi avant de me prendre dans ses bras. Apparemment, tu lui as mis une sacrée misère ! Toutes mes félicitations, ça a l'air d'être un sacré con ! me murmura-t-elle avant de me relâcher.
Pour la première fois depuis mon réveil, un sourire naquit sur mes lèvres. Je ne sentais toujours pas Whisper, mais si Nicolas m'affirmait que c'était temporaire je le croyais. Surtout qu'il n'avait pas l'air inquiet, ce qui me rassurait mieux que mille explications.
— Je dois aller informer Riwanon que tu es réveillée. Elle voudra certainement te parler, me dit Azaldée en se dirigeant déjà vers la porte.
— Je vous croyais télépathe ? la tacla Uriel en sortant de la salle de bain, intégralement habillé pour une fois.
Ce qui eut l'air de décevoir la sorcière qui le reluquait ouvertement.
— Nous ne le sommes pas tous. Ma spécialité ce sont les sorts, je ne peux pas agir sur l'esprit, lui expliqua-t-elle du bout des lèvres avant de sortir, son port altier un peu gâché par sa claudication toujours présente.
— Vous êtes restés longtemps inconscients ? demandai-je à Nicolas et Uriel.
— Pendant le combat contre Gregor ? Non, à peine quelques minutes. Dès que tu l'as mis au tapis, son sort s'est dissipé, m'expliqua ce dernier. Mais qu'il puisse être capable de ça, ce n'est pas très rassurant quand même.
— Quel est le programme, maintenant ?
— Que dirais-tu d'une douche avant de devoir te coltiner un gouter avec la reine des sorcières ? me demanda Lyn en lorgnant la porte de la salle de bain avec envie.
— Tu as déjà expérimenté ? lui demandai-je me doutant déjà de la réponse.
— Oh que oui et je ne dirais pas non à un deuxième tour. Tu es l'excuse toute trouvée. Allez, ramène tes fesses ! En plus, tu ne sens pas la rose, Rose ! ajouta-t-elle en ouvrant la porte en grand, Cat déjà sur ses talons.
— Vas-y, ça va te faire du bien, me dit Nicolas avec un baiser. On aura le temps de parler lorsqu'ils nous auront enfin attribuer une chambre, me dit-il en me serrant encore un peu contre lui.
— Parce que l'on reste ici ?
— Tant que nous n'avons pas de point de chute sécurisé, nous n'avons pas vraiment d'autres options.
— Pas de nouveaux drames ou de nouvelles de Lupus Nostrum ?
— Non, pour le moment tout est calme. Nous avons même droit à un petit sursis. Contre toute attente, la loi n'est pas passée en première instance. Va prendre ta douche, ajouta-t-il en fronçant le nez. Pour moi tu sens bon, mais pas certain que nos hôtes guindés apprécient le fumet loup-garou stressé.
Faussement outrée, je me dégageai de ses bras et me dirigeai vers la salle-d 'eau en essayant de ne pas rire. Lorsque j'entrai, Lyn et Cat étaient déjà chacune dans une cabine, leurs vêtements soigneusement pliés et empilés sur l'un des bancs. Je m'empressai de les imiter pendant qu'elles me racontaient leur périple depuis notre séparation.
— Au fait, où est Cooper ? demandai-je tandis que je sélectionnais le mode « Averse d'orage » qui convenait parfaitement à mon humeur du moment.
— Ici, il dort. Il était épuisé, me répondit Cat qui se trouvait dans la cabine voisine de la mienne. Il voulait rester pour aider, mais après le troisième barrage évité de justesse, il a compris que ce ne serait pas raisonnable.
— Lucinda était désolée de le voir partir, compléta Lyn alors que les premières gouttes d'eau éclaboussaient le carrelage. Si tous les humains étaient comme cette femme, nous serions un peu moins dans la merde, parvins-je à entendre avant que le son des trois douches combinés empêche toute conversation.
Je me délassai, laissant le jet puissant dénouer mes muscles tendus. L'odeur marine diffusé dans la cabine fini de me détendre et je fermai les yeux de bonheur sous la cataracte tiède et revigorante.
La première image me frappa comme un flash : Silhouette blanche, prostrée, enfermée dans une pièce carrelée munie d'une porte en verre. Sous le choc j'ouvris les yeux, mais cela n'empêcha pas la seconde image de s'incruster dans mes rétines : de longs couloir carrelés de blanc, d'autres cellules, des gens en blouses blanche, des pleurs. Submergée, je me laissai glisser sur le sol, ne parvenant pas à endiguer le flux d'images et de sensations qui me parvenaient. Soudain l'eau s'arrêta et une ultime image s'imposa, me donnant l'impulsion nécessaire pour me ruer hors de la cabine.
Les cheveux dégoulinant et seulement vêtue d'une serviette, je me précipitai dans le couloir sous les regards médusés de Lyn et Cat.
— Il faut que je parle à Allistaire !
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