Chapitre 4-1




Ayant, contrairement à lui, pris le temps de me vêtir d'un vieux jogging, je déboulai dans la pièce principale quelques minutes plus tard. J'y trouvais Lyn et Uriel, bouche-bée et mugs fumant à la main, fixant de leurs regards incrédules un Nicolas à moitié à poil faisant les cents pas sur le tapis du salon, le téléphone vissé à l'oreille.

— Que nous vaut pareille vision ?! me demanda mon amie, un petit sourire goguenard au coin des lèvres, visiblement bien remise de sa surprise.

— Une bourde de ma part, lui répondis-je avec une grimace. J'ai oublié de l'informer de quelque chose.

— Oups ! Un truc important à l'évidence. Susceptible de nous retomber sur la tronche, tu penses ?

— Probable, me contentai-je de lui dire sans trop me mouiller.

J'espérais de tout cœur que mon oubli n'aurait pas de conséquences pour Eva et les siens et surtout pas pour Nicolas. Car pour qu'il s'exhibe ainsi, cicatrices comprises, à la vue de tous, c'est qu'il devait être sacrément inquiet. Uriel, le dernier des anciens disciples forcés d'Ivory que nous avions ramener avec nous en même temps que Shane et Luc, n'arrivait toujours pas à détacher ses yeux du torse scarifié de son Alpha.

Nicolas choisit pile ce moment pour cesser ses aller-retours, un grondement sourd s'échappant aussitôt de sa gorge lorsqu'il prit conscience de la situation. Uriel baissa aussitôt les yeux et attendit en faisant le dos rond sur son tabouret, que l'orage passe.

— ça ne répond pas ? demandai-je innocemment pour ramener l'attention de Nicolas sur moi.

— La première fois, on m'a raccroché au nez et depuis cela sonne dans le vide.

— Tu n'as aucun autre moyen pour joindre l'un des membres de la communauté ?

— Je n'étais proche que d'Aaron et d'Akshay.

Morts tous les deux, pensai-je tristement alors qu'une ombre ternissait subrepticement son regard.

— Et Spéra ?! m'écriai-je alors que le souvenir de la douce et gentille quinquagénaire me revenait en mémoire.

— Bonne idée. Je peux peut-être retrouver son numéro dans le téléphone d'Aaron, approuva-t-il d'une voix soucieuse en retournant vers notre chambre.

— Pense à t'habiller au passage !

La provocation de Lyn ne le fit même pas se retourner alors qu'il disparaissait dans l'obscurité du couloir.

— Comment va le blessé ? demandai-je à Lyn en allant me servir un verre d'eau à la carafe posée sur l'un des plans de travail.

— Pour l'instant il tient le coup. Prête à accueillir un petit nouveau dans vos rangs ? S'il survit il devra cohabiter au sein de la même meute que son agresseur... pas sûr que ce soit une situation des plus fun à gérer !

— Tu en vois des trucs fun à gérer, toi, ces derniers temps ?! lui balançai-je d'un ton un petit peu plus agressif que je ne l'aurais voulu.

— Bon, encore plus pourri que d'ordinaire, alors, si tu préfères ! me répondit-elle sans se démonter.

— Lyn, tu sais que j'apprécie ton humour d'ordinaire, mais parfois franchement...

— ... c'est lourdingue, acheva Uriel à ma place.

Le regard noir qu'elle lança devait m'être destiné mais c'est Uriel qui en écopa. Ce qui, au passage, ne sembla ne lui faire ni chaud ni froid.

— Au fait, où étais-tu passé ? embrayai-je presque aussitôt pour changer de sujet. Personne ne savait où tu étais.

— Elle s'entraînait au tir avec moi.

La réponse d'Uriel faillit me faire lâcher mon verre. Lynda et les armes à feu, ça faisait deux ! Pourquoi, d'un seul coup, aurait-elle ressentie le besoin de prendre des cours ? Et pourquoi ne pas demander à Storm ou... c'est alors que mon regard dériva vers Uriel.

De magnifiques yeux gris-bleu légèrement bridés, enchâssés dans un visage fin à la peau couleur caramel, le tout encadré de cheveux bruns tirant vers le roux... c'est vrai qu'il n'était pas du tout désagréable à regarder le petit nouveau ! De plus, il la couvait littéralement du regard. Curieusement cette constatation me peina légèrement. J'avais toujours cru qu'il y avait quelque chose entre Thomas et Lyn... mais peut-être que je m'étais fait des idées ?

« Spéra, calme-toi ! »

La conversation téléphonique de Nicolas le précéda de quelques secondes alors qu'il revenait dans la pièce, le visage marqué par la colère et l'inquiétude.

— Écoute, j'ai gardé le téléphone d'Aaron. Ils n'ont aucun moyen de savoir que cette ligne existe et qu'elle n'a pas été résiliée, c'était son portable personnel. Appelle-moi à ce numéro dès que tu auras pu récupérer Eva. On conviendra d'une heure et nous vous attendrons dans les bois.

— Le téléphone ne me quittera pas, tu as ma parole. Vous serez très vite en sécurité.

Il mit fin à l'appel d'un geste rageur et durant une seconde, je crus qu'il allait faire voler le portable à travers la pièce. Heureusement il se retint et se contenta de le fourrer dans la poche du jean qu'il venait d'enfiler.

— Que se passe-t-il ? demanda Lyn, posant la question qui nous brûlait les lèvres à tous.

— Il se passe que j'ai été un imbécile ! rugit Nicolas en se prenant la tête dans ses mains.

— C'est la succession d'Aaron, c'est ça ? demandai-je plus pour la forme qu'autre chose, alors qu'un scénario bien sombre prenait forme dans mon esprit.

— Avec tout ce qu'il s'est passé, je n'ai pas pensé une seconde qu'il pourrait y avoir un problème ! J'ai cru qu'Esperanza prendrait la tête de la communauté étant la plus ancienne après Aaron.

— C'est ce qu'il se passe d'ordinaire ? demanda Uriel, visiblement intéressé par la réponse.

— Non. Normalement c'est l'aîné des enfants quand il y en a, ou le second de la communauté. Le problème...

— ... c'est que tu cumulais ses deux rôles et que tu n'as pas pris ta place, résumai-je d'une voix lugubre, sentant le remugle acide du regret me bruler la gorge.

Avec cinq des nôtres blessés, quatre nouveaux loups à canaliser et la nécessité de nous cacher. Sans compter la mise en place des réseaux d'entraides et de surveillance, nous n'avions pas penser une seule fois à prendre des nouvelles de la meute d'Aaron ou à nous inquiéter de sa succession. Trop atteints et choqués par sa perte, nous avions, sans nous en rendre compte, préférer faire l'autruche et à présent des innocents en payaient le prix.

— C'est Juan qui a prit le pouvoir par la force... il y a eu des morts.

Un silence lugubre suivit la déclaration de Nicolas, presque aussitôt rompu par des bruits de pas pressés et la porte d'entrée s'ouvrant à la volée.

— Nicolas, nous avons un problème !

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