Chapitre 22-1
*En ligne jusqu'au mardi 16 Mars*
Doucement je frappai trois petits coups contre la porte pour la prévenir de ma présence au cas, très peu probable, où elle ne l'aurait pas remarqué.
— Lyn, c'est Rose.
— Je sais, Miss ninja a perdu sa discrétion légendaire ! me railla-t-elle comme à son habitude mais d'une voix légèrement tremblotante.
— Pour ma défense, je n'essayais pas vraiment d'être discrète, lui répondis-je en souriant, tandis qu'elle s'essuyait rapidement les yeux du revers de la main. Tu vas bien ?
— Comme tu vois, ça baigne ! C'est juste un petit coup de mou. J'avais besoin d'une pause.
Je lui lançai mon plus beau regard de sceptique indignée.
— Si moi je ne suis pas discrète, toi tu n'es pas crédible ! Si tu ne veux pas m'en parler, pas de soucis, mais tu n'as pas besoin de me mentir.
— Désolée, c'est un réflexe. Je n'aime pas être surprise en position de faiblesse, me répondit-elle dans un soupir.
— Comme tout le monde. Mais pleurer n'est pas une faiblesse.
— Mouais, c'est beau la théorie, ironisa-t-elle en tendant le bras vers le rouleau de papier toilette pendouillant non loin d'elle.
Elle en arracha deux feuilles du bout des doigts et se moucha bruyamment avant de jeter la boule vers les toilettes... qu'elle rata d'un bon mètre.
— Bon, la carrière de basketteuse, ce n'est pas pour moi ! ricana-t-elle en laissant retomber mollement ses mains sur ses genoux.
— Tu m'expliques ce qui ne va pas ? tentai-je une nouvelle fois en m'asseyant par terre en face d'elle, jambe relevés et bras entourant mes genoux.
Elle soupira bruyamment et ses yeux se remirent à briller. Elle baissa rageusement ses paupières pour contenir de nouvelles larmes et puisa dans la colère, que j'avais déjà senti poindre quelques secondes auparavant.
— Les mecs... c'est vraiment tous des abrutis ! s'écria-t-elle en tirant rageusement sur le rouleau de papier toilette qui se mit à tourner comme un fou sur son axe, ses feuilles roses s'étalant sur le sol.
— C'est Thomas, c'est ça ?
— Comment tu as deviné ?
— Il est parti juste après toi en disant qu'il allait s'excuser... apparemment, ça ne s'est pas bien passé ?
Un petit ricanement étranglé sortit de ses lèvres tandis qu'elle triturait la boule de papier qu'elle serrait entre ses mains.
— ça, c'est l'euphémisme du siècle.
J'attendis qu'elle continue, mais elle semblait de nouveau perdue dans ses pensées, son regard humide planté dans le carrelage.
— Bon, tu vas m'expliquer ce qu'il s'est passé ? finis-je par m'impatienter d'un ton un peu incisif. Il y a quelque chose entre vous ?
Elle releva brutalement la tête et me fixa d'un regard douloureux.
— Quelque chose... entre Thomas et moi ? répéta-t-elle dans un ricanement sinistre. Non et c'est bien ça le problème apparemment !
— Pardon ? J'avoue que là, je n'y comprends rien.
— Et si je te disais que je suis logée à la même enseigne, tu me croirais ?
— Si tu me racontais tout depuis le début, on pourrait peut-être essayer de comprendre ensemble ?
Elle me répondit par un long soupir tandis qu'elle tentait de trouver une position plus confortable sur le carrelage froid.
— Ok, pourquoi pas. En quittant le salon je suis montée ici directement pour aller prévenir Cooper, puis j'en ai profité pour faire une pause pipi avant de redescendre. Lorsque je suis sortie, il m'attendait dans le couloir. Il s'est excusé comme il vous l'avait dit et je lui ai demandé ce qui n'allait pas, c'est là que c'est parti en vrille. Au moins, je sais pourquoi il est de mauvaise humeur maintenant !
Ses yeux écarquillés et son regard perplexe me donnaient envie de la secouer pour connaître enfin la raison du clash, mais je me fis violence pour ne pas la brusquer.
— Il m'a accusé de sortir avec Uriel.
— Et c'est faux ? ne pus-je m'empêcher de demander en repensant aux regards énamourés que lui lançait le jeune loup.
— Non, mais là n'est pas la question ! s'emporta-t-elle en se levant brusquement comme si elle était soudain montée sur ressorts.
Elle se mit à faire les cents pas entre la baignoire et la douche, me forçant à me lever à mon tour pour lui laisser un peu d'espace et ne pas être obligée de me torde le cou pour la regarder.
— Cela fait des semaines, voir des mois, que je me demande sur quels pieds danser avec Thomas. Là, je décide enfin de me faire une raison et de passer à autre chose et voilà que Monsieur nous pique une crise de jalousie ! s'écria-t-elle en arrêtant brusquement son va et vient. Non mais tu le crois ça ?!
— Au moins, tu es fixé sur ses sentiments, c'est déjà ça ! dis-je prudemment.
— C'est déjà ça ! Je lui en foutrais moi, du c'est déjà ça ! Tu ne crois pas que cela aurait été plus simple de communiquer comme des gens normaux ? Il aurait pu me le dire franchement, au lieu d'attendre que je devine.
Là, c'est sûr qu'elle marquait un point.
— Tu sais bien que Thomas n'a jamais été du genre bavard ni extraverti, contrairement à toi. Peut-être qu'il s'attendait naturellement, au vu de vos caractères respectifs, à ce que tu fasses le premier pas ?
— Comment j'aurais pu ? Je suis peut-être extravertie, comme tu dis, mais ce n'est qu'une façade. Je n'ai jamais eu de relations vraiment sérieuses et Thomas... c'est Thomas ! J'aurais eu trop peur qu'il me rejette et de devoir quitter la communauté. Même si je vis avec vous pour le moment – et cela me convient très bien, hein ! – je me sens vraiment chez moi dans la communauté de Thomas. C'est la première fois que cela m'arrive et je n'aurais pas voulu perdre ça, à cause d'un malentendu ou d'un amour non-partagé. C'est lui le chef de la communauté, merde ! C'était à lui de faire le premier pas.
— Tu lui as expliqué tout ça ?
— Comment j'aurais pu, il gueulait comme un putois ! J'ai préféré retourner dans la salle-de-bain et lui claquer la porte au nez en attendant qu'il se calme. Mais il est parti et...
— ... et je suis arrivée.
— Yep.
Un silence lourd d'incompréhension et de regrets planait dans l'air. La colère était retombée et Lyn accusait le coup, la tête de nouveau dans les mains, mais cette fois appuyée contre le lavabo.
— Tu as une idée de ce que tu vas faire ?
— Je ne suis même pas sûre qu'il veuille encore de moi...
— Oh Lyn, arrête tes âneries ! Vu comment il vient de réagir, bien sûr qu'il veut encore de toi. Sinon, le fait que tu sois avec Uriel, ne lui ferait ni chaud ni froid.
— Mais tout ça est tellement soudain ! Je... je suis complètement perdue.
— C'est sérieux avec Uriel ?
— Sérieux ?! On s'est juste envoyé en l'air une fois ! C'était très sympa mais je ne suis pas encore prête à me faire passer la bague au doigt, ironisa-t-elle en ouvrant à fond le robinet d'eau froide.
— Si Thomas n'avait pas fait sa crise, tu aurais continué à le voir ?
— Bien sûr ! me répondit-elle d'un ton outré. Les coups d'un soir, ce n'est pas mon truc.
Elle se retourna rageusement vers le lavabo et recueillant l'eau en coupe dans ses mains, s'aspergea longuement le visage.
— ça ne fait que quelques jours, Uriel et moi. Il est gentil, sympa et on s'entend bien. On partage le même humour, tu te rends compte ! rigola-t-elle doucement en essuyant avec une serviette blanche et moelleuse, l'eau qui dégoulinait dans son cou.
— Sans oublier qu'il est plutôt mignon ? ajoutai-je en lui faisant un clin d'œil.
— Rose ! Dois-je te rappeler que tu es presque mariée ?! s'insurgea-t-elle exagérément en me faisant les gros yeux.
J'éclatai de rire et savourai ce moment de légèreté qui nous faisait du bien à toutes les deux et permettait à Lyn d'évacuer le stress et la tension.
— En plus, tu as tort, ma chère. Il n'est pas « mignon », c'est carrément une bombe !
— Et il est fou de toi.
Lyn, qui était en train de se rattacher les cheveux, stoppa son geste et me fixa d'un regard incrédule.
— Pourquoi tu dis ça ?
— Parce que j'ai vu les regards qu'il te lance lorsque tu ne le vois pas. Ce n'est peut-être que la passion du début, je ne sais pas, m'empressai-je d'ajouter en voyant sa confusion. Mais je sais ce que j'ai vu.
— Oh Rose, qu'est-ce que je vais faire ? me supplia-t-elle, de nouveau en panique.
— Faire le point sur tes sentiments ?
— J'ai ressenti une attirance pour Thomas dès que nous nous sommes rencontrés mais sans jamais me faire d'illusions. J'y ai cru, un moment, et rien ne s'est jamais concrétisé. On est tellement différents, que je me disais souvent que c'était mieux comme ça. Puis j'ai rencontré Uriel. On a mis quelques semaines à se connaître mais entre nous, ça a tout de suite collé. On se ressemble, on se comprend...
— Résumé comme ça, cela parait évident, commentai-je gentiment. Mais bizarrement, je sens venir un « mais » ?
— Mais maintenant qu'il y a une possibilité avec Thomas et que je la laisse passer... je me demanderai toujours ce que cela aurait pu donner... Rooh, je suis...
— Clairement dans la merde ! souffla la voix de Cat, debout dans l'entrebâillement de la porte, la silhouette de Thomas, se découpant derrière elle.
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