Chapitre 17-2


 L'instant de stupeur passé, Storm fut le premier aux côtés du jeune homme. Il avait l'air inconscient, pourtant il respirait vite et sous ses paupières closes ses yeux s'agitaient dans tous les sens.

— Qu'est-ce qu'il lui arrive ? demanda Grant, troublé et perplexe. Il est épileptique ?

— Parce que c'est possible ? s'étonna Storm, deux doigts posés sur le cou du jeune loup, faisant écho à mon propre questionnement.

— Chez les métamorphes, oui, si la maladie se déclenche avant la première transformation. Mais cela reste très rare. L'un des membres de ma communauté en était atteint depuis son enfance, ajouta-t-il en réponse au questionnement muet de Nicolas. Ses crises arrivaient sans prévenir et ressemblaient à ça.

— Il avait de la fièvre aussi ? Car il est brulant et son rythme cardiaque est rapide et irrégulier.

— Pour la fièvre, non. Mais la première fois que Gail s'est écroulé devant nous, on a cru qu'il faisait une crise cardiaque.

— La fièvre, ça peut vouloir dire qu'il va se transformer, ajouta Nicolas d'une voix anxieuse en se penchant sur Allistaire.

— Pas forcément, renchérit Grant.

— Chez les loups-garous, dans les premiers temps, c'est systématique, lui répondit Nicolas en se relevant, le jeune homme dans les bras. Vous avez encore des pièces sécurisées, ici ?

— Oui, le sous-sol se trouve du bon côté de la maison. Mais je croyais que c'était un métamorphe ? ajouta Grant en nous guidant à pas rapides vers le bâtiment.

— Tu le perçois comme tel ?

— Bien sûr, pas toi ?

— Oui et non... et c'est bien là le problème ! Tu sais où est Cooper ?

— Sûrement pas loin, je vais le chercher, dit Storm en s'éloignant déjà.

— Attends Jack ! Si ça ne te dérange pas, dit-il en se tournant rapidement vers moi malgré son fardeau et son allure rapide, je préférerai que ce toi qui y aille ? On ne sait pas ce qu'il se passe et je risque d'avoir besoin de Storm.

De nouveau, il cherchait à m'évincer pour me protéger. Résignée plus qu'agacée, j'attendis la réaction épidermique de Whisper et l'exaspération qui ne tardait jamais à faire son apparition, mais curieusement rien ne vint. Je compris que j'étais même soulagée qu'il ne me demande pas de l'accompagner. Qu'aurais-je pu faire de plus qu'eux au chevet d'Allistaire ? Je n'étais pas médecin et Storm serait beaucoup plus efficace que moi pour le contenir si l'on devait en arriver là. De plus, j'étais toujours inquiète pour Cat et serait sans doute beaucoup plus utile ailleurs.

— D'accord, répondis-je simplement au bout de quelques secondes.

Nicolas et Storm me lancèrent un regard soulagé et étonné à la fois, tandis que Grant manquait s'étouffer de surprise. Nous contournâmes le bâtiment puis pénétrèrent à l'intérieur par une porte donnant sur un couloir. Grant indiqua à Nicolas d'un geste de la main la seule porte s'ouvrant dans le mur de gauche. Storm l'ouvrit et ils disparurent aussitôt à l'intérieur, Allistaire s'agitant de plus en plus entre les bras de Nicolas.

— Ne tardez pas à nous envoyer Cooper, l'entendis-je crier alors que nous poursuivions jusqu'à la porte du fond.

Grant l'ouvrit et j'eus l'impression de pénétrer dans une ruche. La porte devait être isolée phoniquement car le bruit et l'agitation régnant à l'intérieur faillirent me faire tourner la tête. Le son des conversations et des meubles déplacés, rivalisait avec celui des perceuses et des marteaux. Je reconnu la grande pièce principale où nous avions découvert le vrai visage de Kane il y avait de cela une éternité me semblait-il. L'endroit était méconnaissable. Le mur de séparation ayant été soufflé par l'explosion, plusieurs silhouettes en combinaisons blanche et masque de chantier, s'affairaient à élever une nouvelle cloison en placo.

— Nous avons dû accélérer quelque peu les travaux. Heureusement, j'avais déjà fait livrer du matériel...

— Tu comptais nous quitter bientôt ? demandai-je à Grant en me tournant vers lui.

Un léger sourire effleura ses lèvres mais ne monta pas jusqu'à ses yeux qui demeurèrent fixés dans le vague. Certainement sur des souvenirs de jours meilleurs.

— Je comptais faire quelques travaux et m'installer ici le temps de... Mais finalement c'est aussi bien que cela se passe comme ça, acheva-t-il dans un soupir en se tournant enfin vers moi.

— Tu sais que tu es en train d'écorner sérieusement ton image de gros macho balèze ?!

— Lyn ! m'exclamai-je en entendant la pique et la voix rigolarde de mon amie avant même de la voir. Tu vas bien ?

Je vis Grant faire la grimace, bien que ses yeux pétillent légèrement en nous regardant tomber dans les bras l'une de l'autre.

— L'amitié peut être vraiment très étrange parfois ! soupira-t-il en s'éloignant.

— Amen ! répliquai-je sur le même ton pince sans rire que lui. Eh Grant ! Ne changez rien surtout. Votre nouveau vous est... cool !

Cette fois-ci il éclata de rire. Un son sec ressemblant un peu à un aboiement, mais aussi sincère et presque libérateur. Je réalisai alors que c'était la première fois que je l'entendais rire et cela alourdit un peu ma légèreté éphémère.

— Viens, allons dans un endroit plus calme où tu pourras me raconter tout ce qu'il s'est passé de ton côté ! me dit Lyn en me tirant derrière elle à travers la pièce empoussiérée.

— Attends, on devrait peut-être leur donner un coup de main ?

— Laisse les gros balèzes bricoler, on aura bien notre compte de boulot, ne t'inquiète pas ! ajouta-t-elle en m'entrainant vers la sortie.

Nous débouchâmes dans un couloir, tout aussi bruyant que la pièce que nous venions de quitter car là aussi, on s'affairait à réparer les dégâts en parant au plus pressé. Lyn me conduisit jusqu'à la pièce suivante qui s'avéra être la cuisine, heureusement complètement épargnée par l'explosion et surtout totalement vide. Elle referma la porte derrière nous et même si nous entendions toujours les bruits sourds des travaux c'était un net progrès pour mes oreilles et le mal de tête que je sentais sourdre sournoisement derrière mes yeux. Je me massais lentement les tempes avec les doigts, tout en me demandant comment s'en sortait Nicolas.

— Tiens, ça te fera du bien, me surprit Lyn en me tendant un verre d'eau, avant de poser ses fesses sur l'un des plans de travail. Alors, raconte ?!

— Oh tu sais, rien d'extraordinaire ! Des méchants, des griffes, des flingues, des morts... la routine quoi !

A mesure que les mots quittaient mes lèvres, la réalité me rattrapa d'un coup. Comme si je ne réalisais que maintenant. Des personnes étaient mortes et plusieurs de mes proches avaient failli y rester. Parler avec autant de désinvolture ne me ressemblait pas, c'était plutôt le genre de Lyn.

— Je vois que je déteins sur toi, me dit-elle en descendant de son perchoir.

Mais malgré l'humour son ton était prudent et son regard inquiet lorsqu'elle s'approcha de moi.

— Ça va aller, ajouta-t-elle en me reprenant doucement le verre des mains.

Je tremblais tellement que c'était un miracle qu'il ne se soit pas déjà éclaté sur le carrelage blanc de la cuisine. Puis soudain, les souvenirs me submergèrent. L'odeur du sous-bois, du sang, l'impuissance, la douleur puis la sensation de mes griffes perforant la peau, le...

Je repoussai Lyn juste à temps avant de me plier en deux et de vomir sur le carrelage. J'entendis vaguement la porte s'ouvrir, des bruits de pas précipités puis des bras qui m'enlaçaient. Je voulus les repousser, trop consciente de la sueur collante qui recouvrait mon corps et du nouveau spasme qui me déchirait les entrailles. Des mots doux et réconfortants résonnèrent à mes oreilles et je sus que c'était Nicolas qui me portait dans ses bras. Les yeux fermés je tentai de repousser la nausée mais le tangage provoqué par sa marche rapide ne m'aidait pas. Je l'entendis pousser une porte puis doucement il me déposa sur une surface moelleuse. Par reflexe j'essayai d'ouvrir les yeux et la luminosité me poignarda la rétine. Dans un gémissement pathétique je sentis mon estomac se soulever une fois de plus. Heureusement mon estomac était vide mais mes spasmes me laissèrent tremblante et exténué.

— Qu'est-ce... qu'est-ce qui m'arrive ? demandai-je d'une voix fluette.

— ça ressemble à une migraine carabinée, me répondit Nicolas en me caressant doucement les cheveux. N'essaye pas d'ouvrir les yeux et repose-toi, cela devrait passer tout seul dans quelques heures, me rassura-t-il doucement.

— Je croyais que... l'on ne pouvait plus tomber malade ? arrivai-je a annoner, sentant le sommeil grignoter ma conscience.

— Moi aussi, ma chérie, moi aussi, entendis-je Nicolas répondre d'un ton préoccupé alors que je sombrais dans le sommeil. 

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