Chapitre 8-2




Il décrocha aussitôt, fébrile. La discussion ne dura pas plus de quelques secondes et Nicolas se contenta d'écouter. Lorsqu'il raccrocha, tout le monde à l'exception de Jenny avait entendu le chuchotement précipité d'Esperanza mais pas forcément toutes les implications.

— Tu ne viens pas avec nous, résumai-je dans un soupir tendu.

— Nous allons reporter la mission d'aujourd'hui, cela peut attendre, me répondit-il avec un regard d'excuse malgré son air soucieux. Pour résumer, il y a des dissensions au sein de la meute de Aaron. Certains sont parvenus à s'enfuir sous couvert de la nuit, ils devaient me prévenir aussitôt qu'ils seraient dehors mais n'ont pu me joindre que maintenant. Je dois aller les aider avent qu'ils ne les rattrapent, expliqua-t-il au reste de la meute qui l'écoutait dans un silence tendu.

— Désolé de jouer une fois de plus les troubles fêtes, menti Luc, pas l'air attristé le moins du monde. Mais en quoi le sort de métamorphes inconnus nous concerne-t-il ?

Le grondement qui s'échappa subrepticement de la gorge de Nicolas n'eut même pas le temps de prévenir Luc de l'attaque, car Ombre bondit aussitôt. D'une détente ahurissante il se propulsa dans les airs atterrissant sur le loup qu'il arracha du banc où il était assis, envoyant valser au passage une partie de la vaisselle. Celle-ci se brisa sur le sol, le bruit presque entièrement éclipsé par le vacarme sourd des deux corps des loups-garous percutant l'un des canapés.

— C'est la dernière fois que tu nous défi !

La voix grave et sourde qui sorti de la bouche de Nicolas envoya des ondes de pouvoirs aux quatre coins de la pièce. Je vis Cooper frissonner sous l'afflux de pouvoir et s'éloigner avec précipitation de Jenny et des deux loups en colère pour se rapprocher de moi. Shane l'imita presque aussitôt, ses prunelles déjà mordorées fixées sur moi.

— Mais à quoi il joue ? chuchota Cooper, les bras enroulés autour de son corps, comme s'il cherchait à s'empêcher de trembler.

— Je ne sais pas, mais s'il n'arrête pas, le pouvoir de Nicolas va tous nous faire disjoncter, siffla Shane d'entre ses dents tellement sa mâchoire était crispée.

Le pouvoir brut qui se répandait toujours d'avantage dans la pièce, heurtait mon corps et mes défenses comme une vague incessante et infatigable, gagnant en puissance à chaque reflux. Whisper, inquiète et soucieuse d'aider son compagnon, m'incitait à baisser la garde et à lui laisser le contrôle mais je la contrais férocement. Au lieu de cela, je l'incitai au calme et à la températion. Dès les premières secondes, je sentis Shane et Cooper se détendre légèrement à mes côtés. Comprenant que cela venait de moi, ils se rapprochèrent davantage. L'explosion se produisit lorsque leurs auras touchèrent la mienne.

Une explosion de pouvoir qui nous envahit et nous désintégra, avant de nous lier et de nous projeter à travers la pièce comme des poupées de chiffons. L'esprit totalement envahit par les pensées et sentiments désordonnés et paniqués de Shane et Cooper, c'est à peine si je sentis le bord acéré de la table basse en bois meurtrir mes côtes alors qu'elle réceptionnait ma chute, gémissant sous mon poids.

— Rose ! entendis-je Nicolas hurler, autant dans mes oreilles que dans mon esprit.

Ce dernier, déjà saturé, refusa la surcharge supplémentaire et je l'éjectai de mon esprit aussi facilement qu'une mouche. Un grognement de douleur et de surprise mêlés m'apprit qu'il venait de ressentir physiquement ce que je n'avais fait qu'en esprit, tandis qu'une petite voix sauvage en moi me criait « Pas de la meute ! ». Je revins peu à peu à la réalité lorsque les bras de Nicolas s'enroulèrent autour de moi, m'aidant à me désincruster du meuble martyrisé.

— Rose, tu...

Il s'interrompit brusquement lorsque j'ouvris les yeux sur son visage tourmenté. L'air soudain perdu, il me lâcha et s'écarta légèrement de moi, me fixant d'un regard incrédule.

— Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je en essayant de m'assoir, stoppée dans mon mouvement par une douleur fulgurante qui me fit voir trente-six chandelles et me laissa haletante, la main serrée sur mon flanc droit.

— Cooper ! aboya Nicolas sans détacher son regard de mon visage. Tu peux venir examiner...

Les mots moururent sur ses lèvres pour la deuxième fois en quelques minutes, lorsque Cooper nous rejoignit, accroissant mon anxiété et mon malaise.

— Nicolas ! Tu vas me dire ce qu'il y a, à la fin ?!

— Tes yeux ! s'exclama Cooper.

— Et les tiens aussi, ajouta Nicolas. Ils ont changé de couleur.

— Tu plaisantes ? dis-je en tournant la tête pour essayer d'apercevoir mon reflet quelque part.

Le mouvement trop brusque m'arracha un nouveau cri de douleur, lorsque mon flanc paru se déchirer sous mes doigts.

— Ne bouge pas, m'ordonna Cooper, immédiatement en mode professionnel. Enlève ta main et laisse-moi regarder.

A gestes lents, j'obéis, reportant mon attention sur Nicolas, toujours sidéré à quelques centimètres de moi.

— Tu as une idée de ce qu'il se passe ? lui demandai-je en réprimant un cri lorsque les mains de Cooper commencèrent à explorer ma blessure.

Le grondement sourd qui sortit de la bouche de Nicolas était un reflexe et personne n'y preta attention. Il cessa à l'instant où Cooper parvint au terme de son auscultation.

— Rien de grave, trois côtes cassées. Ça va être douloureux quelques heures, mais après une bonne nuit de sommeil, tu seras comme neuve.

— C'est quand même cool d'être vous ! intervint Lyn pour la première fois. Nous, tout métamorphes que nous sommes, nous ne guérissons pas aussi vite. Mais, super alpha, tu vas enfin nous expliquer pourquoi ces trois-là ont maintenant les yeux verts ?

Nicolas se tourna vers Shane juste au moment où celui-ci nous rejoignait, ses iris d'ordinaire marron parsemé d'éclat chatoyant semblable à du jade.

— Je ne sais ni pourquoi ni comment, mais tu viens de les intégrer à ta meute.

— Ce n'était pas ce qui était prévu de toute façon ? intervint Storm, étrangement stoïque au milieu de tout ce chaos.

— Si mais... vous ne sentez pas ? Rose ne les a pas simplement intégrés, elle s'est aussi totalement coupée de nous. C'est pour ça que j'ai paniqué. D'un seul coup je ne te sentais plus... j'ai cru que tu étais morte.

— Tu dois te tromper, je te sens tou...

Le manque, le vide et la panique m'envahir à mon tour, lorsque je ne découvris qu'un vide béant à l'endroit où aurait dû se trouver Nicolas et notre lien. Ma respiration se fit erratique et saccadée et je me mis à chercher de l'air comme un poisson hors de l'eau.

— Rose, regarde-moi, je suis là. Respire, Rose, respire, me dit Nicolas d'une voix apaisante, toujours désespérément si proche et si loin de moi à la fois.

— Pourquoi tu ne me touche pas ? gémis-je d'une voix désespérée. Pourquoi je ne te sens plus ?

Je le vis hésiter, sa main à quelques centimètres de mon visage. Il brulait de me toucher, de me prendre dans ses bras, je le voyais sur ses traits contractés par la peine, mais quelque chose le retenait.

— Crois-moi, j'en meurs d'envie, mon cœur, me répondit-il, frustré. Mais je ressens encore le pouvoir qui vous inonde et vous unis tous les trois et j'ai peur, en te touchant, de provoquer une nouvelle réaction.

Une intense vague de soulagement m'envahit, m'amenant presque les larmes aux yeux. Ce n'était que de la prudence de sa part et pas un rejet inexpliqué, lié à ce qu'il venait de ce passer, quoi que cela puisse être.

— Tant que nous ne savons pas exactement à quoi nous avons à faire, je préfère...

« Tu peux la toucher sans risque », retentit soudain la voix désincarnée de Waahana, nous faisant tous sursauter.

Tous à l'exception de Lyn, souriant de toutes ses dents et tenant son portable en mode haut-parleur, brandit devant-elle.

— Je me suis dit qu'un avis extérieur serait une bonne idée, expliqua-t-elle. Tu as une idée, Waahana ?

« Oui, répondit cette dernière. Rose vient de créer sa propre lignée ».

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