Chapitre 7-1




— Comment peux-tu en être certain ? Désolé de te rappeler cela, mais tu t'es cru le seul de ton espèce durant des décennies, il y a forcément des choses sur les tiens que tu ignores. Ce que tu décris se produit parfois chez les métamorphes, souvent suite à un gros traumatisme.

— Je sais tout ça ! répondit Nicolas à Grant, d'un ton légèrement agressif et tendu. Je peux t'assurer que cela n'a vraiment rien à voir avec ce dont tu parles.

— D'après ce que tu décris cela y ressemble beaucoup, pourtant.

— Ah bon, vraiment ?! Tu as bien vu ce qu'il se vient de se passer, bon sang ! Tu trouves vraiment que cela ressemble au pétage de plomb d'un métamorphe retourné à l'état sauvage ?!

Grant resta muet et je cru apercevoir l'ombre du doute voiler momentanément son regard.

— Ok, admettons que tu aies raison, finit-il par admettre à contrecœur. Tu proposes quoi comme explication et comme solution, dans ce cas ?

— Justement, je n'en ai pas...

— Tu es bien conscient que je ne pourrais pas maintenir cette fille en transe ad vitam aeternam ?

— Franchement, tu crois que je ne le sais pas ! s'énerva Nicolas. Mais avant de condamner cette fille à mort, j'ai pensé que tu pourrais au moins calmer sa louve, le temps pour nous d'essayer de comprendre ce qu'il se passe...

« Nicolas » !

Le cri pressant et impérieux de Lyn traversa aisément la porte métallique, interrompant net la discussion houleuse des deux hommes.

— Grant, reste ici pour surveiller Abby... s'il te plait, ajouta Nicolas en voyant le métamorphe se hérisser à l'entente de son ordre.

— Si jamais elle se réveille et semble être elle-même, essaye de la rassurer, lui dis-je plus doucement. Elle est aussi paumée que nous, au final.

Grant acquiesça à ma requête d'un petit signe de tête, agrémenté d'un demi-sourire.

— C'est si gentiment demandé, finit-il par dire d'un ton ironique en lançant un regard acide à Nicolas qui ne releva pas.

— Tu devrais être plus cool avec lui, lui chuchotai-je à l'oreille alors que nous sortions de la pièce. Ce n'est pas un de tes loups.

— Non, c'est un félin, et les félins jouent rarement collectif, intervint Luc. Nicolas à raison, nous ne pouvons pas perdre plus de temps en guéguerre de dominance. Il vit parmi des loups, il doit se comporter comme tel.

Je vis Nicolas se raidir à l'entente du commentaire acerbe du jeune loup, mais même s'il devait en mourir d'envie, il ne répliqua pas.

— Que se passe-t-il Lyn ? demanda-t-il plutôt en reportant son regard vers la métamorphe.

— Je ne sais pas exactement, mais apparemment, il y aurait un problème avec le blessé. Shay a besoin de toi.

Sans hésiter, je suivi Nicolas lorsqu'il se dirigea d'une démarche rapide et nerveuse vers la porte de gauche qu'il ouvrit dans la foulée. Shay, debout derrière la chaise positionnée à côté du même lit métallique que dans la pièce voisine, sursauta à notre entrée.

— Que se passe-t-il ? lui demanda-t-il aussitôt dès qu'il eut refermé la porte.

— Je ne sais pas trop, répondit-elle d'une voix hésitante et un peu effrayée. Il dormait et d'un seul coup il s'est mis à s'agiter, un peu comme s'il avait des convulsions et... il a subitement ouvert les yeux et m'a fixé... avant de retomber dans le sommeil. Nicolas, ses yeux... ses pupilles étaient jaunes.

— Ce n'est pas possible, c'est trop tôt, murmura-t-il en se précipitant au chevet de l'homme, pour le moment aussi immobile qu'une statue.

Il se pencha au-dessus de la silhouette longiligne et précautionneusement, lui prit son pouls avant de soulever une à une ses paupières.

— Merde ! Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel !

— Ben alors chef, Lyn déteint sur vous ? plaisanta Shane qui venait de nous rejoindre.

— Que se passe-t-il ? demandai-je à mon tour, inquiétée par sa réaction inhabituelle.

— L'attaque excède à peine quelques heures et il est déjà en train de se transformer.

Un froid étrange envahit ma poitrine. Comme un affreux pressentiment, tandis que les réminiscences de l'attaque de Storm percutaient ma mémoire.

— On a déjà vu ça, commentai-je d'une voix blanche.

— Oui, mais l'attaque venait d'un ancien, adepte de magie qui plus est ! Pas d'une gamine à peine majeure sans pouvoir particulier qui n'a même pas conscience de ce qu'elle est.

— Elle a peut-être été transformée par un ancien ? Tu crois qu'Ivory...

— Non, j'aurais reconnu son essence pervertie même chez l'un de ses descendants. Non, c'est autre chose, réfléchit-il à haute voix d'un air concentré en tournant en rond dans la pièce exigüe.

— Luc ! finit-il par aboyer, peu amène, en se redressant de toute sa stature, un air résolu sur le visage.

— Oui, répondit laconiquement ce dernier en restant dans l'embrasure de la porte après avoir laissé passer Shane.

— Va me chercher des entraves pour loup-garou, il se passe quelque chose d'étrange avec le blessé.

— Pourquoi ne pas se contenter de l'enfermer ? Je croyais que ces pièces étaient censées être à l'épreuve des loups-garous ?!

— Les entraves c'est pour ne pas qu'il se blesse lui-même, lui répondit Nicolas dans un grognement irrité. Pour quelqu'un de si pointilleux sur la hiérarchie de la meute, tu devrais être le premier à montrer l'exemple et ne pas discuter mes ordres.

— Vous avez raison, finit-il par répondre du bout des dents en tournant les talons.

— Et quand tu reviendras, tu relèveras Shay, mais tu monteras la garde à l'extérieur avec Shane.

Luc quitta finalement la pièce sans se retourner, ni répondre à la dernière injonction de son Alpha. Ce qui était un signe évident de provocation et presque une insulte à l'autorité de Nicolas.

— Tu crois qu'il va te défier ? demandai-je à Nicolas, alors que nous suivions Shay à l'extérieur de la pièce.

— Il est beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. Il me provoque pour me forcer à devenir l'Alpha qu'il croit que je devrais être. Mais s'il continu comme ça, il va vite se rendre compte que ce n'est pas la bonne solution ! m'expliqua-t-il d'une voix sourde, tout en regardant pour la énième fois l'écran du portable d'urgence qu'il gardait dans sa poche.

Après avoir prévenu Grant et demandé à Shane de rester sur place, nous retournâmes dans le bâtiment principal. Lyn, Uriel et Storm, nous y attendaient déjà, l'arôme du café fraichement passé parfumant la pièce d'une odeur réconfortante. Nous nous installâmes tous autour de la table, nos visages reflétant sans ambiguïté épuisement et lassitude. Le tic-tac de l'horloge murale indiquant trois heures du matin, paraissant nous narguer de sa mélopée hypnotique invitant au sommeil.

— Jack, commença Nicolas en interpelant Storm. As-tu trouvé l'adresse de la famille d'Abby en faisant tes recherches ?

— Oui, ils habitent dans une banlieue huppée à une centaine de kilomètres d'ici. Pourquoi ? tu veux leur ramener la petite ? s'étonna-t-il sans même cacher son scepticisme.

— Non, bien sûr que non. Je veux juste aller leur demander pourquoi ils ne se soucient pas de la disparition de leur fille !

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