Chapitre 45-1

*En ligne jusqu'au samedi 29 Mai*


Ils nous encerclèrent lentement. Mains vides, visage impassible et regard dans le vide, on aurait dit des robots. Le son s'était tu et Allistaire et moi, commençâmes à nous redresser, récupérant nos armes au passage sans que personne ne nous en empêche.

— N'approchez plus, ou je tire !

L'avertissement de Zal claqua comme un coup de feu dans le silence à présent oppressant. Mes oreilles bourdonnaient toujours et un martèlement lancinant torturait ma tempe gauche. Les gardes, non armé, se contentaient de rester là, les bras ballants entre nous et les deux sorties. Je savais qu'ils étaient probablement plus dangereux qu'il n'y paraissait mais Zal, elle, l'ignorait.

— Zal ne bouge pas !

— Stop !

Allistaire et moi avions crié nos avertissements en même temps mais cela n'arrêta pas l'inspectrice qui fonçait déjà vers l'un des hommes. Ce dernier resta totalement inerte lorsqu'elle leva son arme, crosse en avant, pour l'assommer et nous comprîmes tous pourquoi, l'instant d'après. Le coup de Zal rebondit sur une barrière invisible et elle fut projetée en arrière par le contrecoup. Allistaire essaya d'amortir sa chute mais ils finirent tout les deux à plat dos sur le carrelage.

— Qu'est-ce que...

— Ah, je me demandais bien qui allait essayer en premier ?! la coupa une voix masculine sarcastique sortant d'un haut-parleur. Je n'aurais pas forcément misé sur l'humaine, mais bon !

Zal plissa les yeux à l'entente du mot « humaine » tandis qu'Allistaire l'aidait à se relever, mais ne fit aucun commentaire.

— Maintenant qu'il est évident que vous ne pourrez pas vous enfuir et que vos armes ne vous serviront à rien, lâchez-les, que nous puissions enfin nous voir face à face.

Presque aussi pressé que lui d'enfin connaître le fin mot de cette histoire, j'obéi aussitôt, imitée avec un temps de retard par Allistaire, puis Zal à qui cela sembla coûter énormément.

— Maintenant, poussez-les du pied en direction de mes hommes.

Nous obéîmes une fois encore et dès que les armes furent dans leurs mains, les gardes s'écartèrent, nous laissant la voie libre jusqu'à la porte de gauche. J'ouvris la marche sans attendre, comblant rapidement la distance qui nous séparait de la sortie. Le battant s'ouvrit une fois de plus tout seul à notre approche dans un chuintement feutré. Au-delà tout était sombre et j'eus une seconde d'hésitation au moment de franchir le seuil.

« Rose, tout va bien de votre côté ? »

Le message de Nicolas, prudent et hésitant, m'atteignit moins violemment que les fois précédente. Nous devions commencer à prendre le coup de main !

« C'était une embuscade ! Faites attention, ils nous attendaient ! »

« On est presque là, vous devez tenir encore dix minutes. »

« On y arrivera », affirmai-je avant de couper un peu abruptement la conversation, sentant mes forces décliner rapidement.

Toujours debout dans l'embrasure de la porte, je bloquais le passage et m'étonnais de ne pas avoir encore eu de rappel à l'ordre alors que je faisais le dernier pas. Comme la fois précédente, des détecteurs allumèrent les lumières dès que nous posâmes un pied dans la pièce et mes yeux mirent quelques secondes à s'adapter à la nouvelle luminosité.

Nous nous tenions à l'entrée d'un laboratoire dernier cri, équipé de paillasses en verre et de matériels étincelants flambant neuf. L'endroit sentait le désinfectant et le produit de nettoyage industriel senteur pinède. Des armoires réfrigérantes bourdonnaient, alignées contre le mur de gauche et exhibant leur contenu derrière des portes vitrées transparentes. Un nombre impressionnant de seringues remplies d'un liquide clair, s'entassaient sur les étagères en verre dépoli. La pièce aveugle ne comportait qu'une seule autre porte qui s'ouvrit soudain pour laisser entrer trois personnes.

La première, un homme, m'était inconnue. Grand, cheveux châtain et corpulence moyenne, c'était l'archétype du type passe-partout. Impression renforcée par ses vêtements quelconque et sa coupe de cheveux de premier de la classe. Pourtant, une énergie bourdonnante émanait de lui. Quelque chose de puissant et de corrompu qui me donna instantanément la chair de poule. Il se tint un instant dans l'embrasure, nous fixant, un sourire narquois vissé à ses lèvres.  Ce dernier s'agrandit encore lorsqu'il s'écarta pour laisser entrer les deux silhouettes qui le suivaient. 

Je ne sais pas ce que je ressentis exactement lorsque je compris qui se tenait devant moi. De la stupeur, de la déception, de la joie, de la haine mais surtout l'horrible arrière-gout de la trahison au fond de ma gorge. La colère vint quelque seconde plus tard, une colère noire, hideuse et dangereuse qui menaçait de me submerger et de tout anéantir. J'essayai de rester impassible malgré tout mon corps qui tremblait tandis que Spéra et ma mère rejoignaient l'homme, se plaçant à ses côtés comme deux bons petits soldats.

— Je crois que je n'ai pas besoin de faire les présentations, dit soudain l'homme d'une voix mielleuse, le sourire toujours vissé au visage.

— Si, vous, je ne vous connais pas, lui répondis-je d'un ton aussi froid que le contrôle féroce que j'exerçais sur mes sentiments.

— Oh Rose, nul besoin de te réfréner ainsi, je sais ce que tu es. Tu n'as plus besoin de te cacher, tu sais ?!

Le pouvoir, amplifié par ma fureur, tourbillonnait au centre de mon être ne demandant qu'à être libéré. Je ressentais son appel jusque dans le bout de mes doigts qui commençaient à picoter sous l'afflux d'énergie. Comprenant que c'était exactement ce qu'il recherchait, j'essayai de me calmer et de dompter ma magie en me remémorant les conseils de Riwanon. J'étais une sorcière de l'esprit, mes pouvoirs étaient donc guidés par mes sentiments, mais je pouvais aussi les dompter de la même manière. Puisant dans mes souvenirs, j'essayai de calmer ma colère mais lorsque mon regard se posa de nouveau sur Spéra, c'est une autre force qui prit le contrôle sans prévenir.

Un long grondement sortit de ma gorge tandis que Whisper braquait notre regard émeraude sur la tigresse. Elle nous avait trahi, elle méritait la mort. J'allais m'élancer, seulement guider par mes instincts lorsque quelque chose me retint.

— Non Rose, me supplia Allistaire tandis qu'il me contenait. Il te provoque, garde ton calme.

Whisper se libéra sans effort et envoya le jeune loup-garou valdinguer à travers la pièce. Il atterrit accroupis dans une pause digne d'un héros de film d'action. Je captai l'approbation de Whisper, ce jeune était prometteur, il ferait un bon combattant pour notre meute. A peine la pensée s'était-elle cristallisée que la magie opéra.  Mon aura enfla jusqu'à toucher puis englober celle d'Allistaire. Je ressentis sa surprise, sa peur, puis le pouvoir qui le pénétrait, l'englobait et lui coupait le souffle. Il s'écroula en haletant comme après un marathon et ses prunelles désormais vertes, cherchèrent mon regard.

— Bienvenue dans la meute des invocateurs de la lune, énonçai-je d'une voix que je ne reconnu pas tellement elle était grave et rauque.

Ma rage et le contrôle de ma magie m'avait ôter tout ascendant sur ma louve, qui m'avait relégué au second plan et je dois bien avouer qu'une partie de moi trouvait cela reposant. C'était simple et binaire. Manger, dormir, le bien d'un côté et le mal de l'autre. Pas de sentiments exacerbés pour tout compliquer, simplement suivre son instinct...

Je ne compris que j'avais bougé que lorsque ma main enserra la gorge de Spéra. L'homme souriait, visiblement content de ce qui était en train de se passer. Spéra ne se défendait pas, le regard hanté et résigné, elle me fixait simplement, acceptant son sort. L'infime tristesse qui se dégageait d'elle me fit retenir ma main mais c'est le regard horrifié que ma mère posait sur moi qui finit de me réveiller pour de bon, me redonnant les commandes.

— Oups, je crois que le loup est sorti du bois ! ricana l'homme en applaudissant alors que je relâchais Spéra.

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