Chapitre 41-1

*En ligne jusqu'au mercredi 12 Mai*


Réfugiée dans le dortoir, les oreilles tintant encore des objections er récriminations qui n'avaient cessé de fuser depuis le coup de fil d'Allistaire, j'essayai de retrouver mon calme. Assise sur l'une des couchettes, la tête entre les mains, je me réjouissais du sort répulsif apposé sur la porte pour la première fois depuis notre arrivée.

— Il est simplement inquiet pour toi, temporisa Cat pour la cinquième fois au moins, sans que je n'arrive pour autant à décolérer.

— Je le sais ça, répondis-je pour la première fois dans un soupire trahissant tout mon énervement. Mais dernièrement, il n'agissait plus comme un gros macho débile !

— Il faut dire que ton idée, elle aussi, est un peu... débile ?! balança Azaldée de son ton pince sans rire habituel. Je suis pour la libération de la femme, même chez les loup-garou, mais là franchement, ton mec fait juste preuve de bon sens ! Te jeter comme ça, dans la gueule des grands méchants, sans soutien et avec des pouvoirs... aléatoires, c'est complètement idiot ! Je comprends qu'il est perdu son calme.

— Heu, Miss Salem, arrête d'essayer de nous aider, ok ? intervint Lyn. Ce sera plus sûr pour ton intégrité physique. Quant à toi, Rose, fait le point avec les orteils, respire et essaye de pendre du recul. C'est peut-être la première véritable engueulade que tu as avec ton chéri, mais ce ne sera pas la dernière. D'autant plus que, pour une fois, il n'a pas tort, ajouta-t-elle dans sa barbe en s'éloignant prudemment de ma couchette.

Depuis notre phénoménale prise de bec avec Nicolas et mon retour fracassant dans le dortoir des filles, tous le monde prenait des pincettes avec moi. Il faut dire qu'à part rester prostrer dans mon coin à ruminer, je n'avais pas fait grand-chose d'autre. Même pas répondu à la convocation « ultra urgente » de Riwanon, ce qui n'arrangeait pas l'humeur d'Azaldée.

Ce qui me minait c'était de m'être disputer avec Nicolas et l'apparition de cette colère qui bouillonnait en moi et que je ne parvenais pas à calmer, même avec toute ma volonté. On m'avait toujours dit que c'était habituel chez les jeunes loups, cette impulsivité et cette rage difficilement gérable. C'était d'ailleurs l'une des raisons du caractère instable et volatile des loups-garous, mais je n'en avais encore jamais fait l'expérience avant aujourd'hui. Cela venait-il du fait que je n'avais plus de prise consciente sur ma louve ?

En le mentalisant, je ressentis comme un petit soubresaut, un éclair fugace de Whisper qui disparut presque aussitôt. Le simple fait d'être certaine qu'elle était toujours là, m'enleva une angoisse qui était là depuis mon réveil et me permis de gérer un peu mieux mes émotions et d'analyser la situation avec un peu plus de calme. Notre retenu émoussée par la fatigue, le stress et l'inquiétude, nous nous étions tous les deux laisser emporter par nos émotions. Nicolas avait peur pour moi et certains de ses arguments se tenaient, mais les miens aussi même si j'aurais pu mieux réagir, je m'en rendais compte à présent.

— Et qu'est-ce que vos voulez que nous fassions d'autre ? finis-je par soupirer en redressant la tête et en affrontant le regard de mes compagnes de chambre pour la première fois.

— Envoyer quelqu'un d'autre ? suggéra aussitôt Azaldée, me parlant comme si j'avais environ six ans d'âge mental.

Le grondement qui sortit de ma gorge fut instinctif et menaçant. Cette habitude de toujours prendre les autres de haut, commençait vraiment, mais vraiment à me taper sur le système. Un bon coup de dent dans le mollet... L'aura de Whisper se mêla à la mienne et durant quelques secondes, elle fut de nouveau là, comme avant. J'étais tellement heureuse et soulagée que j'en aurais presque embrassé la sorcière malgré mon agacement initial. Même si cela ne dura pas, je sentis qu'elle se renforçait et que ce n'était plus qu'une question de temps pour que tout s'harmonise au mieux.

— Et qui verrais-tu dans ce rôle ? lui demandai-je malgré tout.

Azaldée se tut et paru réfléchir intensément, pour une fois, avant d'ouvrir la bouche.

— Cat, Lyn, moi pourquoi pas ? Ou même n'importe qui d'autre ! Pourquoi faut-il absolument que ce soit toi ?

— Tu saurais réagir face à un jeune loup-garou hors de contrôle ? Cat et Lyn, sûrement mais elles ne pourraient pas le contrôler. Pour infiltrer L.N aux côtés d'Allistaire, il faut une femme, puisque c'est la couverture qu'il a employé. Je suis la seule louve-garou...

Je me tus à ce rappel douloureux. Shay avait disparu. Depuis l'effondrement de la maison de Grant, personne ne l'avait revu, mais le pire c'est que nous ne nous en étions aperçus que bien plus tard. Elle était toujours tellement discrète, que nous n'avions pas remarqué son absence. Nicolas s'en voulait à mort. Il avait cherché à activer les liens de meutes, mais au-delà d'une certaine distance, cela ne fonctionnait plus. Nous espérions qu'elle était toujours en vie et avions même contacté Lucinda pour qu'elle nous prévienne aussitôt si elle la voyait... il ne restait plus qu'à espérer.

— Je n'ai pas plus envie que ça de jouer les flics amateurs, repris-je d'une voix un peu serrée. Mais hormis moi, personne ne sera à même de gérer ce que nous risquons de trouver sur place. Sans parler d'Allistaire lui-même. On ne sait même pas exactement ce qu'il est et s'il pète les plombs...

Lyn poussa un grand soupir et je la vis acquiescer d'un air sinistre, pas vraiment ravie que j'ai raison. D'ailleurs, je ne l'étais pas vraiment non plus. Pour être tout à fait honnête, j'aurais bien refilé la corvée à quelqu'un d'autre avec plaisir, mais j'avais beau retourner le problème dans tous les sens, je ne voyais pas d'autres solutions. D'autant plus si ma mère était là-bas et je savais que Nicolas finirait par parvenir à la même conclusion que moi, lorsqu'il se serait un peu calmé.

— Pour résumer, quel dommage qu'il soit hétéro ! ricana soudain Lyn, l'œil brillant et le sourire en coin. S'il avait préféré les mecs, il aurait pu emmener Nicolas, Storm ou Uriel et on serait moins dans la merde !

Sur le moment je ne réagis pas, mais en entendant Cat pouffer, je sentis mes lèvres se retrousser pour former un sourire au milieu de mon visage. Azaldée plomba l'ambiance en se levant brusquement dans un mouvement agacé.

— Je te rappelle que Riwanon t'attend ! On peut peut-être y aller, maintenant ?

J'avais presque autant envie d'aller voir la prêtresse du convent que de me pendre. A l'instant présent, la seule chose à laquelle j'aspirais était de me retrouver seule avec Nicolas et de pouvoir régler notre différent.

Pourtant, je me sentis hocher la tête presque malgré moi tandis que je me levais à mon tour. Lorsqu'elle ouvrit la porte, une drôle impression de « déjà-vu » me frappa lorsque Nicolas apparut dans l'encadrement de la porte. Il semblait encore en colère mais ses yeux cherchèrent les miens malgré tout.

— Il faut que j'aille voir Riwanon, on a déjà assez abusé de son hospitalité comme ça, lui dis-je en effleurant sa main de mes doigts, au passage. Je te promets que l'on en reparle dès que je reviens.

— Je t'accompagne, affirma-t-il d'un ton qui n'admettait aucune objection, ce qu'Azaldée n'eut pas l'air de saisir.

— Elle a dit qu'elle voulait la voir seule à seu...

— Je m'en fou, lui rétorqua-t-il dans un grondement, la faisant sursauter. Je resterai à l'extérieur s'il le faut, mais je viens avec vous.

La colère, qui avait un peu reflué, revint en force tandis que nous regagnions une nouvelle fois le couloir. Je savais très bien pourquoi il insistait pour m'accompagner, il craignait que je n'en profite pour me tirer en douce. Qu'il ne me fasse pas confiance à ce point me blessait, mais j'aurais été hypocrite d'affirmer que l'idée ne m'avait pas traverser l'esprit. La honte fit taire momentanément la colère et m'ouvrit les yeux, nous agissions tous les deux comme des crétins ! En guise de paix tacite, j'attrapai sa main, qu'il ne retira pas, à mon grand soulagement. Il entrelaça même nos doigts, poussant un discret soupir de soulagement lorsque nos paumes s'épousèrent.

Azaldée nous conduisit dans la salle où nous avions pris le thé le jour de notre arrivée. Riwanon nous y attendait mais devant un plateau vide et debout cette fois-ci. Ses cheveux, coiffés en un chignon serré, la vieillissaient et durcissaient ses traits, ses vêtements intégralement noirs, renforçant l'effet d'ensemble. Elle paraissait nerveuse et le regard irrité qu'elle lança à Azaldée ne m'échappa pas.

— Je ne vous attendais plus ! dit-elle d'un ton sec, ses bracelets s'entrechoquant alors qu'elle se frottait les mains dans un mouvement nerveux et lançait un regard interrogateur en direction de Nicolas.

— C'est de ma faute, lui dis-je. J'avais besoin d'un petit peu de temps pour moi, veuillez m'excuser. J'espère que cela ne vous dérange pas que Nicolas m'accompagne ? Nous n'aimons pas beaucoup être séparés.

Sa réponse se traduisit par un rictus crispé qui me mit mal à l'aise. La tension qui régnait dans la pièce ne cadrait pas avec l'attitude zen de la sorcière jusqu'ici. Il y avait quelque chose qui clochait.

— Que se passe-t-il ? lui demanda Nicolas, aussitôt sur le qui-vive.

Riwanon prit une grande inspiration, puis tandis qu'elle relevait la tête, lâcha :

— Nous avons fait parler le tigre et... les nouvelles sont beaucoup plus graves que ce que nous pensions.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top