Chapitre 38-2

*En ligne jusqu'au mercredi 05 Mai*


— Oui, répondis-je sans hésiter une seconde.

  Ma détermination et le cri agacé qui me servit de réponse la firent sourire. Pourtant, ses yeux demeurèrent sérieux et rivés au miens tandis qu'elle reculait vers l'espace vide situé devant les bancs. Lorsqu'elle fut parvenue à au moins trois mètres de nous, elle me fit signe de la rejoindre, mais arrêta Nicolas et Thomas d'un geste de la main, lorsqu'ils firent mine de me suivre.

— Je vais devoir monopoliser beaucoup d'énergie et de pouvoir, je vous conseille plutôt d'aller vous placer derrière les derniers bancs.

Les deux hommes échangèrent un regard suspicieux, avant de se tourner vers moi. Je les rassurai aussitôt d'un sourire, un peu tendu mais sincère, je voulais en terminer maintenant. Quoi que j'apprenne, quoi qu'il arrive, j'étais prête. Je crois que les seules choses que je ne pourrais pas encaisser seraient un report de plus, ou que rien ne se passe. J'allais me placer face à la sorcière, dont l'aura commençait à scintiller légèrement.

— Vous percevez mon énergie ? me demanda-t-elle, une légère surprise dans la voix.

— Je distingue votre aura, lui répondis-je, me délectant de son étonnement sans trop savoir pourquoi.

La magie qui pétillait autour de la prêtresse, semblait me monter à la tête comme un bon verre de vin. Je n'avais plus peur, je me sentais même sûre de moi, plus forte, plus...

— Ne vous laissez pas enivrer par le pouvoir, m'ordonna Riwanon d'une voix plus grave et plus profonde. Pour avoir une chance de vous aider, mon pouvoir doit sonder le vôtre. Je ne pourrais trouver la solution qu'en connaissant le problème. Restez immobile et quoi que vous ressentiez, ne réagissez pas, je ne vous ferais pas de mal.

Je voulu fermer les yeux pour diminuer l'impact mais Whisper ne me laissa pas faire. Un grondement sortit de ma gorge tandis que mes poils se hérissaient. Je faisais confiance à la sorcière mais ce n'était pas le cas de ma louve et le message était très clair. Riwanon écarta les bras et l'énergie décupla. Elle me percuta, tel un mur de vent et de pouvoir. Le mien réagit aussitôt, essayant de le contrer. Un mur invisible se matérialisa devant moi, renvoyant le pouvoir à l'envoyeur. La sorcière fut soufflée par le retour de flamme et recula d'un bon mètre, avant de s'accroupir sur le sol, le souffle court et les mains tremblantes. Toujours debout, l'énergie de Riwanon courant encore sur ma peau comme des milliers d'insectes, j'essayai de maîtriser la montée de pouvoir et surtout de canaliser Whisper qui grondait de plus en plus fort dans mon esprit, cherchant à s'affranchir de mon contrôle.

— Vous êtes puissante, très puissante, souffla Riwanon en relevant la tête vers moi. Que connaissez-vous de nous, de nos castes, de notre organisation ?

— Rien, rien du tout, lui répondis-je en essayant de ne pas crier. Mais vous le savez déjà ! Venez-en au fait ! ordonnai-je dans un grondement rauque, ayant de plus en plus de mal à me contrôler.

La sorcière se releva lentement et d'un geste gracieux et maîtrisé, rabattit sa tresse dans son dos.

— Nous sommes divisés en quatre castes principales dépendant des quatre éléments. L'eau, l'air, le feu et la terre. Certaines capacités spécifiques découlent plus naturellement de certaines castes que d'autre. Vous êtes une sorcière de l'air et plus précisément de l'esprit mais comme vous le savez déjà, vos pouvoirs sont bridés par un sort...

— Pourquoi me raconter des choses que je sais déjà ?

— Pour que vous soyez bien consciente de ce qu'il va se passer. Je peux briser le sort, mais il a peut-être été lancé pour une bonne raison ?

— Que vous le fassiez ou non, le pouvoir est en train de se libérer, je le sens mais je ne sais pas si je serais en mesure de le maîtriser...

Avant que je n'aie le temps de terminer ma phrase, Riwanon frappa. Le mot qu'elle cria fendit l'air et m'atteignit tel un poignard. Alors que la douleur me déchirait le cœur et l'esprit, je compris que ses explications redondantes n'étaient qu'une diversion pour me faire baisser ma garde. Dans un gémissement d'agonie, je m'écroulai sur le sol. La douleur était insoutenable. La pression enflait à l'intérieur de moi, comme si quelque chose voulait sortir mais restait bloqué à l'intérieur. Un second mot jaillit d'entre les lèvres de la sorcière et je sentis mon esprit se morceler. Des images éparses apparurent derrière mes paupières closes. Ma mère, telle qu'elle était juste avant sa disparition. Puis plus jeune en compagnie d'un homme que je ne connaissais pas. Athlétique, des cheveux bruns tirant sur le roux, des yeux en amande ressemblant étrangement aux miens...

— Vous êtes la fille de Héliantha ?! souffla soudain Riwanon d'un ton incrédule et empli de douleur.

Les images refluèrent en même temps que la douleur, me laissant haletante et courbatue. Allongée sur le dos, les bras en croix, je peinais à reprendre mon souffle et à réassembler mes esprits. Nicolas s'agenouilla soudain à mes côtés et après m'avoir demandé la permission d'un regard, m'aida à m'assoir. Je me sentais étrangement vide, comme soulagée d'un poids immense, mais hormis cela, rien ne paraissait avoir changé.

— Ma mère s'appelait Élaine, parvins-je enfin à répondre.

— Et votre père ?

— Damon, mais je ne l'ai jamais connu. Il est mort avant ma naissance.

Riwanon me fixa d'un regard grave et empli de tristesse et je sus que la suite des révélations n'allait pas me plaire.

— Je connaissais votre mère, lâcha-t-elle enfin dans un soupir. Nous étions très amis autrefois, elle, moi, Trent et... Armyn. Jusqu'à notre dernière année de formation magique. Armyn était un sorcier de la terre très puissant. Sa spécialité était de commander aux animaux. Mais très vite, cela ne lui a plus suffi et...

— Il a commencé à étudier la magie noire ? continua Nicolas, qui tout comme moi, voyait très bien où cela allait nous mener.

— Oui, approuva Riwanon. Nous avons tenté de l'en dissuader, mais il continuait à affirmer que ce n'était que de la recherche, que jamais il ne franchirait le pas. Qu'il cherchait juste à s'améliorer... C'est Trent qui a cédé en premier et fini par le rejoindre dans ses études interdites. Hélia et moi aurions dû les dénoncer, mais nous étions jeunes et amoureuses...

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demandai-je d'une voix blanche.

— Armyn a tenu sa parole et n'a jamais franchit l'ultime étape, mais tous les sorts qu'il essayait de lancer ne fonctionnaient pas et lui pompaient de plus en plus d'énergie. Il est devenu distant, froid et même agressif envers nous. Surtout envers Hélia, qu'il essayait à tout prix de convaincre. On le voyait se transformer devant nos yeux, perdre pied, devenir quelqu'un d'autre et un soir... il a tué Trent. On ne saura jamais si c'était volontaire ou un simple accident mais il était déjà tellement avancé dans les pratiques obscures que le pouvoir l'a... dévoré avant de le consumer.

— Il est mort ? demanda Thomas qui s'était rapproché sans que je ne m'en aperçoive.

— En emmenant vingt autres sorciers avec lui. Le grand prêtre de l'époque a tout fait pour étouffer l'affaire et tous les grimoires de magie obscure ont été scellés, mais le mal était fait.

— Et qu'est-il arrivé à... Hélia ? demandai-je d'une voix tremblante.

— Armyn et Trent étant mort, tous les regards se sont tournés vers nous, puisque nous étions toujours tous les quatre ensemble. Ils nous ont soupçonné d'être leurs complices, de ne pas les avoir dénoncé... et au fond, ils avaient raison. Nous avions le poids de tous ses morts sur la conscience, mais Hélia encore plus que moi. Sans me concerter, elle a décidé de tout prendre sur elle. Comme elle était jeune, la sentence a été clémente et elle a été bannis à jamais du monde des sorciers. Je n'ai pas compris pourquoi elle avait fait cela à l'époque, cela n'avait pas de sens de s'accuser ainsi et de ne même pas se défendre... mais maintenant je sais. Elle était enceinte de toi.

Les larmes coulaient déjà sur mes joues avant même que je n'ai conscience de pleurer. Les bras de Nicolas passés autour de moi, j'avais l'impression que tout cela arrivait à quelqu'un d'autre.

— Elle l'a fait pour te protéger, continua Riwanon, car si elle était restée...

— Tout le monde aurait su qui était mon père, achevai-je à sa place.

— J'ai senti leurs essences dans ton pouvoir. Tu es une sorcière de l'air comme ta mère mais je ne pense pas que votre attirance et cette connexion qui existe entre vous soit une coïncidence, ajouta-t-elle en nous désignant de la main. C'est ta magie de la terre qui a attiré Nicolas vers toi.

— Vous... vous voulez dire que ce n'était pas naturel ? m'exclamai-je en m'étranglant presque.

— Aucun risque.

— Non, répondirent-ils en même temps. Cela a juste permis que la transformation s'opère. Car, normalement, les sorciers ne peuvent pas devenir des loups-garous.

— Sauf les sorciers de la terre ? demanda Thomas qui semblait fasciné par la conversation.

— Même chez eux, c'est quasiment impossible. Les deux magies s'annulent. C'est certainement dû au fait que sa magie était bridée, mais si tu n'avais pas eu cette ascendance, cela n'aurait pas fonctionné, ajouta-t-elle en me regardant.

— Je... mes pouvoirs sont dangereux ? finis-je par demander d'une petite voix. Vous croyez que ma mère avait peur que je devienne comme mon père ?

— Non, je crois surtout que ta mère avait peur pour toi, tout simplement. Obligée de vivre au milieu des humains, elle ne pouvait pas laisser tes pouvoirs se développer normalement, la brigade magique s'en serait aperçut. Le plus gros risque était qu'il reconnaisse la signature d'Armyn dans ton aura, ce qui t'aurais mise en danger.

— Vous croyez que c'est pour cela que les sorcier noirs la recherche ? demanda Nicolas.

— C'est une quasi-certitude. Mais tu ne pourras pas les affronter sans avoir retrouver tes pleines capacités et le seul moyen d'y parvenir, c'est que le sorcier qui a lancé ce sort sur toi, le lève.

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