Chapitre 37-1
*En ligne jusqu'au vendredi 30 Avril*
Les paroles de Thomas tournoyaient encore dans mon esprit tandis que nous parvenions au bas des marches. Des papillons et des abeilles butinaient les buissons multicolores plantés dans les massifs et le long des murs. Le bourdonnement se mêlait à... mais nous étions en automne, réalisai-je soudain alors qu'une nouvelle bouffée d'air printanier soulevait mes cheveux. A moins que cet endroit bénéficie d'un microclimat, il ne devrait plus y avoir autant d'insectes butineurs ni autant de fleurs à cette période de l'année.
A l'instant où cette évidence m'effleura l'esprit ma vision se brouilla et ma perception se modifia, une image se substituant à l'autre comme sur une télé mal réglée. Le cloître et les buissons étaient toujours là, mais les fleurs avaient disparu. Les feuilles étaient plus ternes et clairsemées et se paraient, pour certaines, de teintes orangés et rouilles. La luminosité blafarde et la bise charriant des feuilles mortes, rendait l'endroit mélancolique et presque triste.
Je ne me rendis compte que je m'étais arrêtée que lorsque la main de Nicolas tira sur la mienne. Il me lança un regard interrogateur alors qu'un bourdon me frôlait visant un bouquet de clochettes violettes. Je fis les trois pas qui nous séparait en le rassurant d'un sourire. Il se doutait déjà qu'une illusion était à l'œuvre ici, ma confirmation pouvait attendre que nous ne soyons plus entourés de regards curieux.
Nous continuâmes à suivre Azaldée qui saluait avec un grand sourire tous les gens que nous croisions sans pour autant expliquer notre présence ou qui nous étions. Certains nous regardaient curieusement mais d'autres ne se cachaient pas pour afficher leur hostilité à notre égard. Azaldée continuait à sinuer dans les différentes allées sans y faire attention et nous fîmes de même, mais je perçus sans peine le soulagement général lorsque nous atteignîmes enfin l'ancienne église rénové.
Le bâtiment était encore plus impressionnant vu de près. Haut de près de dix mètres il nous dominait de sa hauteur mais sans nous écraser. Le soleil scintillait sur les panneaux de verre, réfléchissant la lumière et nous empêchant de distinguer ce qui se trouvait à l'intérieur. La porte automatique s'ouvrit dans un léger chuintement me sortant de ma contemplation et nous pénétrâmes à l'intérieur à la suite de la jeune sorcière.
Zen était le mot qui convenait pour décrire l'ambiance régnant à l'intérieur. La pièce, immense, était totalement recouverte d'un dallage imitation parquet en Teck et un bassin, surmonté d'une oasis de verdure tropicale, trônait en son centre, entouré de bancs en bois. Plusieurs couloirs s'ouvraient dans les murs en pierres, mitoyens aux autres bâtiments plus ancien. Azaldée s'approcha d'un grand comptoir en marbre, disposé presque immédiatement à droite de l'entrée. Une jeune femme aux cheveux tressés et vêtu d'un stricte tailleur noir, nous accueillit avec un sourire de commande.
— Salutations, Incka. Je dois faire un signalement M 20 et nous sommes attendus dans la grande salle.
— Salutations, archiviste Azaldée. La Grande prêtresse vous attendra dans la salle haute, elle a pensé que vous y seriez plus tranquille pour discuter, lui répondit-elle en lui tendant une fiche cartonnée couleur bleu layette.
Azaldée ferma les yeux et apposa sa paume sur le bristol qui se mit à luire avant de passer du bleu au violet.
— Votre signalement est enregistré. Compte tenu de son importance, il sera traité en priorité.
La jeune sorcière se contenta d'un signe de tête avant de tourner les talons sans un mot de plus et nous invitant à la suivre. Nous échangeâmes des regards interloqués, un peu déstabilisé par toute cette froideur et tout ce protocole rigide et impersonnel. Si c'était réellement ça la vie quotidienne du convent, sorcière ou pas, jamais je n'aurais pu vivre ici.
— J'avoue que je suis tout de suite moins inquiet de te voir découvrir ton côté sorcière, me chuchota Nicolas dans le creux de l'oreille. Aucune chance que tu nous quittes pour ces culs serrés.
— Toi, tu as lu dans mes pensées ! le sermonnai-je en essayant d'éviter de pouffer comme une gamine.
Qu'est-ce que cela faisait du bien, un peu de naturel, pensai-je alors que nous contournions le bassin central. Une légère brume flottait à la surface de l'eau où l'on pouvait apercevoir de magnifiques carpes Koï nageant paresseusement au milieux des reflets turquoise. C'était vraiment magnifique. Mais comme toute l'ambiance régnant ici, cela paraissait superficiel et trop parfait. Azaldée nous conduisit vers le couloir du fond que nous empruntâmes avant de bifurquer presque aussitôt sur la droite dans une coursive à peine visible. L'étroitesse du corridor nous forçait à marcher à la queue-leu-leu. Ici, des dalles de pierre avaient remplacer le carrelage et des spots encastrés la lumière naturelle. Nous arrivâmes finalement au pied d'un escalier en colimaçon que nous gravîmes, les uns derrière les autres.
Nous arrivâmes finalement dans un nouveau couloir, terminé par une imposante porte en fer décoré d'un heurtoir ouvragé. Azaldée l'actionna, tapant trois fois rythmiquement sur le battant qui émit un bruit de gong. Le son résonna entre les murs de pierre, semblant prendre une vie propre, avant que le vantail ne tourne sur ses gonds.
Affamée et de plus en plus lasse de toutes ces simagrées, je n'avais plus qu'une seule envie, qu'on en finisse. Alors sans même attendre que le battant ait fini de s'ouvrir, je m'engouffrai dans l'entrebâillement. Le cri outré d'Azaldée me fit presque sourire mais pas ralentir pour autant. En revanche, la vue s'en chargea très bien toute seule.
Je ne sais comment, mais nous étions de retour dans l'ancienne église. Pourtant, je n'avais aperçu aucune tour de l'extérieur, pourtant les panneaux en verres et métaux qui nous entouraient de toute part donnant une vue imprenable sur la vallée, ne trompaient pas. La pièce, chaude et chaleureuse, contrastait avec tout ce que nous avions pu voir jusqu'à présent. Tout comme la femme qui nous attendait, négligemment assise en tailleur sur un cousin chamarré.
— Voici Riwanon, grande prêtresse de ce convent, annonça Azaldée après s'être éclairci la voix.
— C'est bon Azaldée, nous sommes entre nous, tu peux oublier un peu le protocole ! dit Riwanon d'une voix claire et chantante, contrastant étrangement avec les rides commençant à coloniser son visage.
Habillée d'un sari Fushia rehaussé de broderies noires et argents, ses longs cheveux noirs, striés de gris tombant en une natte épaisse sur son épaule droite, elle ressemblait plus à une prof de yoga qu'à une sorcière. D'un sourire naturel et d'un geste de la main, elle nous invita à prendre place sur les autres coussins. Nous nous installâmes, non sans constater qu'il y avait le nombre exact de place autour de la table basse en bois, surmonté de deux théières fumantes et d'un assortiments de bols colorés.
— Thé noir ou thé vert ? nous demanda-t-elle en se saisissant de l'une des anses à l'aide d'une manique en coton crocheté.
Un peu déboussolé par tous ces changements successifs, personne ne répondit.
— Rose ? me demanda-t-elle en me fixant de ses doux yeux bruns.
— Heu... vert, s'il vous plait, répondis-je maladroitement en me dandinant sur mon coussin, mal à l'aise d'être la première à parler.
Elle me servit, ayant évidemment choisi la bonne théière, avant de faire le tour de la table. Une fois tous les bols remplis, elle sortit deux assiettes de dessous le plateau de bois. L'une remplie de sandwiches et l'autre de pâtisseries.
— Il est très rare que nous recevions des étrangers ici et au départ, j'étais contre votre venue. Ce n'est en rien contre vous, ni contre votre nature précisa-t-elle lorsqu'Allistaire s'agita sur son coussin. La magie est par essence volatile et instable et nous avons ici beaucoup de jeunes inexpérimentés. Lorsque des non-sorciers pénétrés dans notre sanctuaire cela perturbe le flux magique et peu être préjudiciable à l'apprentissage.
— Nous ne savions pas tout cela, lui répondit Nicolas d'un ton presque aussi solennel que le sien. Nous sommes vraiment désolé que notre présence dérange votre quiétude mais nous avons besoin de réponses et dès que nous les auront obtenus, nous partirons.
— Je n'ai pas employé le passé par hasard. Depuis ce séisme, la donne a changé. Nous ne pouvons plus fermer les yeux et rester cloitrer derrière nos murs, même pour des intentions louables. C'est pour cela que vous êtes tous les bienvenus parmi nous. Je sais que vous êtes épuisés et affamés, nous dit-elle de sa voix douce. Alors restaurez-vous. Ensuite je vous ferais conduire à vos chambres où vous pourrez vous reposer et ce soir, je vous promets toutes les réponses que je serais à même de vous fournir.
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