Chapitre 36-2

*En ligne jusqu'au jeudi 29 Avril*

Nous avions rejoint la jeep après avoir pris quelques vivres pour la route et surtout tergiverser durant de longues minutes sur qui nous accompagnerait en plus de Storm. Finalement, ce furent Thomas, Azaldée, Uriel et Allistaire. Cela c'était longuement joué entre lui et Arslan, mais finalement le caractère du dernier avait joué en sa défaveur. Ajouté à l'insistance stressante d'Allistaire dont nous aurions peut-être besoin si des informations nous menaient de nouveaux vers L.N, le choix avait été vite fait. Le plus long ayant été de convaincre le recalé d'accepter notre décision. Nous roulions déjà depuis près de trois heures, le soleil de plus en plus haut dans un ciel sans nuage semblant nous narguer. Le plus raisonnable aurait été d'attendre la nuit pour circuler, mais le temps pressait et nous avions mis toutes les chances de notre côté pour ne pas croiser les forces de sécurité. N'empruntant que les routes secondaires, nous nous étions rallongés mais jusqu'à présent, excepté des animaux délogés et paniqués par le séisme, nous n'avions croiser personnes. Les dégâts n'étaient pas très visible dans les campagnes que nous traversions et cela semblait s'amenuiser à mesure que nous montions vers le nord.

Uriel venait de remplacer Storm au volant et nous en étions à notre deuxième paquet de gâteaux ramollis quand Azaldée se redressa brusquement. Elle était installée à côté de moi, dans l'un des deux sièges minimalistes ajoutés dans le coffre.

— Dès que je te le dirais, tourne à gauche, cria-t-elle pour se faire entendre du chauffeur malgré le vacarme assourdissant du moteur.

— Comment fais-tu pour te repérer, on est en plein milieu de nulle-part ? s'étonna Allistaire, dont l'humeur n'avait fait que s'assombrir au cours du trajet.

— Tout comme vous, nous avons nos petits secrets, lui répondit-elle toute son attention fixée sur l'extérieur.

— Tu sais, depuis quelque temps, nous ne sommes plus trop fan des secrets ! ironisa Thomas en se retournant vers elle, son regard la sommant de s'expliquer.

— Des balises magiques, visibles que de nous, sont disséminées le long de la route.

Je regardai à mon tour par la vitre sale, mais Allistaire avait raison, hormis quelques arbres disparates et des champs identiques à perte de vue, il n'y avait rien à voir.

— Tu tourneras à gauche dans trois cents mètres.

— Maintenant ! dit-elle une poignée de secondes plus tard.

— Hein ? Mais c'est un champ !

— Vas-y, discute pas !

Uriel ralentit et s'engagea prudemment sur l'accotement. Mais au lieu de cahoter au moment de franchir le fossé, les roues glissèrent sans accroc.

— Ne roule pas trop vite car plus loin il y a des nids de poule.

— Mais punaise, comment tu peux savoir ça ?! Normalement les sorts de camouflages se dissipent lorsqu'on les traverse.

— Ce n'est pas un sort de camouflage. C'est un sort d'illusion totale. Beaucoup plus puissant mais aussi beaucoup plus complexe à créer. Les cinq plus puissants sorciers de notre convent ont dû s'unir pour lancer celui-là.

— Pour le total, tu repasseras ! Visuellement on se trouve bien dans un champ de patate, par contre on sent bien que la voiture roule sur une route et pas sur de la terre, lui fit remarquer Allistaire. L'illusion n'est pas parfaite.

— C'est parce que le sortilège s'amenuise avec le temps. C'est le signe qu'il est temps de le renforcer. Je ferais un rapport en arrivant. Là, arrête-toi ! ordonna-t-elle brusquement à Uriel qui pila, nous envoyant presque embrasser le dossier de siège devant nous.

— Préviens un peu plus tôt la prochaine fois !

— Désolée, ce portail n'était pas là, la dernière fois.

Aussitôt elle commença à dessiner des symboles étranges, dans le vide devant elle, faisant bouger ses mains et ses doigts avec une dextérité étonnante. Je sentis quelque chose s'éveiller, comme une étincelle, qui grandit et finit par se développer, enveloppant Azaldée. La chair de poule envahit tout mon corps dès que le sort me toucha et une odeur piquante et astringente envahit mes narines, manquant me faire éternuer. L'air se rafraîchit sensiblement et mes doigts me picotèrent. Ma vue fut la dernière à être affectée et la réalité de ce qui nous entourait m'apparut soudain comme sortant d'un mirage. Autour de moi, mes compagnons subissaient la révélation en léger décalage, Uriel étant le dernier à être touché.

— Waouh, murmura-t-il la respiration rapide et les mains crispés sur le volant. Ah, oui, là c'est balèse ! commenta-t-il, les yeux rivés sur le pare-brise et ce qui s'apercevait désormais de l'autre côté.

Le champ n'existait plus et avait laissé place à un bois dense où des citronniers et d'autres arbres exotiques se mêlaient aux essences locales. La route goudronnée sur laquelle nous nous trouvions avait connu des jours meilleurs mais restait praticable jusqu'au barrage, matérialisé par un tronc gigantesque couché en travers de la route. Plusieurs silhouette encapuchonnées se tenaient devant, notre pare-chocs frôlant presque leurs chaussures.

Azaldée, évidemment pas troublé par le spectacle, dessina une nouvelle rune devant elle avant de la propulser vers l'extérieur d'un mouvement sec de la main. Le glyphe scintillant traversa le pare-brise comme s'il n'existait pas avant de s'immobiliser dans les airs. Une vibration s'en échappa et dès qu'elle atteignit les silhouettes toujours immobiles, ces dernières se mirent subitement en mouvement.

— Recule la voiture, ordonna Azaldée à Uriel alors que le tronc se mettait soudain à léviter à quelques centimètres du sol.

Le jeune loup obéit et nous vîmes l'imposant tronc pivoter avant de reposer sur la bas-côté.  Sans attendre l'ordre d'Azaldée, Uriel passa la marche avant et traversa le barrage à présent ouvert. Plus personne ne parla tandis que la jeep continuait sa route dans ce paysage irréel.

— D'autres surprises à prévoir ? demanda Nicolas à la place d'Uriel qui tentait de maîtriser son stresse en martyrisant le volant. 

— Normalement non, nous devrions apercevoir le premier bâtiment du convent d'une seconde à l'autre.

Les arbres se raréfièrent, puis la route s'élargie légèrement, jusqu'à ce qu'apparaisse un portail en pierre. Nous passâmes dessous sans problème et remontâmes une allée bordée de cyprès.

— Vous vivez dans un château ? demanda Allistaire alors que nous serpentions toujours sur l'allée sinueuse qui ne semblait pas avoir de fin.

— Presque, lui répondit-elle avec un petit sourire mystérieux.

La route déboucha sur un parking recouvert de gravier où plusieurs véhicules, tous identiques, étaient stationnés en épi.

— Garez-vous là, le reste du chemin se fera à pied, nous dit la jeune sorcière alors qu'Uriel manœuvrait notre char d'assaut avec prudence.

— Il était temps que nous arrivions, le réservoir est dans le rouge, fit-il remarquer en coupant le contact.

Nous descendîmes tous de voiture, surpris par la brise fraiche qui nous enveloppa. L'air était pur et vivifiant et exhalait un mélange de pin, d'agrume et d'humus qui sentait divinement bon et apaisa aussitôt ma louve. Naturellement ma main se glissa dans celle de Nicolas et nous suivîmes Azaldée jusqu'à un parapet en pierre. La vue qui s'offrit alors à nous, nous coupa littéralement le souffle.

— C'était un ancien monastère abandonné. Nous l'avons restauré et ajouté quelques... améliorations, nous expliqua Azaldée.

— C'est magnifique, soufflai-je m'imprégnant du calme et de la sérénité des lieux.

— Merci, me dit Azaldée en rosissant de plaisir. Ravie que cela vous plaise.

— Il faudrait être difficile, bougonna Uriel qui n'était apparemment toujours pas fan de la jeune sorcière.

En contrebas, s'étendait plusieurs bâtiments en pierre encadrant un cloitre verdoyant où poussait des fleurs et des légumes. L'église proprement dite avait disparue, remplacée par un bâtiment plus moderne mêlant pierres et acier mais qui se mariait très bien à l'ensemble. Plusieurs silhouettes portant des sortes de toges à capuches de couleurs différentes, se pressaient dans les allées ou discutaient, assis sur des bancs. Le seul accès apparent se faisait par la terrasse sur laquelle nous nous trouvions. Azaldée nous guida vers un escalier en métal enchâssé dans la roche et qui descendait abruptement vers la petite vallée encaissée. Le métal grinça de manière inquiétante lorsque nous commençâmes la descente et nous échangeâmes quelques regards inquiets.

— Vous n'avez rien à craindre, c'est solide, essaya de nous rassurer la jeune sorcière.

— Tout cet... idyllisme ne me plait guère, nous murmura Thomas au milieu de la descente. Je serais vraiment curieux de savoir ce qui est réellement vrai.

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