Chapitre 36-1
*En ligne jusqu'au mercredi 28 Avril*
— Tu crois vraiment qu'une issue favorable est encore possible ?
Ma voix, presque aussi éthérée que les nuages cotonneux filant dans le ciel, sonna étrangement à mes oreilles dans l'habitacle feutré.
— J'aimerai y croire, me répondit Nicolas dans un soupir. Quand je croise des gens comme Lucinda, je reprends un peu espoir. Peut-être que si l'on expliquait clairement les choses...
— Ça n'empêchera pas la peur ni les fanatiques.
— C'est vrai, mais ça, jamais rien ne l'empêchera. Il y en a toujours eu et il y en aura toujours. D'ailleurs, ce ne sont pas les humains qui ont initié ce conflit. Les fanatiques sont autant de notre côté que du leur.
— Tu as raison, mais ils n'ont rien fait pour arranger les choses ou pour essayer de comprendre. Ils ont immédiatement crié à la trahison. J'aimerai tellement croire à une issus favorable, mais à l'heure actuelle, même si elle survenait, je ne sais pas si je pourrais encore faire confiance...
— Moi je suis persuadé du contraire, chuchota Nicolas en m'embrassant les cheveux. Tu sais reconnaître les personnes en qui tu peux avoir confiance, j'en suis la preuve vivante.
— Ce n'est pas faux, lui répondis-je en tournant la tête vers lui, sentant un sourire étirer malgré moi mes lèvres sèches. Je crois que mon moral n'est pas au plus haut, ces temps-ci.
M'attirant de nouveau contre lui, il m'embrassa tendrement avant de me serrer dans ses bras, m'encerclant d'une étreinte réconfortante.
— Allez, les tourtereaux, la pause c'est terminé ! dit Lyn après avoir brusquement ouvert la portière conducteur. Sérieux, vous avez dix minutes de répits et vous les consacrer à bouffer des gâteaux dégueu et à philosopher ! Il y avait des trucs plus fun à faire !
— En dix minutes ?! lui rétorqua Nicolas d'un air goguenard. Je croyais Thomas plus endurant que ça !
Le rire de Lyn, semblable à un aboiement, explosa dans tout l'habitacle.
— Excellent ! J'avoue que je l'ai bien cherché. Bon, les préparatifs avancent mais le temps passe vite et nous ne savons toujours pas où aller. Thomas et Grant m'ont envoyé vous chercher, grimaça-t-elle comme si elle était désolée de nous déranger.
— Tu te sens mieux ? me demanda Nicolas en me couvant d'un regard inquiet.
J'attendis quelques secondes avant de lui répondre, pas vraiment certaine de ce que je ressentais. La chaleur et la nourriture m'avaient fait du bien. J'étais toujours courbatues mais je me sentais moins à plat. Par contre j'étais lasse d'une autre manière. Lasse de toute cette violence, de tous ces morts, de cette tension permanente... ça ne me ressemblait pas d'être si négative et surtout je ne pouvais pas me le permettre. Nicolas avait raison, nous devions continuer d'espérer et aller de l'avant. Le renoncement, c'est l'échec.
— Oui, ça va mieux, lui affirmai-je en me redressant, avant de le suivre hors du véhicule.
Notre feu de camp anémique avait pris un second souffle et crachait à présent ses flammes à plus d'un mètre de hauteur. Tout le monde s'était retrancher à une distance prudente, à l'abri des braises crépitantes qui s'élevaient dans les airs et retombait tout autour de l'âtre improvisé.
— Tu as été peut-être un peu trop enthousiaste, cousine ? disait Arslan à Azaldée au moment où nous les rejoignîmes.
— Parce que c'est toi qui as fait ça ? demandai-je à la jeune sorcière, surprise et malgré moi un peu curieuse d'en apprendre plus.
— Oui, me répondit-elle, une pointe de fierté dans la voix. Je suis avant tout une jeteuse de sort, même si cela fait longtemps que je n'ai pas pratiqué la magie basique.
— Parce que ça, c'est basique ? s'étonna Lyn à son tour.
— Je n'ai pas créé le feu, je l'ai juste avivé, un peu trop d'ailleurs, mais ça ne va durer.
En effet, à peine une minute plus tard, les flammes reprirent une taille plus raisonnable et nous pûmes de nouveau nous approcher du foyer.
— Alors pour résumer, attaqua aussitôt Grant en s'éloignant des deux sorciers. Les humains nous proposent de les accompagner. D'après la chérif, les secours sont certainement arrivés dans la ville voisine. Cooper est pour, bien sûr, car certains blessés ont besoin de plus de soins qu'il ne peut leur en fournir. Personnellement, et comme tu t'en doutes sûrement, je suis contre. Il nous manque donc une voix pour trancher, nous expliqua-t-il en baissant sensiblement la voix et en lançant un bref regard à Lucinda qui se tenait, seule, de l'autre côté du feu.
— Si on ne suit pas les humains, tu as trouvé un autre point de chute ?
— Azaldée dit que vous aviez rendez-vous avec sa supérieure et que, même si elle n'a pas pu la joindre depuis le séisme, l'invitation doit toujours tenir, nous dit Grant.
— Oui mais nous avions négocié pour cinq personnes. Vu les caractères des deux spécimens que nous avons avec nous, cela m'étonnerait fort qu'ils acceptent tout le groupe et on ne peut pas vous laisser derrière, lui répondit Nicolas.
— J'ai peut-être une option en réserve, mais sous couvert de pouvoir passer un coup de fil et sans aucune garantie de réponse, nous dit Thomas, un pli soucieux déparant son front.
— C'est quoi cette option ? lui demanda Lyn.
— Hannah ou Jude, un autre ami. L'un comme l'autre, font partie de communautés puissantes et bien dissimulées, nous pourrions nous y abriter le temps de nous retourner, mais... je ne connais pas leurs situations, si ça se trouve elle est encore plus précaire que la nôtre... c'est sans garantie.
La réflexion et l'urgence se lisait sur tous les visages. Nous étions épuisés, blessés, traqués et à la rue ! Notre situation n'aurait guère pu être pire. Nos maigres options tournaient en boucle dans ma tête et une seule solution en débouchait.
— Il faut rester avec les humains, c'est là que nous serons la plus en sécurité, finis-je par affirmer, de plus en plus certaine de ce que j'avançais. Lucinda sait ce que nous sommes mais c'est l'une des rares de son groupe. Elle représente l'autorité, elle nous couvrira.
— A moins qu'elle ne nous dénonce à la première occasion ? persifla Grant, fidèle à lui-même.
— Non, ce n'est pas son genre, affirmai-je en priant très fort pour avoir raison et ne pas tous nous entraîner dans la gueule du loup.
— Je suis d'accord avec Rose, m'appuya Thomas. J'aime bien cette femme et quel intérêt elle aurait à nous trahir ?
— L'argent ? Le pouvoir ? Un poste plus important ? Allez savoir ? Les possibilités sont infinies. Si on les suit en ville on va sûrement croiser des patrouilles. Nous n'avons plus de papiers et si on tombe sur un barrage test, on est foutu.
— On est en état d'urgence ! Tu crois vraiment qu'ils gaspilleraient du temps et des hommes pour ça ? s'exclama Thomas d'une voix irritée.
— Je suis presque prêt à en mettre ma main au feu.
— Si c'est le cas, je vous ferais passer. J'ai l'autorité nécessaire, affirma Lucinda d'un ton prudent mais affirmé.
Absorbés par la conversation, personne ne l'avait vu se rapprocher de nous. Autant pour les supers métamorphes et leur hypervigilance légendaire !
— Comme je l'ai déjà dit, je n'ai aucun problème avec vous. Vous nous avez aidé alors que rien ne vous y obligeait, à notre tour de vous rendre la pareil. Après, je ne peux rien garantir non plus, je ne sais pas ce que nous allons trouver là-bas mais, vos ennemis, qui qu'ils soient, hésiterons peut-être à s'en prendre à vous si vous vous trouvez dans un lieu public rempli d'humains et de témoins potentiels ?
— Rose à raison, me suivit à son tour Nicolas avec un doux sourire. C'est le meilleur plan et j'ai confiance en vous, ajouta-t-il à l'intention de Lucinda qui eut l'air de beaucoup apprécier le compliment. Comment voulez-vous procéder ?
— Vous avez trois voitures. Je suggère que l'on les utilise pour transporter les blessés et les deux médecins. Nous suivons à pied et dès qu'ils ont trouver de l'aide, les voitures viennent rechercher les autres ?
— Bonne idée, mais vous partez en éclaireur avec eux car s'il y a des patrouilles...
Lucinda approuva et parti aussitôt d'un pas énergique commencer à organiser le transfert des blessés avec Cooper. Grant nous fixa d'un air grave avant de sortir quelque chose de sa poche et de le tendre à Nicolas.
— Vous, vous ne venez pas avec nous. Ma jeep vous attend, cachée dans les bois. J'y ai déjà envoyer Storm. Comme il n'est pas revenu, c'est qu'elle était toujours là où je l'avais planqué. En vous serrant bien, vous devriez pouvoir tenir à sept à l'intérieur. Allez voir cette sorcière et essayez de comprendre ce que nous veulent ces types. Nous ne pourrons pas fuir éternellement, surtout si on doit combattre des catastrophes naturelles ! Nous, on sauve les nôtres et vous, vous allez chercher des réponses.
La clef resta en suspend quelques longues secondes, pendant des doigts de Grant comme un pendule hypnotique, avant que Nicolas ne referme la main dessus, scellant notre destin.
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