Chapitre 35-1

*En ligne jusqu'au vendredi 24 Avril*


La fatigue et les combats précédents tiraient sur mes muscles tandis que je me faufilais entre les tronc, contournant le plus largement possible « l'infirmerie ». Une fois à bonne distance et à l'arrière de celle-ci, je grimpai de nouveau dans un arbre avec la grâce d'un pachyderme sous barbituriques. Mes membres étaient lourds et douloureux et malgré l'adrénaline, l'énergie commençait à me manquer. Ce que j'aperçus, une fois en haut de mon perchoir improvisé, m'aiguillonna assez pour que Whisper s'invite à la fête. Ma vue se modifia, mais comme auparavant, la transformation s'arrêta là. Même si la vue de Whisper était meilleure que la mienne, ce n'était pas son sens le plus développé. Ma louve comptait surtout sur son ouïe et son odorat quasiment infaillibles pour chasser. Sous ma forme humaine, je me basais plus sur ma vision, nos points forts combinés, nous devenions imbattables.

Je cherchai Cooper et le repérai presque aussitôt. De dos, l'air affairé et tenu en joue par l'un des gardes, c'était le seul à être actif. C'était bien du Cooper ça, même en pleine prise d'otage, son devoir de médecin passait avant tout. Si nous voulions avoir une chance d'abattre les deux hommes simultanément et en silence, nous allions devoir nous coordonner et pour cela il fallait déjà qu'il soit conscient de ma présence. Une ébauche de plan plus ou moins en tête je me laissai retomber le plus silencieusement possible sur le sol. Le ciel que j'apercevais par intermittence entre les branches commençait à s'éclaircir. Nous ne devions pas traîner, l'aube approchait et une fois le jour levé toute discrétion serait impossible.

A pas de loup, je me postais non loin de l'endroit où se trouvait Cooper. Dissimulée au milieu des fougères et sous le vent pour avoir moins de risque de me faire repérer des méchants, j'essayai de passer en autre vue. Ayant eu un peu peur que le sort ne bloque aussi cette faculté, je fus soulagée lorsque les liens de meutes scintillèrent doucement devant mes yeux épuisés. Cela faisait des semaines que je ne m'étais pas servis de cette aptitude et beaucoup de choses avaient changé ! A présent, trois cordes épaisses et scintillantes partaient de moi me reliant à Cooper, Shane et Storm. Celle de ce dernier, un peu moins épaisse et brillante que les autres se subdivisait et une partie était relié à Nicolas. Mais le plus surprenant était le lien m'unissant à Nicolas. Différent des autres, d'un blanc étincelant, il semblait forgé dans l'acier et paraissait inaltérable.

J'aurais aimé pouvoir m'attarder sur tout ce que cela impliquait, mais l'urgence de la situation me ramena sur terre. Avec prudence je revins vers la corde métaphysique me reliant à Cooper et, d'une petite impulsion mentale, essayait de la faire vibrer. Devant mes yeux, rien ne se passa, mais la réaction de Cooper fut éloquente. Penché au-dessus de Waahana, il se redressa brusquement, alertant le garde qui, le doigt sur la détente de son arme, avait l'air un peu chatouilleux de la gâchette.

— Qu'est-ce que tu fais ? aboya-t-il d'une voix grave, qui aurait pu être agréable si elle n'avait pas été si menaçante.

— Rien, quelque chose m'a piqué, lui mentit Cooper, sur la défensive. Il faut vous détendre !

Lentement et les mains bien en évidence, il se retourna vers Waahana, jetant un petit coup d'œil rapide dans ma direction. Il ne pouvait pas me voir mais il me sentait, il savait que j'étais là. C'est à cet instant que la télépathie m'aurait bien aidé, pensai-je avec une légère amertume. Repensant à ce qu'Azaldée m'avait dit, me traitant de sorcière de l'esprit, je tentai d'établir une connexion mentale avec Cooper. Après une bonne minute, excepté un début de migraine et une douleur pulsatile derrière l'œil droit, rien ne s'était produit. Frustrée, je dus me résoudre à employer les bonnes vieilles méthodes.

Avec mille précaution, je sortie de mon nid de fougère et me risquai à grimper dans le seul arbre surplombant le petit campement de fortune. Une bâche servant de toit sommaire me bouchait partiellement la vue, mais placée à l'endroit adéquat, je pouvais apercevoir Cooper entre deux déchirures de la toile. D'une nouvelle petite impulsion sur notre lien, je lui fis comprendre où je me trouvais. Cette fois-ci, pas surpris, il ne sursauta pas et se décala de manière à pouvoir m'apercevoir dans l'interstice. Avec des gestes simples et je l'espérais précis et clairs, je tentai de lui expliquer mon plan. Je le vis réfléchir quelques secondes, puis un micro sourire étira ses lèvres. L'air concentré et professionnel de rigueur, il se saisit d'une seringue et fit un signe du pousse, dissimulé par le corps de Waahana.

Rassurée, je m'intéressai au deuxième garde que j'avais laissé un peu de côté jusqu'ici, et pour cause. A moitié affalé sur le sol, son arme sur les genoux, il était en train de dévorer l'un des paquets de madeleine du stock de Thomas.

— Eh, espèce de crétin ! Surveille les prisonniers au lieu de te goinfrer ! l'interpela au même moment son comparse, m'arrachant une grimace agacée.

— Le seul qui soit dangereux, c'est le toubib et apparemment, tu as la situation bien en main alors je peux prendre une petite pause, lui répondit-il la bouche pleine, me redonnant un peu d'espoir.

L'autre soupira en secouant la tête et laissa le crétin providentiel, à ma merci, les mains dans le paquet et la bouche pleine de gâteaux. Avec l'impression de me prendre pour une guenon, je redescendis une nouvelle fois de mon arbre et contournai le dispensaire de fortune dans l'autre sens, pour me retrouver juste derrière lui, cachée derrière un empilement de cartons vides. Je m'apprêtais à m élancer sur ma proie sans défense lorsqu'un cri perçant retentit à l'autre bout du camp. L'autre garde, instinctivement, tourna la tête dans cette direction et m'aperçut.  Cooper passa aussitôt à l'action, seringue à la main, tandis que je visais la jugulaire de l'amateur de madeleine avec mon poignard.

A cet instant, plusieurs choses se déroulèrent simultanément. Le garde numéro un, plus confiant en son comparse que je ne l'aurais cru, tourna son fusil vers Cooper qui n'était plus qu'à quelques dizaines de centimètres de lui, le canon de son fusil touchant presque le torse du loup-garou. Ce dernier, seringue bien en main et aiguille en avant, la tenait non loin de son cou, mais surpris par la volte-face de son ennemie, il hésita. Quant à ma cible, facile de prime abord, il se déplia comme un ressort faisant valser des pâtisseries dans tous les coins. Plus rapide qu'une vipère, son arme se retrouva dans ses mains avant que je n'aie pu l'atteindre.

J'eus la sensation nauséeuse que la scène se déroulait au ralenti. Je vis le doigt du sorcier se crisper sur la détente de son arme et entendis la détonation avant de comprendre qui avait tiré. Sans réfléchir je continuai mon mouvement, inconsciente de tout ce qui m'entourait. Je vis la tête du garde numéro un partir en arrière et sa cervelle éclabousser l'herbe derrière lui tandis qu'il tombait à la renverse, mais sous le coup de l'adrénaline et dans le feu de l'action, je ne compris pas ce que cela impliquait.

Ma lame, qui aurait dû se retrouver dans le cœur de mon adversaire, ne fit que lui frôler les côtes, l'entaillant superficiellement au passage mais pas suffisamment pour le ralentir. Me réceptionnant d'une roulade, je revins aussitôt à la charge m'accrochant à son dos. J'allais passer ma lame sur sa gorge lorsque deux cris simultanés résonnèrent.

— Rose, stop !

— Je suis de votre côté !

Je ne sais laquelle des deux voix rassembla tous les morceaux du puzzle, mais je réalisai alors que c'était monsieur madeleine qui venait d'abattre son comparse, sauvant ainsi la vie de Cooper. Désarçonnée, je laissai tomber mon arme au sol, de peur de m'en servir par réflexe si notre allié inattendu faisait un geste brusque. Puis, desserrant mon étreinte, je le libérai avant de reculer de quelques pas et de saisir mon fusil, pendant toujours dans mon dos.

— Vous êtes qui ? demandai-je d'une voix haletante, le canon pointé sur son cœur.

— Arslan, sorcier physique de la confrérie du couchant. Je fais partie de la garde du soir, j'étais infiltré parmis eux.

— Qu'est-ce qui nous prouve que vous dites la vérité et que l'on peut vous faire confiance ?

— Je crois que c'est une preuve assez éloquente, me répondit-il en m'indiquant son comparse mort d'un signe de tête. Sans compter que j'ai cru mourir à l'idée de devoir avaler un gâteau de plus, je déteste le sucre ! ajouta-t-il avec une grimace pleine de charme qui me fit le soupçonner encore plus.

— Elle a raison, renchérit Cooper en délestant le mort de son arme avant de se rapprocher, ça pourrait être un piège pour vous infiltrer dans nos rangs. Je vous remercie de m'avoir sauver la vie, mais je ne marche pas. Tournez-vous, lui ordonna-t-il, un rouleau de bande à la main.

Dans un soupir le super sorcier s'exécuta de mauvaises grâce et croisa ses mains derrière son dos comme le lui ordonnait Cooper. Il lui lia les mains du mieux qu'il put et fini en lui appliquant un morceaux de sparadrap sur la bouche.

— Attend... essaya-t-il de dire avant d'être bâillonné pour de bon, son mot finissant en borborygme incompréhensible.

Arslan nous fit les gros yeux et essaya de parler malgré son bâillon. Comme nous ne réagissions pas, il finit par lever les yeux au ciel, mais j'étais plus tranquille maintenant qu'il n'était plus une menace immédiate.

— Reste là, avec les blessés, ordonnai-je à Cooper, je vais voir où en sont les autres...

— Inutile, tout va bien, ils sont tous mort ou plus en état de nuire, me dit Nicolas en nous rejoignant, Thomas et Azaldée sur les talons.

Cette dernière ouvrit de grands yeux en apercevant notre prisonnier, puis dans un cri elle se précipita vers lui.

— Arslan, qu'est-ce que tu fais là ? s'écria-t-elle en lui retirant son bâillon d'un coup sec.  

— Aïe ! Toujours aussi délicate, cousine ! la taquina-t-il en lui souriant. Tu peux dire à tes... nouveaux amis que je suis vraiment de votre côté ? Ah oui, et aussi, vous ne devriez pas trainer ici. On doit leur donner des nouvelles toutes les dix minutes.

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