Chapitre 33-1
*En ligne jusqu'au samedi 17 Mai*
— Lâchez vos armes ! répéta une femme d'une voix autoritaire.
— Si vous lâchez les vôtres ! cria Cooper en retour, sans trembler ni bouger d'un iota.
— Jameson ? C'est toi ?
Une vague de soulagement nous envahit lorsque nous entendîmes le prénom de Cooper, que personne n'utilisait jamais, mais surtout la voix qui venait de le prononcer. Elle était un peu éraillée et enrouée par la fatigue mais le timbre ne trompait pas.
— Jack ?! demandai-je à mon tour, ne voulant pas baisser ma garde trop vite. Nicolas est avec toi ?
— Oui, nous sommes tous là ! me répondit la voix d'Uriel. Vous pouvez baisser vos armes.
Nous obéîmes, toujours éblouis par la torche braqué sur nos yeux et de nombreux bruits de pas déchirèrent le silence feutré du sous-bois. L'instant d'après, les torches s'écartaient enfin et plusieurs silhouettes, armes pointées vers le sol, sortaient prudemment de derrière les arbres.
— Désolés, mais tant que l'on ne sait pas ce qu'il se passe exactement, nous préférons être prudent, nous dit une femme d'une quarantaine d'année, légèrement engoncée dans son uniforme, en se détachant du groupe.
D'autres personnes apparurent derrière le cordon de sécurité et je vis plusieurs ombres, indistinctes pour le moment, venir vers nous. Les humains s'écartèrent tandis qu'Uriel, supportant Nicolas, nous rejoignait.
— Tu n'as pas pu attendre, hein ? se moqua-t-il gentiment en me serrant maladroitement contre lui.
— Et toi de t'abstenir de me mentir ? rétorquai-je aussitôt en lui rendant son étreinte.
Comme nous, il faisait peine à voir et son souffle saccadé me disait qu'il était blessé.
— C'est grave ? me contentai-je de lui demander, ne sachant pas ce que je pouvais dire ou non devant ces inconnus.
— J'ai été plus en forme, mais ça ira, me répondit-il alors qu'Uriel faisait la grimace et que Cooper m'écartait de force pour l'examiner.
— Tu feras ça plus tard, ce n'est pas urgent, lui dit Nicolas dans un sifflement inquiétant. Il y a des blessés plus grave à l'arrière.
— Je ne vais pas pouvoir examiner tout le monde comme ça, au milieu des bois, lui murmura Cooper en prenant son pouls, une main sur son poignet et les yeux fixés sur sa montre.
— Et je ne te le demande pas, lui répondit Nicolas. Emmenons-les jusqu'au campement, tu pourras les soigner là-bas.
— Non mais tu es sérieux ? On ne les connait pas et... et si c'était un piège ?
— J'étais aussi sceptique que toi au début, mais ces gens nous ont sauvé la vie et ils sont aussi paumés que nous, intervint Storm. C'est de l'entraide, rien de plus.
Je vis Cooper, le plus compatissant et pacifiste d'entre nous douter et hésiter. Quelques mois en arrière, il aurait été le premier à proposer de recueillir et aider ces gens et là, l'indécision l'emportait. Quoiqu'il se passe dans les mois à venir, tout avait déjà changé. La suspicion, la peur et le doute faisaient dorénavant partie de nos vie. Nous n'aurions plus jamais spontanément confiance, le doute serait toujours là, présent et insidieux. Quelque part, ils avaient déjà gagné, réalisai-je douloureusement.
— Vos amis nous ont affirmé que vous aviez un campement plus loin avec au moins deux médecins et des fournitures médicales, c'est vrai ou non ? nous demanda soudain la femme qui nous avait déjà parlé, d'une voix suspicieuse et impatiente.
— Rose, Cooper, je vous présente Lucinda Cook, le sheriff de la ville voisine, nous dit Storm. Et c'est en grande partie grâce à elle et à ses braves gens, que nous sommes toujours en vie, ajouta-t-il, son ton impliquant implicitement que selon lui, nous pouvions leur faire confiance.
Cooper se redressa et se retrouva presque nez-à-nez avec Lucinda qui s'était approchée de nous laissant sa garde rapprochée quelques mètres en arrière.
— Écoutez, murmura-t-elle plus qu'elle ne parla. J'ai compris ce que vous êtes et personnellement je m'en fou complètement. Si vous pouvez nous aider, faites-le, c'est tout ce que je vous demande. Ces gens ne méritent pas de mourir à cause de nos... différences.
— Comment l'avez-vous su ? lui demanda Luc, la main déjà sur son arme.
— Je suis peut-être une flic du fin fond de la cambrousse, mais ce n'est pas pour ça que je suis idiote ! On a dû s'y mettre à six pour dégager votre ami, dit-elle dans un rire amer en désignant Nicolas d'un signe de tête. Quand on a la poitrine écrasée par un rocher et que l'on crache du sang, on ne gambade pas dans les bois dix minutes après, même avec de l'aide. En tout cas pas si on est humain.
Cooper et moi jetâmes un regard alarmé à Nicolas qui lui prenait bien garde de ne pas croiser les nôtres, fixant la femme, un léger sourire aux coins des lèvres.
— Finement observé, Sheriff ! railla Shane, tout de suite sur la défensive. D'autres que vous ont la même capacité d'analyse dans votre groupe ?
— Du moment que vous ne vous transformez pas devant eux, ça devrait aller, nous rétorqua-t-elle pince sans rire, ajoutant même un petit clin d'œil pour faire bonne mesure.
Nous étions tous tellement surpris, qu'en voyant nos tête, elle partit d'un rire cristallin et communicatif ne cadrant pas du tout avec son physique.
— Nous ne sommes pas tous des moutons décérébrés, vous savez ? Je n'ai jamais rien eu contre vous, avant ou après les attaques. Je suis flic et j'ai fait l'armé avant ça, je sais reconnaître une attaque terroriste quand j'en vois une. Que vous ne nous ayez pas dit que votre morsure pouvait nous transformer ne joue clairement pas en votre faveur, mais je peux comprendre pourquoi vous l'avez fait. Tout comme je comprends vos réticences maintenant, mais si on reste au milieu de ce bois, on va finir par se gelée les miches et des gens vont mourir, donc prenez une décision, maintenant où j'irais chercher de l'aide ailleurs.
Un brouhaha fébrile et impatient commençait à monter du groupe indistinct, disséminé derrière nous. Mélange de peur, d'inquiétude et d'énervement qui pourrait vite dégénérer si nous tardions trop à nous décider.
— D'accord, conduisez-moi auprès de vos blessés, voir si je peux déjà faire quelque chose. Nous ne sommes pas loin du camp. Et toi, ajouta-t-il à l'adresse de Nicolas d'un ton que l'on n'avait pas envie de contredire, hors de question que tu marches. Ordre de ton médecin !
Nicolas lui fit une grimace, mi-rictus, mi-sourire tandis que Luc passait son fusil à Shane et venait se positionner du coté gauche de Nicolas, tandis qu'Uriel se plaçait à sa droite. Le trajet jusqu'au camp fut court et silencieux. Pas comme le comité d'accueil qui nous attendait quelques mètres avant les voitures. Dire que Grant n'était pas ravie qu'un groupe d'humain se trouve sur sa propriété était encore à des années lumières de la réalité, pourtant il ne tergiversa pas trop longtemps lorsque Cooper vint à sa rencontre, les mains couvertes de sang.
— Ça va aller pour lui ? me demanda discrètement Lucinda d'un ton inquiet alors que nous entrions dans le campement.
— Il est médecin, chirurgien même, il a l'habitude, lui répondis-je prudemment, le regardant aboyer des ordres à droite et à gauche.
Je voulus accompagner Nicolas jusqu'à l'infirmerie de fortune mais il fut vite évident qu'il n'y avait pas assez de place. Même Lyn, que nous trouvâmes au chevet de Thomas, dû quitter la tente face à l'afflux des nouveaux patients.
— Que font tous ces humains ici ? demanda-t-elle en me rejoignant. Nicolas est blessé ?!
— D'après lui, rien de grave mais Cooper ne sembla pas de cet avis.
— Tu n'as pas l'air inquiète, donc, ça ira !
C'était vrai ! réalisai-je avec effarement en entendant le commentaire de Lyn. Sa blessure avait l'air grave, pourtant je me sentais confiante et sereine et non anxieuse comme je l'aurais été d'ordinaire.
— Ne sois pas si surprise, votre connexion semble s'être renforcée depuis ton petit pétage de fourrure !
— Pourquoi t'en es-tu aperçue et moi non ?
— Parce que Waahana est plus perspicace que nous tous réuni, me rétorqua-t-elle, la tristesse et l'inquiétude envahissant soudain ses iris.
Un grondement sourd retentit soudain et la terre se mit à trembler sous nos pieds. Tout le camp se figea, mais heureusement elle ne dura pas longtemps.
— Elles sont de plus en plus courtes et espacées, disait Lucinda à Grant alors que nous approchions du feu de camp.
— Vous avez une idée de ce qu'il s'est passé ? lui demanda-t-il. Vous avez pu joindre quelqu'un ?
— Non et c'est bien ça le plus étrange. Tout à grillé ! Plus d'électricité, ni aucun réseau nulle-part. Le pont est de la ville s'est écroulé juste après notre passage, nous bloquant de l'autre côté de la rivière. De mémoire d'homme, il n'y a jamais eu de tremblement de terre dans la région, c'était imprévisible.
— Parce que vous croyez vraiment que c'est un séisme ? s'esclaffa Grant en secouant la tête, incrédule.
— Pour que ça ait impacté un si grand périmètre, ça ne peut être que ça. Nous aurions dû comprendre lorsque ce bout de falaise s'est détaché.
— Grant !
La voix qui s'éleva de l'une des voitures, transpirant l'excitation et l'impatience nous fit nous précipiter à sa rencontre. Alyss, le jeune métamorphe tigre du tunnel était assise sur le siège passager, portière ouverte et triturait les boutons d'une grosse radio avec concentration.
— C'est de l'hertzien ! s'écria-t-elle avec un grand sourire dès que nous arrivâmes. J'ai réussi à capter quel...
« ... un évènement catastrophique et inédit vient de frapper le nord du pays. Un séisme de magnitude 9 vient de toucher plusieurs centaines de kilomètres carrés, provoquant des catastrophes en séries, incendies, inondations. Heureusement la principale centrale électrique n'a pas été touchée... »
— Alors comment cela se fait-il que nous n'ayons plus de courant ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top