Chapitre 32-2
*En ligne jusqu'au vendredi 16 Avril*
Cette fois-ci aucun flash douloureux ne me répondit et l'inquiétude, qui ne m'avait sans doute jamais réellement quitté, se réinstalla sournoisement au creux de mon estomac. Lyn bougea et sa tête roula mollement sur mon épaule. Incapable de l'imiter et de m'endormir malgré ma fatigue, je me décalai et allongeai doucement la métamorphe sur le duvet avant de me relever.
— Où vas-tu ? me demanda-t-elle d'une voix pâteuse de sommeil.
— Pas loin, j'ai juste besoin de me dégourdir les jambes. Repose-toi, lui répondis-je gentiment avant de sortir de l'abri.
Luc n'était nulle part en vue, pas plus que Spéra ou Cooper. Je fis quelques pas incertains, frissonnant dans la brise nocturne, un peu désorientée et ne sachant pas trop où aller. Je voulais retrouver Nicolas, mais je ne savais pas par où commencer. Et pourquoi personne ne s'inquiétait de sa disparition, pas plus que de celle de Storm ? réalisai-je soudain alors que mes pas m'amenaient naturellement vers le centre de notre campement improvisé. J'y retrouvai Spéra, occupée à soigner les petits bobos des uns et des autres, pendant que Grant était occupé à essayer d'allumer un feu.
— Vous savez où se trouve Uriel ? demandai-je à Grant en m'approchant de lui.
— Parti avec Luc et Shane à la recherche de Nicolas, me répondit-il en se retournant vers moi. Tu croyais que personne ne s'était rendu compte de sa disparition et de celle de Storm ?! s'étonna-t-il dans un petit rire.
— J'avoue m'être posée la question.
— On ne voulait pas t'inquiéter en te le rappelant, c'est tout. Dès qu'ils ont pu, ils ont pris du matériel et sont partis à leur recherche.
— Mais ils ne savent pas dans quelle direction aller ?
— Si, ils m'avaient dit par où ils voulaient passer pour atteindre les souterrains de l'ancienne usine. Je leur ai expliqué la route à suivre. Ils devraient les retrouver très vite.
— Ils sont partis depuis longtemps ?
— A peine dix minutes. Tu devrais te reposer un peu en attendant.
— Non, je suis trop stressée, il faut que je m'occupe. Je peux donner un coup de mains ?
— Va voir si Spéra à besoin d'aide.
Pas dupe une seconde de son subterfuge consistant à ne plus m'avoir dans les pattes, je me dirigeai malgré tout vers la métamorphe qui était en train de ranger son matériel de premier secours dans une trousse visiblement prévu à cet effet.
— Grant joue encore les ours ?! rigola-t-elle en me voyant approcher. Je ne le connais pas depuis longtemps mais je sais que l'univers devait être blagueur le jour où il lui a assigné le Lynx comme animal totem, cet homme a toutes les caractéristiques du plantigrade, si tu veux mon avis ?!
— Votre humour pince sans rire m'avait manqué, lui dis-je avec un pauvre sourire en l'aidant à remonter la fermeture récalcitrante de la trousse trop petite.
— Laisse tomber, personne n'en a besoin ici de toute façon. Cela m'aide surtout à canaliser mon stress et a ne pas trop penser...
— Vous avez perdu beaucoup de monde ? lui demandai-je d'une voix prudente.
— En plus d'Ethan, trois autres tigres et deux que l'on n'a toujours pas retrouver. A ce rythme, la meute d'Aaron aura presque entièrement disparu avant que Nicolas n'ait une chance de la diriger, me dit-elle dans un souffle affligé. Tu savais que les métamorphes tigres sont plutôt rare ? me demanda-t-elle en allant déposer la trousse dans le coffre de l'une des voitures.
— Aaron l'avait évoqué une fois, mais sans vraiment m'expliquer pourquoi, l'invitai-je à poursuivre, comprenant qu'elle avait besoin de parler pour exorciser un peu son chagrin.
— Parce que les tigres sont des animaux solitaires par nature. Le comportement de Juan est plus représentatif de notre nature profonde que celui d'Aaron ne l'était. Ce n'est pas dans nos habitudes de vivre en groupe, contrairement à vous, les loups, qui en avez besoin. Je soupçonne Aaron d'avoir créer notre communauté pour Nicolas plus que pour lui. Il savait que ce petit avait besoin de vivre entourer des siens, même si ce n'était pas des loups, et il a réussi. A notre grande surprise à tous, mais il a réussi.
— Vous voulez dire que maintenant qu'Aaron a disparu et que Nicolas a sa propre meute, votre communauté n'a plus de raison d'exister ?
— En théorie, oui. Mais curieusement et malgré l'instinct naturel, certains d'entre nous y ont pris gout. J'avoue mal me voir vivre autrement à présent. Mais après ce qu'à fait Juan et maintenant ça...
La tristesse et le découragement, voilèrent momentanément ses yeux tandis qu'elle se détournait et récupérait un sac dans le coffre ouvert devant lequel nous nous tenions toujours. En jetant un coup d'œil dans l'habitacle, j'aperçus Cooper étendu sur la banquette arrière.
— Il avait besoin de repos, me dit Spéra en s'essuyant discrètement les yeux. Il s'est endormi en moins de deux secondes, on laisse le coffre ouvert pour ne pas le réveiller.
— Personne ne veille sur les blessés ? demandai-je surprise et soudain inquiète pour Thomas et Waahana.
— Maintenant, à part attendre et laisser faire le temps, il n'y a pas grand-chose d'autre à faire.
La voix ensommeillée de Cooper résonna étrangement par le haillon ouvert tandis qu'il s'asseyait, la mine encore toute chiffonnée. Il se frotta énergiquement le visage une fois ou deux avant d'ouvrir la portière et je me décalai pour le laisser sortir.
— Tu as dû dormir à peine vingt minutes, ce n'est pas suffisant pour récupérer, le tança gentiment Spéra.
— Ça suffira, avec le rythme de l'hôpital j'ai l'habitude. Et puis, nous ne devons pas baisser notre garde, on ne sait pas ce qui peut nous tomber dessus.
Cooper avait raison, nous faisions des cibles de premier choix, blessés et regroupés en pleine lumière. Si c'était une attaque ciblée contre nous, nous facilitions grandement la tâche de nos ennemis.
— Nous n'avons pas besoin d'autant de lumière, murmurai-je en cherchant Grant des yeux, surprise de ne pas l'entendre vitupérer.
— Éteignez-moi ces phares ! cria-t-il une seconde plus tard comme s'il venait de lire dans mes pensées.
Personne d'autre ne se trouvant aux alentours, nous nous en chargèrent, plongeant le camp dans la pâleur sépulcrale de la lune. La seule source de lumière restante était le maigre feu que Grant venait d'allumer et qui restait partiellement dissimulé par les ombres des voitures.
— Ils ne sont toujours pas revenus ? me demanda sombrement Cooper, le regard fixé sur les arbres.
Ma tête valant tous les discours, je ne pris même pas la peine de lui répondre. Déchirée entre le devoir de protéger les blessés et le besoin de savoir Nicolas et Storm saints et saufs, je ne savais pas quoi faire.
— Je vais veiller sur eux, nous dit Spéra, mon dilemme devant se lire sur mon visage. Partez à leurs rencontres, je suis certaines qu'ils ne sont pas loin.
Cooper n'attendit pas une seconde avant de m'entrainer vers la deuxième voiture, dont le coffre était verrouillé. Je compris pourquoi lorsqu'il l'ouvrit avec la clef que venait de lui lancer Grant. A l'intérieur, un sac de sport ouvert débordait d'armes en tout genre.
— Thomas pensait devoir soutenir un siège ?! m'exclamai-je dans un sifflement surpris.
— Disons que vu la conjecture actuelle, on n'est jamais trop prudent, me répondit Cooper plus sérieux que je ne l'avais jamais vu, en me tendant un fusil, crosse en avant.
Je n'aimais toujours pas les armes à feu, mais cette fois-ci, je la pris sans hésiter. J'ajustai la bandoulière et calai l'arme dans mon dos, avant de prendre un couteau que je passai dans la ceinture de mon pantalon. Cooper, d'ordinaire aussi à l'aise que moi avec les engins de mort, semblait prêt pour la guerre. Son regard déterminé lorsqu'il referma le hayon, me rassura presque autant qu'il m'effraya.
— Tu n'es pas obligé de faire ça, lui dis-je. Je peux demander à Grant de m'accompagner.
— Non, c'est à moi de le faire. Je suis aussi inquiet que toi, tu sais.
— Bien sûr que je le sais, mais je sais aussi que ta vocation est de soigner, pas de tuer.
— Les armes c'est juste au cas où et s'ils sont blessés, je pourrais les aider. Allons-y, me dit-il d'un ton sans réplique en s'avançant d'un pas décidé vers les premiers arbres.
L'obscurité nous enveloppa dès que nous eûmes parcouru dix mètres. Nous ralentîmes l'allure le temps que notre vision s'adapte et je suivis Cooper qui savait où nous allions. Le souvenir de ma course folle dans ce même bois des mois auparavant me revint et l'envie de me transformer fut presque plus forte que mon bon sens. J'essayai de passer en autre-vue pour localiser Storm mais depuis le scindement de la meute, quelque chose semblait bloquer le processus.
Une branche craqua soudain quelque part sur notre gauche et nous nous figeâmes, braquant aussitôt nos canons dans cette direction. Un cri retentit tandis que le faisceau aveuglant d'une puissante lampe torche flinguait notre vision nocturne, nous rendant momentanément aveugles et vulnérables.
— Lâchez vos armes ! crièrent plusieurs voix, alors que résonnaient dans le soudain silence le son caractéristique d'un fusil que l'on arme.
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