Chapitre 32-1

*En ligne jusqu'au jeudi 15 Avril*


Deux minutes plus tard, suffocant et des morceaux de plâtre plein les cheveux, nous maudissions Shane et son compte à rebours approximatif. Ma tête tournait et mes oreilles recommençaient à bourdonner, à ce rythme-là, j'allais finir sourde ! Un flash d'une extrême violence me poignarda soudain l'esprit, m'envoyant à terre dans un cri de douleur.

— Rose ! s'écria Grant en cherchant à m'apercevoir au travers du brouillard de poussière qui n'était pas encore retombé.

— Ce n'est rien... ça va ! lui répondis-je en haletant, les mains enserrant mon crâne douloureux.

Malgré la douleur, un sourire de soulagement étirait mes lèvres. Nicolas était libre ou du moins sur le point de l'être. La communication avait été trop fugace pour m'apprendre les détails, mais sa joie et son soulagement avaient momentanément pulvérisé son contrôle et mes défenses... et j'en étais ravie !

— Tu es sûre ? Je t'ai entendu crier.

— Sûrement un débris qui m'est tombé sur la tête, improvisai-je en sentant un filet de sang dégouliner sur mon front.

J'avais confiance en Grant, mais ni le temps ni l'envie d'expliquer ce qu'il se passait. Je m'excuserai de mon petit mensonge plus tard, pensai-je en me redressant.

— Quel est le petit génie qui vient de faire exploser une bombe dans une maison déjà explosée ?!

— Lyn ! m'écriai-je, en me précipitant tant bien que mal jusqu'à l'entrée du tunnel.

Rendue presque méconnaissable par la poussière et couverte d'égratignure, comme tout le monde, elle paraissait néanmoins indemne. Nous nous tombâmes maladroitement dans les bras, tandis qu'une nouvelle tête apparaissait déjà. Ce fut au tour de Grant de serrer sa fille dans ses bras à l'en étouffer pendant que nous aidions Allistaire à s'extraire à son tour.

— Il reste qui là-dessous ? demandai-je à Lyn.

— Cooper et Waahana, me répondit Lyn. Moïra est...

— Oui, on sait, répondit gravement Grant. On nous a dit qu'il y avait un blessé ?

— Oui, c'est Waahana.

L'avenir proche, qui venait de s'éclaircir d'un coup, s'assombrit de nouveau. Waahana avait été pour moi ce qui se rapprochait le plus d'une mère. Dans mon inconscient elle était invincible.

— Et c'est grave ? demanda Grant d'une voix atterrée.

— Une des grilles est tombée et lui a écrasé la poitrine, nous expliqua Jenny d'une voix chevrotante, toujours blottie dans les bras de son père. Cooper n'était pas très optimiste.

— Ça c'était avant l'explosion ! dit Allistaire tout en attachant une corde autour de sa taille. La secousse à élargie le passage, nous expliqua-t-il en s'y glissant de nouveau tête en avant. Dès que je vous le dirais, tirez-moi en arrière.

— Il est pas si mal ce mec, finalement ! plaisanta Lyn avec un clin d'œil en attrapant la corde à pleine main.

Je me saisis de l'extrémité et nous attendîmes le signal. Dès qu'il nous parvint, nous commençâmes à tirer en douceur, suivant les indications d'Allistaire. Il réapparut bientôt, agrippant fermement les bords d'un matelas défoncé sur lequel reposait Waahana. Les yeux clos, plus pâle que la mort, le seul signe de vie était sa poitrine qui se soulevait lentement au rythme de sa respiration. Allistaire se releva, s'écarta et nous tirâmes doucement le matelas hors du tunnel. Cooper émergea à sa suite, hirsute et couvert de sang.

— Tu es blessé ? m'exclamai-je en avisant son état.

— Non, ce n'est pas le mien, me répondit-il d'une voix affligée tout en gardant son calme imperturbable de médecin. Si on veut avoir une chance qu'elle s'en sorte, il faut la sortir d'ici immédiatement. Dites-moi que l'on peut sortir de cet enfer ?

Depuis l'alerte, un peu tardive, de Shane et l'explosion proprement dite, nous n'avions plus de nouvelles de la surface. Avait-il réussi, ou étions-nous toujours bloqués dans cette prison de béton avec d'autres morts à déplorer ? Non, au fond de moi je sentais que nos loups étaient toujours vivants. Ce n'était pas comme avec les liens de meutes, je ne pouvais nommer personne, mais une certitude profonde m'affirmait qu'ils étaient tous en vie. Shane me le confirma lorsqu'un énorme bruit résonna au-dessus de nos têtes et qu'il apparut en haut des marches.

— Ça a fonctionné, nous dit-il avec un sourire soulagé et contagieux. Tout le monde est sorti, vous êtes les derniers. Venez vite, il ne faut pas traîner. Content de te revoir en un seul morceau, mec ! ajouta-t-il à l'intention de Cooper d'un ton bourru, avant de remonter d'un pas lourd qui en disait beaucoup sur son état de fatigue.

Cooper et Allistaire passèrent devant avec Waahana et nous suivîmes. Le hall était dans un état encore plus catastrophique que lorsque nous étions descendus et c'est avec appréhension et rapidité que nous passâmes sous les gravats branlants, priants pour que tout cela tienne encore le coup quelques minutes. Une nouvelle secousse ébranla le sol, au moment où Lyn et moi arrivions devant le mur éventré.

— Passe devant, me cria-t-elle en me laissant la dépasser avant de me pousser dans le dos.

— Pas question, tout va s'écrouler ! lui hurlai-je en retour alors que des projectiles en tous genre commençaient à pleuvoir sur nous.

Une main sur l'éboulis, je commençai à escalader l'édifice précaire qui vibrait sous moi comme une entité vivante en tendant la main à Lyn pour l'inciter à grimper plus vite. La sortie n'était pas très haute, mais les prises étaient coupantes et dangereuses et nous devions faire attention où nous mettions nos mains. Un bruit sinistre retentit au-dessus de nous et je ne pus m'empêcher de lever les yeux. Tout un pan du plafond était en train de se désolidariser des murs, s'affaissant vers nous à toute vitesse. Je n'eus que le temps de cligner des yeux et l'instant d'après j'atterrissais sur l'herbe humide, Lyn m'écrasant de tout son poids, tandis que la façade s''écroulait pour de bon à l'intérieur de la maison dans un bruit de tonnerre.

Quelqu'un m'attrapa le poignet pour me tirer à l'écart du danger et je le laissai faire, m'agrippant toujours à Lyn de l'autre main. Ma première goulée d'air frais me surpris et me fit tourner la tête avant que je ne commence à tousser. C'est larmoyante et crachotante que je finis par me redresser avec précaution pour trouver Luc, affalé à côté de nous, les fesses dans l'herbe et l'air exténué.

— C'est toi qui nous as tiré de là ? lui demanda Lyn d'une voix de fumeuse invétérée.

— Avec l'aide de Shane et de Grant, lui répondit-il en tendant le bras derrière lui pour attraper une petite bouteille d'eau qu'il nous lança. Buvez et rincez-vous la bouche, vous vous sentirez mieux après.

Il se leva avec lenteur, essuya ses paumes sur son pantalon déchiré avant de nous tendre la main.

— Il se passe quoi, là ? C'est une caméra cachée ? demanda Lyn, circonspecte avant de finir par accepter l'aide du loup-garou. Depuis quand es-tu si serviable et sympathique ? Tu t'es pris une poutre sur la tronche ou quoi ?

— Tu pourrais aussi te contenter de me dire merci, tu sais ? lui balança-t-il avec l'un de ses nouveaux sourires détendus.

La théorie d'Uriel avait beau tenir la route, j'avais toujours du mal à me faire au nouveau Luc. Ce qui était aussi le cas de Lyn, apparemment vu le regard qu'elle lui lança dès qu'elle eut retirer sa main de la sienne. Dehors il faisait nuit et la lune, à son premier quartier, peinait à éclairer les bois alentours. Hormis le bruissement du vent dans les feuillages, la nature était silencieuse, comme si elle retenait son souffle, attendant une nouvelle catastrophe. Un frisson d'appréhension me traversa et c'est à cet instant que je me mis à trembler. Si fort que mes dents se mirent à claquer sans que je ne puisse les en empêcher. Lyn m'aida à me mettre debout et me serra contre elle, mais elle aussi tremblait de tous son corps. Luc nous guida vers la seule source de lumière, quelques mètres plus loin, où un camp de fortune était en train de se monter. Éclairés par une lampe allogène et les phares de plusieurs voitures, les survivants encore valides s'activaient, montant des tentes et vidant les coffres des 4x4. 

Dans un recoin, un peu à l'écart de l'agitation, une bâche tendue entre deux voitures délimitait l'espace infirmerie. Spéra nous vit arriver et se porta à notre rencontre.

— Comment vont Thomas et Waahana ? demandai-je entre deux claquement de dents.

— Je pense que ça devrait aller, me rassura-t-elle en m'enroulant dans une couverture rêche mais chaude avant de faire la même chose pour Lyn et Luc. C'est le contrecoup, vous avez besoin de chaleur, d'eau et de repos, nous expliqua-t-elle en nous guidant vers un duvet posé à même le sol sur lequel elle nous fit assoir.

— D'où vient tout ce matos ? s'interrogea Lyn alors que Spéra nous faisait passer de nouvelles bouteilles d'eau et des barres chocolatés.

— En partie du stock survie de Grant, mais aussi de tout ce que Thomas avait apporté avec lui pour nous dépanner. Heureusement que nous n'avons pas eu le temps de vider les coffres avant la petite fête ! ironisa Luc entre deux gorgées d'eau.

Là, sur ce duvet trop fin, l'humidité commençant à infiltrer mon pantalon, je réalisai vraiment ce que nous venions de vivre et mes tremblements qui s'étaient calmés, reprirent de plus belle. Lyn se blottit contre moi et nous nous serrâmes fort dans nos bras, heureuses et un peu surprises d'être toujours en vie ; tandis que du plus profond de mon âme et de mon esprit, j'appelais Nicolas, l'exhortant à venir me rejoindre.

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