Chapitre 29-1

*En ligne jusqu'au dimanche 04 Avril*


Ce fut le grondement d'abord, sourd et profond, semblant venir tout droit des entrailles de la terre. Puis le tremblement, secousses dévastatrices qui secouèrent toute la maison comme un fétu de paille. Enfin l'explosion, le feu, la chute et les cris. En fait, toutes ces catastrophes s'enchainèrent à quelques secondes d'intervalles à peine, mais mon cerveau prit quand même le temps de les décomposer, après coup.

Je repris conscience dans une pénombre opaque saturée de poussière et de débris en tout genre. Recroquevillée sur le sol, je n'entendais rien d'autre qu'un bourdonnement sourd et le son de mon propre cœur tambourinant dans mes oreilles. Désorientée, je tâtonnai pour sonder mon environnement immédiat, à moitié aveuglée par les larmes inondant mes yeux irrités. Tout mon corps me faisait mal et lorsque je voulus me redresser je me cognai douloureusement la tête sur une surface dure.

L'air chaud, saturé de particules en suspension, charriait des odeurs acres et nauséabondes de brûlé et de sang, encrassant mes poumons. C'est crachotante et au bord de l'asphyxie que je parvins à m'extraire du canapé retourné qui m'avait protégé des débris du plafond. Je me redressai lentement, agrippée d'une main au montant en bois du meuble martyrisé, toussant et peinant à respirer.

Le sol de terre battue, incongru et étrange sous mes pieds, me força à lever les yeux. Le plafond et l'étage s'étaient écroulés, formant au-dessus de moi un enchevêtrement instable de débris, de poutres et de plaque de plâtres. Un câble électrique pendait du plafond, crachotant des étincelles et éclairant la scène d'une lumière intermittente et surréaliste. Un nouveau tremblement gronda faisant frémir la terre et le patchwork mortel au-dessus de ma tête. Des morceaux tombèrent, se fracassant sur le sol autour de moi, me forçant à me réfugier une fois de plus sous le canapé.

Quoique je décide de faire, je ne pouvais pas rester là où j'allais finir broyée sous une tonne de gravât. C'est alors que la pleine conscience me revint. Thomas était avec moi sur le canapé lorsque tout s'était écroulé !

— Thomas ?! Thomas où es-tu ?! bredouillai-je d'une voix sifflante et tremblante en rampant une nouvelle fois hors de ma cachette de fortune.

Les yeux de nouveau emplis de larmes, mais plus seulement à cause de la poussière, je me mis à crier d'une voix éraillée, commençant à chercher maladroitement dans les décombres, le corps de mon ami. Mes cris se muèrent bien vite en supplications puis en toussotement à peine audible tandis que je m'enfonçai un peu plus dans les ténèbres suffocantes.

— Thomas ! Thomas répond-moi s'il te plait ? tentai-je une nouvelle fois, refusant d'abandonner malgré la nouvelle pluie de débris qui venait de s'abattre sur moi.

Ma tête tournait à cause du manque d'oxygène et des taches blanches commençaient à grignoter mon champ de vision. Pourtant je continuai à chercher, déplaçant les morceaux les moins lourds et priant pour qu'il ne soit pas mort. Lorsque ma main toucha enfin autre chose que de la pierre, du plâtre ou du bois, je crus d'abord avoir rêvé. Puis j'aperçu le visage de Thomas, à demi enfoui sous les débris. Frénétique, j'utilisai mes dernières forces pour le dégager. Sa main était froide et inerte dans la mienne et tandis que je le tirai hors des décombres, je priai une nouvelle fois pour qu'il soit vivant.

Je le traînai jusqu'au canapé et l'allongeai à côté, là où il serait relativement à l'abri des chutes intempestives et le cœur au bord des lèvres, posai deux de mes doigts sur son cou.

— Non, non, ce n'est pas possible ! m'entendis-je gémir lorsque aucun pouls ne vint palpiter contre mes phalanges.

— Me fais pas ça, criai-je en repositionnant mes doigts sur sa carotide.

Fébrile, j'attendis, comptant jusqu'à vingt dans ma tête, mais toujours rien. Soudain le visage de Nicolas se superposa à celui de Thomas, me plongeant dans le désespoir. Il était peut-être mort lui aussi ? Et Storm, et Lyn... et tous les gens que j'aimais ?! Un cri de rage pure, sortit de ma gorge abimant mes cordes vocales, tandis que j'abattais mes mains sur la poitrine de Thomas. Crochetant mes mains l'une sur l'autre comme je l'avais appris au seul cours de secourisme que j'avais suivi, je commençai à lui faire un massage cardiaque. J'avais parfaitement conscience qu'il était sans doute trop tard pour ça mais ce n'était plus la logique et le bon sens qui guidait mes actes à cet instant. Il ne restait plus que l'instinct et la rage.

Je continuai jusqu'à ce que mes muscles se tétanisent et que mon souffle s'étrangle dans ma gorge. À bout de souffle et au bord de l'évanouissement, je finis par rouler sur le côté, exténuée et désespéré. J'essayai de rependre mon souffle mais l'abattement et les sanglots rendaient ma respiration laborieuse et erratique. Je ne sais pas combien de temps il me fallut pour me calmer, mais lorsque je me redressai enfin, la première chose que je vis, fut la poitrine de Thomas qui se soulevait lentement.

N'en croyant pas mes yeux, je rampai vers lui et pris de nouveau son pouls pour être certaine de ne pas avoir rêver. Un battement lent et régulier récompensa mes efforts et je me laissai de nouveau glisser sur le sol, laissant le soulagement m'envahir. J'avais réussi à le ramener et son pouls constant laissait à penser qu'il était entré en phase de sommeil réparateur. Le problème, c'est que chez les métamorphes, cette phase pouvait durer très longtemps en fonction du degré des blessures subits et nous n'avions malheureusement pas le temps d'attendre qu'il se réveille.

Consciente que cela pourrait lui être préjudiciable, voir fatal, je me résignai malgré tout à le réveiller. Agrippant ses épaules je commençai à le secouer. Doucement au début, puis de plus en plus fort, criant son prénom et le conjurant de se réveiller. Au terme de longues minutes d'effort ses paupières commencèrent à papilloter, puis il ouvrit lentement les yeux. Au départ, il ne me vit pas, le temps que sa vue s'accommode à la faible luminosité ambiante.

— On dirait... que j'avais raison... pour les emmerdes, toussota-t-il d'une voix faible. Elles viennent littéralement de nous tomber... sur la tête !

Une quinte de toux le secoua et je dus l'aider à se redresser à-demi pour ne pas qu'il s'étouffe.

— Ce n'est franchement pas le moment de faire de l'humour ! Tu étais mort ! criai-je, ravie de ne plus entendre ma voix trembler. Et depuis quand es-tu devenu adepte des vannes foireuses ?

Il grimaça alors qu'il essayait de s'assoir, cherchant quelque chose à quoi se raccrocher.

— Tu es blessé ? lui demandai-je.

— Je ne sais pas. J'ai mal à la tête et la poitrine en compote. Mais sinon ça a l'air d'aller.

— Tu ne respirais plus et ton cœur s'était arrêté, il doit y avoir autre chose qu'un mal de tête. Je sais que je n'aurais pas dû te réveiller mais... on ne peut pas rester là.

— Aide-moi à me lever, me demanda-t-il d'une voix déjà plus normale, bien qu'essoufflée. Tu sais où on est ?

— Certainement dans le vide sanitaire, sous la maison, lui répondis-je alors que je l'aidai à se mettre sur ses pieds.

Il vacilla et dû s'appuyer de tout son poids sur mon épaule avant de se stabiliser.

— Tu peux me lâcher, ça va aller, me dit-il au bout d'une minute. Tu crois qu'il y a une sortie ?

— Aucune idée, mais c'est à espérer car la seule autre issue... c'est là-haut ! lui dis-je. Reste là, je vais voir si je trouve une issue, lui dis-je en m'éloignant.

Maintenant que l'urgence était passée, une seule chose obnubilait mon esprit, je devais retrouver Nicolas. Si Thomas s'en était sorti, Nicolas aussi, j'en étais sûre, me répétai-je comme un mantra tandis que je sondai les murs à la recherche d'une porte ou d'un passage. Je fis deux fois le tour de notre prison, qui s'avéra être un carré d'environ cinq mètres de côté et sans aucune ouverture apparente.

— Je ne trouve ri...

Une nouvelle secousse, plus forte que les répliques précédentes, fit tanguer le sol et s'effriter les murs, me coupant la parole. Mon regard se fixa automatiquement sur le monticule instable qui nous surplombait, tandis que la réplique se prolongeait.  Des débris commencèrent à pleuvoir et je n'eus que le temps de  me projeter vers Thomas, le poussant sous le canapé, au moment où le plancher cédait pour de bon.

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Le week-end étant prolongé et férié, il n'y aura exceptionnellement pas de chapitre lundi ^.^ Joyeuses fêtes de Pâques à toutes et à tous et à mardi pour la suite :-)

Des bisous <3 <3 <3

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