Chapitre 28-2

*En ligne jusqu'au Samedi 03 Avril*


La secousse fut brève et légère, pourtant toutes les conversations s'interrompirent d'un seul coup, ne laissant que la musique flotter dans le silence soudain.

— C'était quoi, ça ? demanda quelqu'un. La région est sismique ?

— Non, pas du tout, lui répondit aussitôt Grant, sourcils froncés et air soucieux, en sortant son portable de sa poche.

Il pianota rapidement sur l'appareil, cherchant visiblement quelque chose de précis alors que tout le monde le regardait, des chuchotements inquiets commençant à s'élever ça et là. Ses doigts scrollaient et couraient sur l'écran tandis qu'il lisait à toute vitesse.

— Bon, apparemment, la secousse a été ressentit dans presque toute la ville. La mairie pense que c'est un morceau de la falaise qui s'est détachée, suite aux nombreuses intempéries de ces derniers mois et serait tombée dans le lac. Ils viennent d'envoyer des agents vérifier.

— Si rapidement ? s'étonna Thomas d'un ton légèrement suspicieux. 

— Nous sommes peut-être chez les bouzeux, mais ici tout le monde est hyper connecté. La mairie à créé plusieurs sites de partage d'informations dont un pour les urgences. J'étais sûr d'y trouver des infos.

— Il n'y a pas à s'inquiéter, alors ? demanda une autre voix anonyme.

— Non, ce n'était rien d'autre qu'un glissement de terrain, les rassura Grant, tandis que les conversations reprenaient pour de bon et que la tension se dissipait.

Pourtant, son visage était toujours anxieux et fermé et le miens dû le devenir aussi lorsqu'il nous interpela d'un signe de tête discret. Son verre à la main, il s'éloigna de la petite foule s'activant près du buffet et attendit que nous le rejoignions.

— Un problème ? attaqua aussitôt Thomas. Tu leurs a raconté des cracs ?

— Non, lui répondit abruptement Grant. Mais ce n'est pas parce que la mairie prétend quelque chose que c'est forcément vrai. Traitez-moi de cinglé si ça vous chante, mais je ne serais complètement tranquille que lorsqu'ils pourront apporter la preuve de ce qu'ils avancent.

— Tu penses à quoi ? lui demanda Nicolas. Une attaque ?

— Je ne sais pas. Tu es bien placé pour savoir que nous sommes assis sur un énorme gruyère. Toutes ces anciennes galeries qui trouent le sous-sol...

— Tu crois que c'est un coup à rebours d'Ivory ?! Qu'il aurait pu piéger l'endroit ?

— Qu'il ait pu le faire, ça, je n'en doute pas une seconde ! s'exclama Grant dans un rire amer. Mais pourquoi cela ne sauterait que maintenant ? Et puis, on aurait ressenti bien plus qu'une petite secousse. Non, je ne sais pas ce que je crois, en fait. Comme dit ma fille, je suis peut-être vraiment en train de virer parano, après tout !

— Attend, tu veux dire que depuis tout ce temps, vous n'avez pas sécurisé cet endroit ? s'indigna Thomas dans un cri étouffé.

Le regard que lui jeta Grant, aurait fait fuir en courant n'importe qui. La rage et la douleur le disputait dans ses iris ayant viré au jaune mordoré et son pouvoir l'encerclait comme un mauvais orage.

— C'était prévu mais un commando à fait exploser ma maison et tuer presque tous les miens entre temps, rugit Grant d'une voix tellement rauque et sourde qu'elle me fit mal aux oreilles.

Nicolas et moi fixions Thomas comme si nous ne l'avions jamais vu. De sa part, toujours tellement prévenant et soucieux des autres, un tel comportement était incompréhensible. Surtout qu'il savait parfaitement ce qu'il s'était passé puisque c'étaient ses hommes qui étaient venus constater les dégâts. Le métamorphe nous regarda et je lus de l'incompréhension dans ses yeux avant qu'il ne prenne sa tête entre ses mains.

— Oh Grant, pardonne-moi... je ne comprends vraiment pas ce qu'il m'arrive, gémit-il entre ses doigts.

Toute l'animosité et la colère de Grant s'évaporèrent aussitôt, comme par magie et ses yeux retrouvèrent leur teinte noisette habituelle.

— Il y a vraiment quelque chose qui cloche, finit-il par dire d'une voix radoucit en posant doucement sa main sur le bras de Thomas.

Ce dernier sursauta à son contact mais ne se déroba pas tandis qu'il laissait retomber ses mains le long de son corps.

— C'est un peu comme si... nous avions permuter nos personnalités ! avança Thomas d'une voix surprise en relevant la tête. Je ne suis jamais aussi impulsif et coléreux tandis que toi...

— ... je n'ai jamais autant de retenu d'ordinaire, c'est exact, continua Grant. Surtout lorsque je commence à changer.

— Thomas, je crois qu'il faut que tu nous accompagnes, demain, lorsque nous irons rencontrer la supérieure d'Azaldée, dit Nicolas. C'est toi qui as l'air le plus impacté par ce qu'il se passe, quoi que cela puisse être. Elle aura peut-être des réponses ?

— Bonne idée, se contenta-t-il d'acquiescer en s'adossant lourdement au mur. En attendant, on fait quoi pour les doutes – à mon avis justifiés – de Grant ? Tu veux que j'aille jeter un coup d'œil ?

— Non pas toi, réagit aussitôt Nicolas, tant qu'on ne comprend pas ce qu'il se passe, il vaut mieux que tu restes près de nous. Je vais y envoyer Luc et Shane... si tu es d'accord, bien sûr, se reprit-il en se tournant vers moi.

— Evidemment, mais Storm ne serait peut-être pas de trop ?

— Tu as raison, je vais les prévenir sur le champ.

Il me sourit, puis traversa la pièce rapidement pour rejoindre Storm, en pleine conversation avec Spéra. Cette dernière, décontractée et les yeux brillants, souriait à l'inspecteur, rigolant doucement à son propos. Elle semblait avoir rajeunit de dix ans. Quant à Storm, je ne l'avais pas vu si détendu depuis... jamais, en fait. Son sourire se flétrit dès qu'il vit Nicolas venir vers lui. Les deux hommes discutèrent un bref instant puis je les perdis de vu lorsqu'ils contournèrent la table pour sortir de la pièce.

— Eh, c'est fini les messes basses ?! nous invectiva Lyn en nous rejoignant. Grant, cette petite sauterie est pour toi, alors la moindre des choses serait que tu te mêles à la plèbe ! plaisanta-t-elle en glissant son bras sous celui du métamorphe avant de l'entraîner vers le buffet et les saladiers de punch déjà à moitié vide. Et vous aussi, les deux lâcheurs ! Ramenez vos fesses par ici.

Thomas sourit et se décolla du mur, le regard fixé sur Lyn.

— On ne la changera jamais, plaisanta-t-il en me tendant la main. Mais elle n'a pas tort, allons nous détendre quelques minutes avant qu'un autre désastre ne nous tombe sur la tête.

— Une bonne chose pour une fois, ce serait trop demander ? gémis-je exagérément en glissant ma main dans la sienne.

— Apparemment ! s'exclama-t-il tristement en me tendant un verre presque rempli à ras-bord.

— Il n'y a pas du sans alcool ? demandai-je en reniflant le breuvage couleur rouille et en fronçant le nez lorsque l'odeur d'alcool agressa mes narines.

— Oh allez, pour une fois. Goûte au moins, c'est moi qui l'ais fait, me dit Lyn en faisant ses grands yeux qui paraissait me dire « S'il te plaiiiiiit » !

Avec un soupir résigné je portai le verre à mes lèvres. Le breuvage coula dans ma gorge, rafraichissant, avant que l'alcool n'embrase ma gorge et mes papilles.

— Mais t'as mis quoi là-dedans, de l'alcool à brûler ?! m'écriai-je en toussotant. Eloignez cette arme de destruction massive de moi, ajoutai-je en tendant le verre à Thomas qui s'en saisit en rigolant.

— Apparemment, tu n'es pas fan du Gin.

— je ne savais même pas que cette... chose existait et cela m'allait très bien comme ça.

— Tu n'as jamais bu d'alcool, vraiment ?  Même pas quand tu étais étudiante ? s'étonna Lyn en me tendant un nouveau verre.

— Je n'ai jamais rien tenter de plus fort qu'une bière. Ce n'est pas mon truc, c'est tout.

— Et il n'y a aucun mal à ça, bien au contraire, m'appuya Thomas.

— Dit celui qui en est déjà à son deuxième verre, le railla Lyn. Tu peux y aller, c'est du pur jus d'orange, promis, ajouta-t-elle à mon intention voyant que je fixais le breuvage qu'elle me tendait d'un air suspicieux.

Décidant de lui faire confiance, j'en pris une gorgée qui s'avéra délicieuse et rafraichissante et surtout exempte de la moindre trace d'alcool.

— Il te resterait deux verres de jus d'orange ? demanda Moïra depuis l'autre côté de la table. Je voulais les descendre aux filles.

— Oui, bien sûr, lui répondit Lyn en sortant une brique en carton de dessous la table avec laquelle elle remplit deux verres propres. Je vais t'accompagner, comme ça j'en descendrai un à Allistaire.

Alors que les deux jeunes femmes partaient, Thomas me tendit une assiette en carton surmonté d'une énorme part de gâteau au chocolat.

— Tu es fou ! Je ne pourrais jamais manger tout ça, m'écriai-je en rigolant.

— On partage, si tu veux ? me demanda-t-il avec l'espièglerie d'un môme de cinq ans, deux cuillères dans les mains.

En pouffant comme des gamins, nous allâmes nous installer sur les canapés, étrangement désertés pour déguster notre dessert. Le gâteau était moelleux et fondant, un peu de chocolat coulant s'échappant de son cœur. C'était gras, sucrée et absolument délicieux, pensai-je en savourant ma bouchée, me laissant aller à ce plaisir simple.

Détendue, bercée par la musique, je m'affalais contre le cuir doux du canapé, repus et somnolente. Alors que je sombrai lentement dans une douce torpeur digestive, l'enfer se déchaina.

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