Chapitre 25-2

* En ligne jusqu'au vendredi 26 Mars *

***

Une pagaille sans nom avait suivi ma transformation surprise, me remémorai-je plusieurs heures plus tard, assise sur le rebord de la baignoire.

L'énergie libérée par ma métamorphose et le hurlement de Whisper avait appelé tous les loups-garous et même les métamorphes à suivre le mouvement. Seuls les plus puissants avaient résisté à l'appel, se retrouvant à devoir gérer quatre loups-garous et une bonne dizaine de tigres de fort mauvais poil ! Certains en gardaient encore des cicatrices et une considération accrue pour les chefs de groupes mixtes.

Notre petite aventure métaphysique avait eu un autre effet secondaire non négligeable. Celui de bouleverser quelque peu les dominances établies. Parmi nos loups, seuls Nicolas, Storm et Uriel étaient parvenues à résister, demeurant sous forme humaine ; aidés de Cat et Spéra chez les tigres, les deux seules rescapées n'ayant pas viré poilu. Grant et Lyn faisaient aussi partie du lot des chanceux. Même si ce n'était pas une surprise pour Grant, cela en était une pour Lyn. Mais le plus incompréhensible était venu de Mia et Abby. Les deux jeunes - on ne savait toujours pas trop quoi, d'ailleurs – ne s'étaient pas transformées mais étaient devenues complétement incontrôlables. Hurlants et griffant tous ceux qui tentaient de venir à leur aide, nous avions dû les enfermer à la cave dans les cellules sécurisées, avec l'aval de Moïra cette fois-ci. La jeune mère de famille s'était montrée beaucoup plus coopérative en voyant sa fille complétement déchaînée, essayer de lui lacérer le dos avec ses ongles. Quel bordel ! réalisai-je en soupirant, la tête entre les mains.

— Qui est-ce ? demandai-je dans un soupir las, alors que l'on frappait deux coups discrets à la porte.

— Lyn. Je venais voir si tu ne t'étais pas noyée dans ton bain ?

Je pouffai malgré moi et me levai à contrecœur de mon assise de porcelaine pour retirer la bonde dans un glougloutement familier et rassurant.

— Tu peux entrer, lui dis-je, resserrant machinalement la serviette autour de moi lorsque la porte s'ouvrit.

Un courant d'air frais navigua jusqu'à mes jambes, chassant un peu la vapeur d'eau en suspension et me donnant la chair de poule.

— Rassure-moi, tu arrives encore à respirer dans ce brouillard ? se plaignit-elle en entrant.

— J'ai enfin réussi à me réchauffer, alors ferme vite cette porte pour ne pas laisser s'échapper la chaleur.

— On se croirait dans un hammam, tu as mariné combien de temps là-dedans ? 

Je haussai les épaules pour toutes réponses tandis que Lyn s'asseyait à l'endroit que je venais de quitter et que j'attrapai un peigne trainant sur le lavabo.

— Je me démêle les cheveux et je te laisse la place, lui dis-je n'osant pas lui poser la question qui me brulait les lèvres.

— Tu sais, il y a d'autres salle de bain, ici, me répondit-elle avec un petit sourire entendu. Je me disais que tu voudrais peut-être des nouvelles sans pour autant oser les demander.

— Et pourquoi penses-tu ça ?

— Parce que je commence à te connaître. Tu te dis que tout ce qu'il vient de se passer est de ta faute alors tu te terres dans cette salle de bain surchauffée en attendant... quoi ? Là est la question justement ?!

— Lyn ! grondai-je, irritée qu'elle se foute de moi mais encore plus qu'elle n'ait raison sur toute la ligne.

— J'ai tors ? me demanda-t-elle, tête penchée sur le côté et sourire en coin.

Concentrée sur un nœud récalcitrant, je me contentai de lui lancer une œillade irritée en me tournant vers le miroir.

— Tu n'y es pour rien Rose. Hormis des égratignures et quelques bleus et bosses, personne n'est blessé et personne ne t'en veux, bien au contraire. Uriel est devenu d'un coup numéro deux de la meute sans avoir eu besoin du moindre petit combat de dominance et Luc est relégué en queue de peloton. Rien que pour ça, tu devrais faire une petite danse de la joie !

— Tu ne t'arrêtes jamais, hein ?! finis-je par lui demander, souriant malgré moi.

— Depuis que je suis petite l'humour m'a toujours aidé à surmonter les crises et me donnait du courage lorsque je me sentais mal ou que j'étais mal à l'aise. En grandissant c'est un peu devenu comme une seconde nature. Le jour où je ne plaisanterai plus, il faudra s'inquiéter, termina-t-elle avec une grimace ridicule.

Je souris, puis dans un soupir agacé, arrachais le peigne de mes cheveux emmêlés avant de le laisser tomber dans le lavabo.

— Un coup de main, peut-être ?

— Je crois que sans démêlant, je n'arriverai à rien.

— Laisse-moi faire, dit-elle en se levant, main tendue dans ma direction.

Connaissant par cœur son côté « tête de pioche », je repéchai le peigne dans la vasque en porcelaine et le lui tendis en soupirant.

— Va t'assoir sur le trône et laisse-moi faire, me dit-elle en me poussant gentiment vers la cuvette des toilettes.

Je fermai l'abattant, assortit au reste de la déco grise et beige de la salle de bain privative de Grant et laissai Lyn me peigner les cheveux. Cela me ramena instantanément des années en arrière, les dimanches soir lorsque ma mère me les brossait avant que je n'aille me coucher. C'était notre petit rituel de fin de week-end. J'étais encore petite à l'époque mais je me souviens d'avoir plus d'une fois surpris, au travers du miroir, son regard triste posé sur moi lorsqu'elle croyait que je ne la voyais pas.

La tension nouvelle, nichée au creux de moi, et qui s'était calmée depuis ma métamorphose frémit à l'évocation de ce souvenir. Je la sentis s'éveiller, tandis qu'elle essayait de m'aspirer plus avant dans mon souvenir.

— Oh là ! Qu'est-ce qui se passe ? me demanda Lyn en m'attrapant les épaules et en me tournant brusquement vers elle. Rose, regarde-moi ! m'ordonna-t-elle d'une voix d'où tout humour avait disparu.

Lentement et avec peine je soulevai mes paupières, que je n'avais aucun souvenir d'avoir fermé. Le hoquet étranglé qui sortit de la bouche de Lyn, ainsi que son bref regard paniqué, me firent comprendre que quelque chose clochait.

— Gifle-moi, lui demandai-je avec effort, les mots sortant difficilement de ma bouche tellement je devais me concentrer pour rester connecter à la réalité.

Elle n'hésita pas, pas même une seconde. Le bruit arriva quelques secondes après le choc, faisant tinter mes oreilles alors que ma tête partait sur le côté. Déstabilisée, je me sentis glisser et me retrouvai par terre, les fesses sur le carrelage froid. Je m'accrochai de toute mes forces à toutes les sensations désagréables qui me parcouraient et senti le songe s'éloigner.

— Oh Rose, je suis désolée, s'écria Lyn en m'attrapant les poignets pour m'aider à me relever. Je n'avais pas l'intention de frapper si fort ! Ça va ?

J'hochai la tête en réajustant maladroitement ma serviette, avant de me rasoir sur les toilettes.

— Tu as vu quoi ? lui demandai-je d'une voix légèrement enrouée. Lorsque tu m'as demandé d'ouvrir les yeux, quelque chose t'a fait peur. Qu'est-ce que c'était ?

— Tes yeux, ils étaient étranges, vitreux, un peu comme si un voile les recouvrait. C'était encore un souvenir ?

— Oui. Je pensais à ma mère et...

Un flash de pouvoir tirailla mon nombril, me faisant taire aussi efficacement que n'importe quelle gifle.

— Je crois qu'il serait judicieux que tu penses à autre chose, me dit Lyn en se frottant les bras. Ton pouvoir me file la chair de poule.

— Ça ne peut pas continuer comme ça... ça se renforce, je le sens. J'ai réussi à le contenir en conjurant ma louve, mais je ne suis pas certaine que cela fonctionnera une seconde fois. Je dois à tout prix comprendre ce qu'il m'arrive. Azaldée est toujours là ?

— Bien sûr, où veux-tu qu'elle soit ? Les garçons ne l'auraient jamais laisser filer. Ils ne lui font pas plus confiance que nous.

— Je ne doute pas d'elle. Depuis le début elle essai sincèrement de nous aider. Elle est seulement jeune et encore pleine de certitudes... ça lui passera très vite, malheureusement.

— Ou heureusement, dans son cas, si tu veux mon avis ! Mais tu as raison, même si cette fichue sorcière me sort par les trous de nez ! Je vais aller la chercher pendant que tu t'habilles. Grant ne t'en voudra pas de squatter sa chambre quelque heures de plus. Tu veux que je dise à Nicolas de venir ?

— S'il ne fait rien de plus important, oui, lui répondis-je d'une voix rongée par l'anxiété. Et Storm aussi, s'il te plait. Ce nouveau pouvoir en moi... il est effrayant. Je ne sais vraiment pas ce qu'il pourrait me pousser à faire.

— On va le découvrir, me promit-elle d'un ton assuré en sortant de la pièce.

Encore groggy par ce qu'il venait de se passer, je me concentrai sur les tâches simples consistant à me faire une queue de cheval et à enfiler des sous-vêtements. Une fois dans la chambre de Grant, j'enfilai un jean et un sweat propre et commençait à faire les cents pas dans la pièce, me demandant si je ne ferais pas mieux de partir à leur rencontre. J'en étais au moins à mon dixième aller-retour lorsque la porte s'ouvrit sur Nicolas. Constatant mon agitation, il s'empressa de me prendre dans ses bras, déposant un doux baiser sur mon front.

— Nous avons du nouveau, me dit-il en souriant. Et regarde qui est là, ajouta-t-il en me faisant pivoter vers la porte, pile à l'instant où Waahana la franchissait.

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