Chapitre 23-2
*En ligne jusqu'au samedi 20 Mars*
Lyn se mit à rougir comme un coquelicot tandis que nous la fixions bouche-bée. Un sourire béat s'épanouit sur les lèvres de Cat et je sentis les miennes esquisser le même mouvement.
— Tu vois, j'avais raison, me dit cette dernière. Il a dû s'en passer des choses dans cette salle de bain !
— Rooh, vous avez l'esprit mal placé, réplica Lyn ses joues reprenant peu à peu leur couleur originelle.
— Et c'est toi qui dis ça ?! s'esclaffa Cat. Allez, on veut tous les détails croustillants, te fais pas prier !
— On a juste... discuter. Et seulement discuter, ajouta-t-elle aussitôt devant nos mines sceptiques. Si vous voulez vraiment tout savoir, ce baiser était... inattendu.
— Tu insinues que c'était la première fois qu'il t'embrassait ? s'exclama Cat.
— Déjà, ce n'était pas un vrai baiser et je n'insinue rien, puisque c'est la vérité.
A cet instant, je dus faire un gros effort sur moi-même pour ne pas l'étrangler. Ses tournures de phrases et son petit sourire goguenard montraient bien qu'elle profitait à fond de la situation et s'amusait comme une petite folle. A nos dépends, bien sûr ! En même temps, nous nous comportions comme des gamines en pleines poussées hormonales et... ça faisait un bien fou !
— Arrête de tourner autour du pot et accouche ou je t'étrangle ! lui balança Cat pour rigoler en faisant mine de serrer ses mains autour de son cou.
— En fait, je ne sais pas vraiment, finit par avouer Lyn, la mine un peu perplexe. Il a reconnu que je lui plaisais mais il ne veut pas non plus me forcer à rompre avec Uriel.
— Quoi ?! Tu veux dire que ça ne le dérange pas de partager ?
— Cat ! T'es folle ! Non, bien sûr que non ! Brrr... quelle horreur ! Quand tu dis ça, j'ai l'impression d'être une part de pizza ! répondit Lyn avec une grimace plus qu'éloquente.
— Je me disais aussi ! Venant de Thomas, cela aurait été vraiment bizarre. Désolée, mais vu comment tu l'as dit, cela pouvait prêter à confusion.
— C'est vrai, tu as raison, mais c'est parce que c'est confus ! Avant qu'il ne m'embrasse devant vous, je n'avais même pas compris qu'il voulait franchir ce stade. Il m'a proposé d'y réfléchir, de prendre mon temps...
— Et tu comptes faire quoi ? intervins-je pour la première fois dans la conversation.
— Avant qu'il ne m'embrasse, j'avais un début de réponse. Maintenant... je suis perdue.
— Ce qui doit te prouver au moins une chose, lui dis-je gentiment. Il tient vraiment à toi. Ce comportement ne lui ressemble pas du tout, surtout devant nous. S'il l'a fait, c'est qu'il devait sentir que tu lui échappais et que la balance penchait déjà en faveur de son adversaire.
— Une manière charmante mais peu subtile de dire : « Eh, regarde ce que tu rates ! », ajouta Cat, le sourire jusqu'aux oreilles.
— Vous en êtes sûres ?
Nous acquiesçâmes dans un bel ensemble et Cat et Lyn commencèrent à échafauder des théories, toutes plus farfelues les unes que les autres, en se dirigeant vers l'escalier. Je les suivis, écoutant leur conversation le sourire aux lèvres et me retrouvais projeté des années en arrière lorsque j'étais une jeune étudiante insouciante, n'ayant comme problèmes majeurs que ses partiels de fin d'année et les brouilles de ses potes.
« L'air sentait bon le pop-corn et les pommes d'amours et le vent printanier charriait du pollen et la poussière du champ de foire où nous nous trouvions. C'était un samedi et mes amies et moi nous étions accordées une pause dans nos révision en allant à la fête du printemps. On décompressait, on riait, les manèges et les ballons colorés virevoltaient autour de nous. Il faisait beau et j'avais l'agréable sensation, qu'à l'instar du ciel qui nous surplombait, aucun nuage ne planait à l'horizon. Nous faisions la queue pour le train fantôme en mangeant des beignets dégoulinants de graisse et de sucres, profitant des doux rayons du soleil sur notre peau. Tout autour de nous ce n'était que joie, rire et insouciance. Si tous ces gens savaient ce qui allait se produire à peine une année plus tard... »
Cette pensée s'insinua dans mon esprit, brouillant mes perceptions et faisant vaciller le souvenir dans lequel je pris soudain conscience d'être plongée. Les couleurs et les perceptions s'effilochèrent comme les fils collant d'une barbe à papa et durant un instant, le souvenir se superposa à la réalité. J'entraperçus la rambarde de l'escalier à travers ma vision brouillée et eus juste le réflexe de m'y accrocher, lorsque mon pied rata une marche.
— Rose, ça va ? me demandèrent aussitôt Lyn et Cat.
J'essayai de leur répondre et de faire le point sur leurs visages mais tout demeurait flou et mouvant me donnant la nausée et l'horrible sensation de me trouver sur un manège invisible.
— Tu te sens mal ? C'est encore un malaise ? Rose, réponds-nous !
Je me sentis glisser et tomber sur les marches tandis que Cat essayait de me rattraper. Je la fixai, essayant de m'accrocher à la réalité mais ses cheveux bruns se parèrent lentement de reflets auburn avant d'onduler sous mes yeux en boucles lâches. Je fermai les paupières et lorsque je les rouvris, Rachel se tenait devant moi.
« Mon amie Rachel avec ses cheveux roux, ses tâches de rousseurs et son sempiternel blouson en jean qu'elle ne quittait jamais.
— Rose, tu te sens bien ? me demanda-t-elle, inquiète, alors que les rires et la musique tonitruante revenaient en vague dans mes oreilles.
— Oui, pourquoi tu me demandes ça ? lui demandai-je à mon tour d'une voix qui me parut étrange.
— On était en train de discuter et d'un seul coup, tes yeux sont devenus vitreux. Tu as marmonné... « ...ils ne savent pas... il faut les prévenir... » et tes yeux se sont révulsés. Tu m'as fait peur, j'ai cru que tu faisais un malaise.
Je la regardai fixement, ne sachant pas quoi lui répondre. Son doux regard vert était encore voilé d'inquiétude et nous nous faisions doubler par tous les gens de la file qui nous regardaient de travers.
— C'est sûrement le soleil, je n'ai plus l'habitude, finis-je par lui répondre avec un sourire que je voulais rassurant. Où sont les autres ?
— Elles étaient déjà dans le sas, elles nous attendront à la sortie. A moins que tu veuilles les rejoindre tout de suite ? ça ne me dérange pas de passer mon tour, on le fait tous les ans de toute façon.
— Non, c'est ton manège préféré. Je vais bien, je t'assure, c'était juste une petite insolation. La fraicheur et la pénombre me feront du bien.
— Tu es sûre ?
— Oui, allez go !
Nous nous réinsérâmes dans la file et finîmes par monter dans un wagon violet et vert surmonté d'une sorcière hideuse affublée d'une énorme verrue sur le nez.
— Oh on a le wagon sorcière cette année, commenta Rachel déçue. Je préfère le loup-garou.
Ses paroles résonnèrent curieusement à mes oreilles tandis que je grimpais et m'installais à ses côtés sur le siège en plastique moulé.
— Pourquoi tu n'aimes pas les sorcières ? Les loups-garous sont plus effrayants, je trouve, m'entendis-je dire, alors que la première porte s'ouvrait dans un ricanement enregistré.
— Je ne sais pas, sans doute parce que les sorcières peuvent être réelles, alors que les loups-garous, ça n'existe pas.
Elle s'interrompit en criant alors qu'un énorme monstre poilu et griffu apparaissait soudain devant nous, peint sur un panneau mobile. Agrippées toutes deux à la barre de sécurité, nous rigolâmes de notre frayeur factice, mais le mien sonnait faux. Je n'arrivais pas à me détendre et à profiter de l'instant. Une anxiété sourde, dont je n'arrivais pas à déterminer la cause, assombrissait mon humeur et mon âme.
— Tu sais, le plus drôle ? me cria Rachel alors que le wagon prenait de la vitesse, le vent et les cris pré-enregistrés nous cinglant les tympans. Lorsque j'étais petite, j'étais persuadée que ta mère était une sorcière ! »
Le souvenir se délita de nouveau et d'autres sons et mots paniqués percutèrent mes sens.
— Rose, Rose, tu dois te réveiller ! Rose tu m'entends ?
La voix de Nicolas réussit à percer ma conscience et me donna la force d'ouvrir les yeux. Je me trouvais toujours dans l'escalier, allongée en vrac sur les marches, la tête reposant sur les genoux de Nicolas. Je voulus lui répondre mais les sons paraissaient trop lourds pour mes lèvres et je sentis ma conscience dériver de nouveaux vers le train fantôme et les odeurs sucrées de barbe à papa.
— Touchez-là, peau contre peau ! entendis-je quelqu'un ordonner alors que je perdais la bataille me sentant inexorablement réaspirée dans mon souvenir.
Une main saisit fermement la mienne, entrelaçant ses doigts au mien et je sentis la réalité devenir un peu plus tangible.
— Vous aussi ! ordonna de nouveau la même voix, alors que d'autres doigts se posaient doucement sur ma joue.
Les marches semblèrent se solidifier sous moi, meurtrissant mon dos et éloignant encore un peu plus les sons et les sensations du manège. Lorsqu'une nouvelle main saisit ma cheville, l'enlaçant fermement, le songe se disloqua me laissant groggy et tremblante dans les bras de Nicolas. J'ouvris les paupières et me trouvais nez-à-nez avec Shane, qui me fixait d'un air inquiet, sa main toujours sur ma joue. Cooper, qui me tenait la main, en profitait pour prendre mon pouls, tandis que Storm, accroupis à mes pieds avait toujours ses doigts autour de ma cheville.
— Vous saviez que vous étiez une sorcière ? me demanda Azaldée, d'une voix surprise et incertaine.
— Oui, parvins-je à bredouiller en essayant de me redresser. Je serais une sorcière des rêves.
— Une sorcière des rêves ?! s'exclama-t-elle d'un ton légèrement méprisant. Ça, ça m'étonnerait !
— Pourquoi dites-vous ça ? lui demanda Lyn, sur la défensive.
— Parce que les sorcières des rêves, ça n'existe pas !
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