Chapitre 23-1

*En ligne juqu'au vendredi 19 Mars*


Nicolas termina de gravir les marches d'un pas mesuré puis déposa la béquille à coté d'Eva.

— Qu'entends-tu par-là, exactement ? lui demanda-t-il. En son pouvoir, comme fou d'amour pour elle ?

— Non, pas du tout ! s'emporta-t-elle aussitôt. Vous avez beau avoir une piètre opinion de lui, et je ne peux pas vous en vouloir, Juan m'aimait, sincèrement. S'il avait été dans son état normal, jamais il ne m'aurait trompé et encore moins avec une humaine... même sorcière. 

— Les sentiments peuvent changer avec le temps, dit Cat avec prudence. Vous vous connaissez depuis toujours. Amis, puis amoureux, il a peut-être eu besoin de... voir d'autres choses avant de s'engager avec toi ? Il n'y a peut-être pas d'autres choses à y voir ? Une humaine, cela aurait été le choix parfait. Pas d'implications sur le long terme...

— Ferme-là ! piailla Eva en essayant de se relever brusquement sous le coup de la colère. Je sais ce que je dis. Cette fille n'était pas une simple humaine.

Malgré ses traits contractés par la douleur, ses yeux lançaient des éclairs et elle se redressa sans l'aide de personne. Agrippée à la rambarde, sa poitrine se soulevant de manière désordonnée, elle fixait Cat avec haine.

— Ce n'est pas parce que ton petit cul de princesse éprouve soudain le besoin d'aller voir ailleurs, que tout le monde est comme toi ! lui balança-t-elle, un sourire retord sur les lèvres. Si tu te sens si mal, ce n'est pas parce qu'Ethan s'est prit une balle à ta place. Depuis le temps, il a l'habitude de te servir de fusible, le pauvre ! C'est parce que tu ne veux pas t'engager auprès de lui et que tu n'as pas le courage de le lui avouer ! Tu n'aurais jamais eu l'étoffe pour succéder à ton père ! Tu n'es qu'une lâche ! Une...

— Ça suffit !

Il n'avait pas élevé la voix mais les vibrations sourdes et grondantes qui en émanèrent suffirent à interrompre momentanément le fiel d'Eva.

— Nicolas, le chevalier blanc, à la rescousse ! railla-t-elle néanmoins quelques secondes plus tard en ramassant lentement sa béquille. La vérité ça fait mal, hein ? Surtout lorsque ce n'est pas toi qui la délivres !

— Je n'entends aucune vérité dans ce que tu dis, lui répondit-il froidement. Seulement la méchanceté gratuite d'une petite garce revancharde. Ce que tu as toujours été. J'espérai que cet épisode douloureux t'aurait au moins ouvert les yeux et l'esprit, mais malgré tout ce que j'ai vécu, je dois encore être trop naïf !

Sur son visage, la rancœur le disputait à la rage et je la voyais lutter pour soutenir le regard de Nicolas et ne pas répliquer. Je n'en compris la raison qu'après coup, en sentant le pouvoir écrasant que Nicolas dirigeait vers elle. Elle lutta encore quelques secondes avant de baisser la tête.

— Alors c'est comme cela que tu comptes diriger le clan ? En nous imposant tes volontés et ton pouvoir, comme une brute ?

— Avec ceux qui ne comprennent que ça, oui, lui assena-t-il en même temps qu'une salve de pouvoir qui l'a fit chanceler. Surtout lorsque tu fais passer tes petits problèmes d'égo avant une situation de crise.

Durant un instant, je crus qu'elle allait taper du pied par terre comme une gamine de six ans. Mais la décence ou la douleur l'en dissuadèrent et elle se contenta de tourner le dos à Nicolas pour repartir d'où elle venait. Lorsqu'elle disparue enfin dans les ombres du couloir, Nicolas se détendit imperceptiblement, ravalant son pouvoir. Même si Cat et moi n'étions pas la source de sa colère, cela nous avait affecté malgré tout et nous nous sentîmes aussitôt moins oppressées. La pauvre Cat faisait peine à voir, tête basse et yeux brillants, elle suintait la tristesse et la confusion par tous les pores de sa peau.

— Tu sais bien que tu ne dois pas écouter ce qu'elle te dit ? Elle est jalouse, elle l'a toujours été. Elle cherche juste à te faire de la peine, essaya de la réconforter Nicolas. Que tu ne partages pas les sentiments d'Ethan, ce n'est pas de ta faute.

— Je l'aime, lui répondit-elle d'une petite voix, mais comme je t'aime toi.

— Comme un frère.

Elle acquiesça avec un petit sourire malheureux alors que des larmes se mettaient à couler sur ses joues. 

— Mais je ne sais pas comment le lui dire sans le blesser ?

— Je ne suis pas sûr que ce soit possible, lui répondit-il doucement. Mais je connais Ethan, il comprendra. Attendons déjà qu'il aille mieux, ajouta-t-il en la prenant dans ses bras. 

Hormis avec moi, Nicolas n'était pas du genre démonstratif et je vis la surprise passer brièvement sur les traits de Cat avant qu'elle ne s'abandonne à son étreinte, sanglotant silencieusement contre sa chemise.

C'était la première fois que je les voyais s'enlacer de la sorte et réalisai véritablement qu'ils étaient frère et sœur. Qu'ils ne partagent pas le même sang ni changeait rien, je pouvais sentir l'amour et l'affection qu'ils se portaient de là où je me trouvais.

— Ça va mieux ? lui demanda-t-il gentiment en l'embrassant sur le front.

— Oui, merci petit frère ! lui répondit-elle en se hissant sur la pointe des pieds pour lui ébouriffer les cheveux avant de s'écarter de lui et de s'essuyer les yeux d'un revers de main.

— Bon, je vais aller chercher Azaldée. Avec un peu de chance, si elle la lui décrit, elle pourra peut-être nous dire qui était la sorcière dont Eva nous a parlé.

— Elle va mieux ?

— Oui, une simple baisse de tension. D'après Cooper ce serait dû à la fatigue, la perte de sang et un trop faible taux de calories. Pour résumer, il n'y a pas assez à manger.

— Il n'a qu'à s'y coller, lui, aux fourneaux, il est marrant ! s'emporta Cat en reniflant.

— Il le sait bien sœurette. Il l'a dit sur le ton de la plaisanterie. Mais je pense que si nous voulons éviter d'autres malaises, ce serait bien d'assigner au moins deux personnes à la cuisine. Faire cuire des pâtes et réchauffer une sauce, n'importe qui doit en être capable quand même ?

Cat et moi nous regardâmes, réprimant une grimace autant qu'un éclat de rire.

— Demande à Uriel ou à Grant, lui dis-je. Il le cache bien mais c'est un vrai cordon bleu. En plus c'est sa cuisine.

Nicolas me sourit avant de redescendre l'escalier deux fois plus vite qu'il ne l'avait monté. Machinalement je regardai mon poignet même si cela faisait belle lurette que plus aucune montre ne s'y trouvait.

— Tu crois que l'on devrait partir en mission de sauvetage ? demandai-je à Cat en lorgnant vers le couloir de gauche et la porte de la salle de bain toujours close.

— Je ne sais pas... tu imagines si on les interrompait en pleine action ?

Elle parvint à garder son sérieux devant mon air ahurit environ dix secondes avant d'éclater de rire. Hasard ou timing parfait, la porte s'ouvrit pile à cet instant, Lyn précédant Thomas dans le couloir. Je sondais leurs visages et leurs attitudes corporelles, en profitant pour me calmer, mais aucun indice ne m'aida à savoir comment cela s'était passé. J'interrogeai Lyn du regard lorsqu'ils nous rejoignirent mais la petite peste se contenta de nous gratifier d'un petit sourire en coin.

— Rose, trouves-tu Nicolas plus agité ou susceptible que d'ordinaire ? me demanda Thomas, allant droit au but comme à son habitude.

— Non, lui répondis-je après une seconde de réflexion. Pourquoi cette question ?

— Parce que ce comportement ne me ressemble pas. Depuis plusieurs jours, je réagis au quart de tour et de manière disproportionnée pour à peu près tout et n'importe quoi.

— J'ai suggéré qu'il était peut-être enceinte ?! intervint Lyn. Mais il n'a pas l'air de pencher pour cette option.

— Tu penses à quoi ? demandai-je à Thomas en réprimant de nouveau un éclat de rire.

— Je ne sais pas justement. Tu sais où est Grant ?

— Dans le salon, je pense.

— Nicolas et Azaldée aussi ?

— Oui, si tu te dépêches. Sinon tu peux les attendre ici, Nicolas devait l'emmener voir Eva, à l'étage.

A l'entente du prénom de la métamorphe, il grimaça.

— Je vais tenter ma chance en bas. Au pire, je les croiserais dans le couloir, dit-il en se tournant vers l'escalier.

Il avait déjà fait trois pas en direction des marches lorsqu'il se ravisa. Revenant sur ses pas, il attrapa la main de Lyn et l'attirant à lui, déposa un léger baiser sur ses lèvres, avant de partir sans se retourner.

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