Chapitre 22-2
*En ligne jusqu'au jeudi 18 mars*
Je vis Lyn, qui n'était déjà pas au top de sa forme, se liquéfier littéralement devant moi. Son visage prit un teint de craie et je crus, durant un instant, qu'elle allait défaillir devant mes yeux. Mais comme à son habitude, elle se reprit très vite, releva la tête et braqua un regard déterminé vers la porte.
— Lyn, on peut parler ? demanda Thomas en s'avançant de quelques pas dans la lumière artificielle des spots.
— Ça dépend, répondit-elle d'une voix plus assurée que je ne l'aurais cru. Tu veux parler ou simplement que l'on s'engueule encore une fois ?
— Non, vraiment parler, lui répondit-il d'un ton prudent sans bouger de là où il était.
La grimace que fit Lyn n'augurait rien de bon, pourtant elle finit par accepter d'un bref signe de tête. Un peu gênée, je m'empressai de me faufiler vers la sortie mais au moment d'atteindre la porte, Thomas me retint, posant sa main sur mon épaule.
— Tu peux rester dans le coin ? J'aurais quelque chose à te dire, c'est important.
— D'accord, lui répondis-je, dubitative, alors que Lyn me lançait un coup d'œil surpris.
Thomas s'avança, s'interposant entre nous. Je sortie donc de la salle de bain et me retrouvai dans le couloir sombre, légèrement perplexe. Où voulait-il que je l'attende ? Si je restais ici je risquais de surprendre leur conversation et je n'y tenais vraiment pas, merci bien ! J'étais en train de me demander où aller et combien de temps j'allais poireauter bêtement lorsque j'aperçu Cat qui m'attendait, adossée au mur en face de l'escalier.
— J'allais descendre me chercher un truc à manger, tu veux m'accompagner ?
— Je dois attendre Thomas et Lyn. Le premier veut me parler et je compte bien cuisiner la seconde jusqu'à ce qu'elle me raconte les moindres détails de leur conversation.
Les yeux fatigués de Cat s'éclairèrent brièvement à l'entente de mon babillage et je vis ses épaules se détendre légèrement.
— Alors c'est vrai ? Il y a vraiment quelque chose entre eux ?
— Ça, je laisserai Lyn t'en parler elle-même, lui répondis-je dans un petit rire. Mais parlons plutôt de toi, comment vas-tu et comment va Ethan ?
Son regard s'assombrit aussitôt et je regrettai ma question.
— Cooper dit qu'il va s'en remettre mais... il n'a toujours pas repris conscience.
— Fais-lui confiance, il a beau être jeune, il sait ce qu'il fait. S'il t'a affirmé que ça irait, c'est que c'est vrai, lui dis-je gentiment pour la rassurer. En plus, cela fait à peine deux jours. D'après ce que l'on m'a expliqué de votre métabolisme, qu'il ne soit toujours pas réveillé n'a rien d'étonnant, non ?
Elle me répondit d'un petit hochement de tête, les yeux rivés sur ses mains.
— Alors, qu'est-ce qui te tracasse ?
— Tout ce qui est arrivé... c'est de ma faute ! avoua-t-elle dans un sanglot étranglé, bien qu'aucune larme ne coule sur ses joues.
— De quoi tu parles ? Il s'est prit une balle, en quoi cela pourrait être ta faute ?
— Si j'avais été plus forte... Si je ne m'étais pas entêtée à refuser de prendre la succession de mon père, comme il me le demandait depuis longtemps... Tout cela ne serait pas arrivé et Ethan n'aurait pas eu besoin de s'interposer entre moi et cette balle ! dit-elle rageusement, laissant enfin sa colère et son chagrin s'écouler par ses yeux.
Comprenant sa souffrance mais ne voulant pas qu'elle se complaise dans son chagrin, je pris fermement ses deux mains dans les miennes et plantai mon regard dans le sien.
— Franchement, tu crois vraiment que cela aurait changé quelque chose ? Je ne le connais pas, mais je n'en ai pas eu besoin pour comprendre que Juan, en plus d'être un petit con arriviste, est aussi un misogyne de la plus belle eau ! Il voulait remplacer Aaron et n'aurait accepter personne hormis un mec assez puissant pour le remettre à sa place.
— Ecoute-là, elle a raison.
Surprises par la voix de la nouvelle venue, nous nous tournâmes toutes les deux dans sa direction. Eva arrivait de la droite du couloir. Sa silhouette longiligne gommée par le survêtement informe qu'elle portait, la faisait paraître plus petite et plus fragile que dans mes souvenirs. Ça et sa claudication marquée, qui s'expliquait par la béquille sur laquelle elle s'appuyait pour marcher lentement jusqu'à nous.
Elle s'arrêta en haut du grand escalier, tête basse et souffle court et s'assit lourdement sur la première marche en se tenant à la rampe. Son pied gauche glissa et elle s'affala maladroitement contre la rambarde en bois tourné, lâchant sa béquille qui tomba et roula bruyamment sur le bois ciré, stoppant sa course quelques degrés plus bas.
Tout cela s'était passé si vite que Cat et moi étions encore à mi-chemin d'Eva, mains tendues dans sa direction lorsqu'elle leva le visage vers nous. J'avais trouvé Cat amochée, mais en comparaison d'Eva, elle aurait pu prétendre au titre de Miss Métamorphe sans problème.
— Pas la peine de me regarder comme ça, je n'ai pas besoin de ta pitié ! me balança-t-elle en me jetant un regard noir de son seul œil valide.
— Ce n'était pas de la pitié, répliquai-je aussitôt en laissant retomber ma main et en retournant m'adosser au mur. C'était de la surprise en réaction à ton nouveau look. Aux dernières nouvelles tu penchais plutôt pour le camp de Juan, plutôt que dans celui de ceux qui lui servent de punching-ball ?!
— Oui mais elle nous a aidé...
— Je sais Cat, sinon elle ne serait pas là, l'interrompis-je gentiment. Mais si elle est capable de me sauter à la gorge, elle doit être capable de s'expliquer toute seule, non ? insinuai-je d'un ton acide en redirigeant mon regard vers la métamorphe toujours affalée sur sa marche.
Nous nous fixâmes quelques instants. Apparemment, le fait d'être devenue un loup-garou n'avait pas changé la piètre estime qu'elle avait de moi. Cela tombait plutôt bien car, pour le moment, c'était pareil de mon côté. Son aspect de rescapée d'un crash aérien aurait dû m'émouvoir un minimum et me donner envie d'être indulgente, mais au lieu de ça, ma louve et moi n'avions qu'un seul souhait... lui botter le cul ! Cette image percuta mon esprit et je faillis éclater de rire.
— Je vois que mon état n'a pas l'air de t'attrister.
— Je croyais que tu ne voulais pas de ma pitié ? Il faudrait savoir ce que tu veux !
Elle me fixa encore quelques secondes d'un regard mauvais avant de baisser les yeux dans un soupir, assortit d'une brève grimace de douleur.
— Tu as raison, après tout je l'ai bien cherché ! Je n'étais pas venue vous rejoindre pour me disputer, mais c'est ma tigresse... lorsque je suis blessée, j'ai plus de mal à la tenir à distance et... elle n'a pas un caractère facile.
Cat, qui m'avait rejointe, réprima un petit rire en toussotant derrière sa main.
— Tu ne m'avais pas semblé blessée, la première fois où nous nous sommes rencontrées, lui balançai-je sans pouvoir m'en empêcher.
— Un stress intense produit à peu près le même effet chez les jeunes métamorphes, m'expliqua Cat.
— Et tu étais une humaine, ajouta Eva. Je ne te faisais pas confiance.
— Parce que maintenant, c'est le cas ? répliquai-je sans cacher mon étonnement.
— Oui. Je ne t'aime pas, pas plus que je n'apprécie ton... mec, mais... vous ne pouvez pas être moins digne de confiance que Juan, acheva-t-elle d'une voix soudain triste et dévastée.
Le regard qu'elle leva ensuite vers moi avait perdu toute sa morgue et dans son œil vert d'eau ne transparaissait plus que la douleur de la trahison.
— Je croyais qu'il m'aimait, finit-elle par m'avouer. Regarde où ça m'a mené ! Si Spéra ne m'avait pas sorti de là et si Cat ne s'était pas interposée pour nous laisser une chance de fuir, je serais sans doute morte à l'heure qu'il est.
— Qu'est-ce qui t'a ouvert les yeux ? demandai-je malgré les bruits de pas résonnant sur les marches.
— Je l'ai trouvé au lit avec une humaine, ricana-t-elle avec aigreur. Lui qui maudissait tout ceux extérieur au clan... j'ai compris à cet instant là que sa promesse de partager le pouvoir avec moi, c'était du vent ! Mais malheureusement, ce n'était pas le plus grave.
— Cette femme n'était pas vraiment humaine, c'est ça ? demanda Nicolas d'une voix douce tandis qu'il se baissait pour ramasser la béquille.
— Non. Et lorsque j'ai compris qu'il était en son pouvoir, c'était déjà trop tard.
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