Chapitre 21-2

*En ligne jusqu'au vendredi 12 mars *


Son poids mort glissa entre mes mains mais je parvins tout de même à la retenir. Tout le monde s'agitait autour de moi dans un léger brouhaha de conversations tandis que je la portais avant de la déposer sur l'un des deux canapés. Elle était totalement inerte mais semblait respirer normalement, comme si elle était simplement endormie.

— Qu'est-ce qu'il lui arrive ? Tu crois que c'est sa jambe ? demanda Shay en se levant.

— ça me rappelle un peu trop la crise de... du jeune loup de tout à l'heure, dit Grant d'une voix préoccupé en fronçant les sourcils.

— C'est plutôt la fatigue et le stress, à mon avis, répondit Lyn.

— Peut-être ? Mais trois méta-humains qui s'évanouissent en moins de cinq heures... Je suis vraiment le seul à trouver ça inquiétant ?

Nicolas, Thomas et Grant échangèrent un long regard préoccupé qui se passait de mot.

— Demandons son avis à Cooper ? suggérai-je.

— Tu as raison, approuva Lyn en me souriant. Et puis, ça ne sert à rien de rester ici en rond comme des glands à tirer des plans sur la comète ! C'est de réponses dont nous avons besoin.

— Tu as parfaitement raison, ma chère ! lui rétorqua Thomas en insistant sur le qualificatif. Tu ne verras donc pas d'inconvénient à aller chercher Cooper pendant que nous resterons là, sur notre cul, à bailler aux corneilles ?

Je crois que nous n'aurions pas été plus surpris s'il s'était soudain changé en statut de sel devant nous. Mais que lui arrivait-il ?

— Waouh ! Ses emmerdes doivent-être maouss pour qu'il réagisse comme ça ! murmura Shay, accroupie au chevet d'Azaldée.

Amen ! faillis-je lui répondre alors que Lyn refermait enfin la bouche et se dirigeait sans un son vers la porte, la stupeur n'ayant toujours pas quitté son visage lorsqu'elle en franchit le seuil.

— Tu nous explique ce qu'il t'arrive ? lui demanda Nicolas une fois que Lyn eut refermé la porte derrière elle.

— Le stress et la fatigue, répondit-il dans un soupir. J'ai été nul, je vais aller m'excuser, ajouta-t-il avant de sortir à son tour.

— Quelqu'un sait où est Cat ? demandai-je, espérant alléger l'atmosphère tendue qui régnait dans la pièce.

— Au chevet d'Ethan, me répondit Storm. Elle ne l'a pas quitté depuis son arrivé.

— Va la voir si tu veux ? me dit gentiment de Nicolas. Nous n'avons pas besoin d'être autant pour surveiller une jeune sorcière évanouie.

— Dans ce cas, je me casse aussi, sortit Luc de sa voix rocailleuse et désagréable habituel, digne d'un ado en pleine crise.

— Qui t'a dit que toi tu avais le choix ?

Le ton soudain réfrigérant de Nicolas sembla couper l'air comme un couperet. Luc s'immobilisa aussitôt, traits crispés et poing serrés le long du corps.

— Tu n'as pas gagné la première fois, tu ne gagneras pas plus la seconde. Mais si tu veux retenter ta chance, je t'en prie. J'ai besoin de passer mes nerfs sur quelque chose ! le provoqua Nicolas d'une voix grinçante.

La tension sous-jacente n'augmenta pas mais changea subtilement de nature tandis que Luc se crispait encore plus, son aura se gorgeant de pouvoir. Concentrée sur le potentiel drame se jouant sous mes yeux, je sentis à peine la main de Nicolas se poser doucement sur mon bras. Je tournais la tête vers lui mais il ne me regardait pas, son attention entièrement fixé sur le loup-garou.

Des sensations et des pensées qui n'étaient pas les miennes surgirent soudain dans mon esprit. Succession de flashs et de mots épars qui bombardaient mon cerveau, aussitôt réagencés en phrases compréhensible par mon esprit et occultant mes propres réflexions.

« Va voir Cat et emmène Storm avec toi. Il y a trop de dominants dans la pièce. Si vous sortez, je pourrais peut-être le raisonner sans avoir à le massacrer. »

Je m'écartai de Nicolas dans un sursaut agrémenté d'un petit cri étranglé et dès que nos peaux ne furent plus en contact, le phénomène cessa aussi abruptement qu'il avait commencé. Frissonnante, je frottai machinalement mon bras couvert de chair de poule, me demandant comment j'allais bien pouvoir expliquer ce qu'il venait de se passer. Pourtant lorsque je relevai les yeux, je m'aperçus que personne n'avait rien remarqué... pas même Nicolas, toujours en contact visuel avec Luc.

— Jack, tu veux m'accompagner ? m'entendis-je demander d'une voix légèrement étranglée en me dirigeant d'une démarche flageolante vers l'une des portes.

Storm me rejoignit aussitôt et s'empressa même de m'ouvrir le battant en me couvant d'un regard interrogateur et légèrement inquiet.

— Que se passe-t-il ? me demanda-t-il dès que nous fûmes dans le couloir. Tu te sens bien ?

— Tu n'as rien senti ? lui demandai-je à mon tour en m'adossant au mur, me sentant toujours étrangement fébrile.

— Senti quoi ? Je t'ai surtout vu devenir blanche comme un linge et j'ai eu peur que tu ne fasses une nouvelle syncope. Pour une fois Grant à raison, tous ces malaises, ce n'est pas normal.

— Cette fois, ça n'a rien à voir. J'ai... je ne sais pas comment, mais je viens de partager les pensées de Nicolas, lui avouai-je dans un souffle en me décollant du mur.

— Partager... tu veux dire, comme de la télépathie ?! s'exclama-t-il sans cacher son scepticisme. 

Tout en attendant ma réponse il me tendit la main, mais je refusai son aide d'un signe de tête et me décollai seule du mur poussiéreux. L'étrange sensation s'estompait et je retrouvais peu à peu mon état normal.

— Oui et non, c'est dur à expliquer. Mais j'ai compris qu'il voulait que nous sortions tous les deux de la pièce pour avoir une chance de pouvoir calmer Luc.

— Si tu veux mon avis, le calmer ne fera que reculer l'échéance.

— Je croyais que tu étais pour privilégier le dialogue à la violence ?

— Dans l'absolu, oui. J'ai vu trop d'horreurs dans ma carrière de flic pour penser autrement. Mais je connais les types comme Luc et malheureusement, ils ne comprennent que la violence. Il n'y a que la crainte de la mort qui pourra le faire entrer dans le rang. D'autant plus maintenant qu'il est un loup-garou.

— Tu crois que Nicolas devrait le tuer ?

— Franchement, je ne pensais pas dire cela aussi froidement un jour, mais oui. Ce type était déjà un gangster sans âme lorsqu'il était humain. Les seules choses qu'il respecte ce sont la peur, le pouvoir et l'argent.

— Nicolas a du pouvoir.

— Oui mais il a trop d'honneur pour pouvoir contrôler un type comme Luc.

Une vague de pouvoir monstrueuse provenant du salon me souleva soudain l'estomac, hérissant tous mes poils et réveillant ma louve. Storm vacilla légèrement et dû se retenir au mur pour ne pas chanceler davantage.

— On ne devrait pas traîner dans le coin. S'ils se battent, on aura du mal à se retenir d'intervenir, dit-il en déglutissant avec difficulté.

— Il va falloir que tu me guide, je ne sais pas du tout où se trouve l'infirmerie, ici, ajoutai-je d'une voix alourdie par le pouvoir ambiant.

— L'infirmerie originelle a été détruite dans l'explosion. Grant les a installés dans l'un des dortoirs, c'est par ici, me dit-il en partant à droite.

Dès que nous eûmes parcouru quelques mètres, la pression du pouvoir s'allégea et nous pûmes respirer plus facilement. J'étais inquiète pour Nicolas mais pas pour l'issu du combat, s'il devait y en avoir un. Personne ne devrait être obligé de bafouer sa morale, même pour des conneries métaphysiques. En arrivant au pied de l'escalier menant à l'étage, nous tombâmes sur Cooper qui en descendait les marches quatre à quatre, une trousse de premier secours dans les mains.

— C'était quoi ça ? Encore Luc qui fait le con ? nous demanda-t-il en sautant les derniers degrés pour atterrir devant nous dans un chuintement de ses baskets de sport.

— Gagné, lui répondit Storm alors que nous commencions à monter. Fais attention à toi et frappe avant d'entrer !

— Ouais, t'inquiète, je ne suis pas suicidaire ! lui rétorqua-t-il avec une grimace ironique avant de filer en courant dans le couloir que nous venions de quitter.

L'étage était décoré dans le même style simple et naturel que tous le reste de la maison. Le parquet de pin clair grinçait légèrement sous les pas et sentait bon la résine Nous avions déjà dépasser deux portes sans ralentir lorsque, en passant devant une troisième légèrement entrebâillée, un bruit ténu attira mon attention.

Curieuse, je revins sur mes pas et après une seconde d'hésitation, poussai doucement le battant.

— Pars devant, je te rejoins, murmurai-je d'une voix douce à Storm qui m'avait rejointe.

Contrairement à beaucoup d'autres personnes de ma connaissance, il ne posa pas de question et ne chercha pas à savoir ce qu'il se passait, se contentant de m'obéir sans un mot. Une fois certaine d'être seule, je pris une grande inspiration et pénétrai dans la salle de bain où Lyn était en train de pleurer assise par terre, la tête dans les mains.

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