Chapitre 19-1


Les légers doutes qui auraient pu subsister s'évaporèrent aussi vite que notre insouciance momentanée alors que nous pénétrions de nouveau tous les trois dans la cuisine. Lyn, qui n'était pourtant pas encore au courant de nos dernières découvertes, compris qu'il se passait quelque chose car Nicolas et Grant n'eurent même pas le temps d'ouvrir la bouche.

— Dites les filles, vous aimez les œufs au petit déjeuner ? leur demanda-t-elle en laissant tomber son éponge dans l'eau savonneuse.

— Oh oui ! répondirent-elles à l'unisson, accompagnant Lyn jusqu'au frigo.

— Je pense que la vaisselle peut encore attendre un peu, leur dit-elle en leur faisant un clin d'œil. Et les questions aussi, ajouta-t-elle d'un ton un peu moins amène en nous lançant un regard à l'avenant.

Si les filles comprirent ce qu'elle avait voulu insinuer, elles ne le montrèrent pas et continuèrent à suivre Lyn comme son ombre, insistant même pour l'aider avec des cris enthousiastes. C'est ainsi que nous nous retrouvâmes commis de cuisine avant d'avoir eu le temps de comprendre ce qu'il nous arrivait ! Même Grant qui rongeait son frein en passant ses nerfs sur les œufs, les battants avec une telle énergie qu'il n'en resterait bientôt plus beaucoup dans le bol. J'étais en train de terminer la vaisselle et Nicolas mettait la table lorsque Lyn déposa fièrement son omelette gargantuesque sur le dessous de plat artisanal en fer forgé.

— À table ! nous dit-elle avec un grand sourire, invitant les filles à s'installer avant de les servir.

— Oh, ça sent bon ici ! lança la voix de Moïra depuis la porte. Vous croyez qu'il y en aurait pour deux affamés de plus ?

— Sans problème, j'en ai fait pour un régiment, répondit Lyn alors que je retenais de justesse une grimace.

Grant fut moins discret que moi et je vis Moïra hésiter devant la désapprobation évidente du métamorphe. Durant une seconde je crus qu'elle allait se raviser mais, elle redressa la tête, raffermit sa prise sur la main de son fils et s'avança vers la table tête haute, lançant un regard noir à Grant au passage. Comme il n'y avait que six places disponibles autour de la table, les garçons insistèrent pour que nous nous installions avec les enfants et se contentèrent de déguster leurs assiettes, debout, appuyés aux plans de travail. En plus de l'omelette, Lyn avait préparé des toasts, du café et des chocolats chauds pour les enfants. Le jus d'orange avait un gout chimique et sortait d'une brique en carton mais mis à part ça, c'était un vrai festin et durant plusieurs minutes personne de parla, bien trop occupé à savourer.

— C'est délicieux, merci Lyn, baragouina Elijah la bouche pleine avant de se resservir.

— Alors les filles, racontez-nous comment vous vous êtes rencontrées ? demanda-t-elle en me jetant un coup d'œil discret, après avoir remercié le jeune garçon.

— Au centre aéré de la paroisse, répondit Mia, clairement la plus éloquente des deux. Comme nous étions nouveaux ils nous ont assigné des tuteurs pour que nous puissions nous intégrer plus vite et moi je me suis retrouvé avec Abby.

— Tu étais volontaire ? demandai-je à la jeune fille qui me lança un regard étrange par-dessus le bord de son verre de jus d'orange.

Elle ne me répondit pas, continuant à mastiquer son toast.

— C'était il y a combien de temps, votre rencontre ? demanda Nicolas, un mug de café fumant à la main.

— Nous avons emménagé il y a un peu moins de deux mois, répondit Moïra à leur place, d'un ton montrant clairement qu'elle n'appréciait pas trop cet interrogatoire.

— Deux mois ? Je croyais que tu ne te rappelais de rien depuis la seconde révélation, continua Nicolas d'un ton plus sec en fixant Abby dans les yeux.

La jeune fille soutint le regard de Nicolas quelques secondes avant de baisser les yeux vers le plateau de bois de la table. Mais l'éclair doré qui avait brièvement traversé ses iris n'avait échappé à personne, même pas à Moïra qui se leva, repoussant sa chaise si violemment que celle-ci tomba à la renverse dans un fracas assourdissant. A peine un battement de cœur plus tard, Abby se propulsait de sa chaise en une impulsion fluide et ultra rapide. Mais Grant, qui avait anticipé, se trouvait déjà derrière sa chaise et la ceintura, lui bloquant les bras contre le corps. Le couteau qu'elle tenait tomba au sol dans un tintement métallique, assourdissant dans le soudain silence saturant la pièce.

— C'est toi ?! C'est de ta faute ! C'est toi qui as contaminé ma fille ! se mit à brailler Moïra en reculant vers la porte, son fils plaqué derrière elle.

— Moïra, calmez-vous ! tenta de la raisonner Nicolas, alors qu'un grondement inhumain sortait soudain de la bouche d'Abby.

Se ramassant sur elle-même, elle se défit de l'étreinte de Grant sans effort apparent. Debout, les jambes à demi-fléchies elle nous fixait de son regard à présent totalement ambré, un grondement sourd s'échappant toujours de ses lèvres à demi-closes.

— Moira calmez-vous et que personne ne bouge, nous ordonna Grant d'une voix sourde tandis qu'il se relevait avec une lenteur délibérée.

Abby sursauta et les yeux fixés sur Grant, se mit à reculer vers le mur opposé.

— Je ne te ferais aucun mal, lui dit-il d'une voix douce. Je voulais juste éviter que tu te blesses, ajouta-t-il sans bouger, ses deux mains placées devant lui en un geste apaisant.

Je sentis son pouvoir se répandre lentement dans la cuisine. Dirigé spécifiquement vers Abby, je pus presque visualiser le chemin des ondes apaisantes qu'il dirigeait vers la jeune fille.

— Qu'est-ce que vous faite ? Qu'est-ce qu'il se passe ? intervint de nouveau Moira en recommençant à reculer en direction approximative de la porte. Mia, vient là. Ne reste pas près de ce...

— ... de ce quoi, Moira ? susurra Grant d'une voix toute sauf amicale le regard toujours braqué sur Abby qui avait recommencé à s'agiter. C'est vous qui avait insisté pour qu'Abby remonte avec nous et maintenant vous l'accusez de quoi au juste ?

— Je croyais qu'elle était humaine.

— Vous avez quand même bien conscience que dans cette pièce, les seuls humains ce sont vous et votre fils ? Vous le saviez avant de venir ici ? Nicolas m'a dit que cela ne vous posait pas de problème et que nous pouvions vous faire confiance.

— Bien sûr, bredouilla la pauvre mère apeurée. Je vous fais confiance à tous mais... je connais Abby et... c'est toi qui a attaqué Mia ? demanda-t-elle à la jeune fille d'une voix tremblante mais douce.

Cette dernière sursauta de nouveau et la panique envahit ses yeux dévorés d'ambre. Complètement paniquée, elle cherchait une issue des yeux tout en continuant à reculer.

— Moira, fermez-là ! rugit Grant, ce n'est qu'une jeune fille paniquée et je suis certain qu'elle n'est pour rien dans la transformation de votre fille.

— Il a raison, maman. Je ne sais pas exactement ce qu'il m'est arrivé, mais Abby ne m'a jamais attaqué. En fait, nous ne nous sommes vues que deux fois. Nous étions juste contentes de nous retrouver ici où nous ne connaissions personne.

A l'entente de la voix de son amie, Abby devint moins agitée. Elle était toujours inquiète et sur le qui-vive mais la panique avait recédé et l'ambre s'atténuait laissant réapparaître la couleur noisette de ses pupilles.

— Mia ? Voudrais-tu t'approcher d'Abby s'il te plait ? lui demanda Nicolas d'une voix lente et prudente.

Il fit taire Moira, qui s'apprêtait de nouveau à ouvrir la bouche, d'un geste sec de la main et d'un regard noir. La jeune fille n'hésita pas une seconde et c'est avec un grand sourire et une démarche naturelle qu'elle s'approcha d'Abby et lui saisit la main. A l'instant où leurs peaux se touchèrent, la peur et l'agressivité d'Abby glissèrent d'elle comme de l'eau sur les plumes d'un canard, et nous retrouvâmes la jeune fille timide et réservée qui partageait le petit déjeuner avec nous quelques minutes plus tôt. Doucement Mia reconduisit Abby jusqu'à la table où elle se réinstallèrent à leurs places.

— ça alors ! souffla Lyn surprise en se rasseyant à son tour.

En fait, nous nous étions toutes levées, même si je n'en gardais aucun souvenir. Avec des gestes lents et mesurés les autres se rapprochèrent de la table, même Moira qui ne semblait plus vouloir fuir.

— C'est un pouvoir intéressant que tu as là, Mia, lui dit gentiment Grant. Ça ne fonctionne que si tu es près des gens ?

— Je ne sais pas, répondit la jeune fille d'une voix prudente. Je n'ai pas vraiment l'impression de faire quelque chose.

— Abby, comment te sens-tu ?

— Bien, répondit-elle à Grant comme si rien ne venait de se passer.

— Tu ne te souviens de rien ? je me trompe ? lui demanda Nicolas d'une voix sinistre et résignée.

— Me rappeler de quoi ? Nous étions en train de prendre le petit déjeuner. C'est tout, non ?

Des regards inquiets et entendu s'échangèrent en silence autour de la table pendant que la pauvre Abby nous regardait, complètement perdue.

— Quand on s'est rencontré, tu m'as dit que tu n'avais aucun souvenir depuis la seconde révélation, tu te souviens ?

— Oui, répondit-elle en hochant la tête.

— Alors comment se fait-il que Mia dise t'avoir rencontré au centre il y a deux mois ? Tu dois t'en souvenir puisque tu l'as reconnu.

L'énergie surnaturelle et la peur resurgirent aussitôt et je cru que nous étions repartis pour un nouveau round quand Mia posa sa deuxième main sous celle d'Abby, emprisonnant sa paume entre ses doigts. Le calme se répandit aussitôt sur les traits de la jeune louve et elle poussa un long soupir tremblotant.

— Je... je ne sais pas. Je ne vous ai pas menti, je vous le promets, paniqua-t-elle d'une voix hachée. Avant de revoir Mia, je n'avais aucun souvenir d'elle et même maintenant, je ne me souviens plus de notre rencontre. 

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Hello, 

Désolée pour le retard mais chez nous ce sont les vacances scolaires, donc période un peu compliquée pour la concentration !!^o^!! Très bon week-end et à très vite sur la suite ^.^

Kissssss <3 <3 <3


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