Chapitre 16-1


Dans un retourné acrobatique, que j'exécutai sans même réfléchir, j'atterris sur mes deux pieds à quelques centimètres du mur. Sonnée mais pas autant que Nicolas, qui s'était prit le plus gros de la charge. Il reprenait ses esprits en secouant légèrement la tête, debout contre la porte pendant que Cooper se relevait doucement, envoyant valser les cartons désormais vides qui lui étaient retombés dessus. Je cherchai Allistaire et Moïra des yeux et vis que cette dernière essayait de s'extirper du canapé renversé avec lequel elle avait basculé. Je m'empressai de la rejoindre pour l'aider et dû attendre quelques secondes que la pièce cesse de tanguer.

— Vous allez bien ? lui demandai-je, plus pour la forme qu'autre chose, en tendant la main à la jeune femme.

Elle me répondit d'un petit signe de tête, me fixant de ses grands yeux écarquillés. Je l'aidai à se remettre debout avant de redresser le canapé, sans effort apparent. Cela devait paraître impressionnant mais en vérité, il était plus encombrant que lourd.

— Qu'est- ce... qu'est-ce que c'était ? demanda Moïra toute tremblante, en se rasseyant sur le canapé du bout des fesses.

— ça, c'était la démonstration en live d'un non-humain qui ne maîtrise pas ses pouvoirs, répondit Nicolas d'une voix grondante en s'avançant vers Allistaire, toujours prostré au pied du mur opposé.

Contrairement à Nicolas et à moi, il avait percuté le mur avec une telle violence qu'il avait fait un trou dans le placo décoratif recouvrant le mur de béton originel. Il avait les yeux ouverts mais gisait toujours sur le sol, groggy et recouvert de poussière de plâtre. Nicolas tendit la main vers lui pour l'aider à se relever mais il réagit comme s'il venait de subir un électrochoc. Il reprit ses esprits et se redressa en essayant de s'éloigner de Nicolas, ses pieds pédalant sur le sol.

— Maintenant que je sais à quoi m'attendre, tu peux prendre ma main sans risque, l'informa Nicolas sans se départir de sa mine sévère et soucieuse.

Allistaire dédaigna la main tendue, toujours méfiant malgré les propos de Nicolas et entreprit de se relever tout seul.

— Tu t'es déjà transformé ? lui demanda Nicolas en remettant en place le second canapé.

— Oui. A la pleine lune, je n'ai pas eu le choix.

— Tu sais en quel animal s'était ?

— En loup, évidemment, répondit-il dans un souffle agacé.

— Quelqu'un t'a vu te transformer ? Il peut le confirmer ?

— Non personne ne m'a vu, c'était trop dangereux. Quand j'ai senti que je ne pourrais pas retenir beaucoup plus longtemps la nouvelle force qui était en moi, je me suis enfui dans la forêt. Mais pourquoi me posez-vous toutes ces questions ?

— Alors comment peux-tu être certain de la forme que tu as revêtue ? continua de l'interroger Nicolas, sans tenir compte de la question du jeune homme.

— Je ne peux pas l'expliquer, je le sais c'est tout. Je vous le redemande, pourquoi toutes ces questions ?

— Parce que je ne sais pas ce que tu es exactement, mais je sais en revanche ce que tu n'es pas. Et tu n'es pas un loup-garou. Pas à cent pour cent, en tout cas.

— Ce n'est pas possible ! intervint Cooper, s'arrêtant momentanément de ranger les fournitures médicales dans les cartons. J'ai vu les morsures et les griffures et j'étais là quand la transformation s'est amorcée, je l'ai senti.

— Je ne dis pas qu'il n'a pas été attaqué. Je dis juste que ce n'est pas un loup-garou. Souvenez-vous, j'ai touché son pouvoir. Un jeune loup-garou, même destiné à être un Alpha, ne pourrait pas être si fort aussi rapidement.

— Regarde Storm ! intervint de nouveau Cooper.

— C'est différent. Storm est puissant et naturellement dominant, mais il n'a pas de pouvoir qui lui soit propre. Quasiment aucun loup-garou n'en a. Nous sommes déjà des êtres magiques par essence. Nous acquérons juste plus de maîtrise et de pouvoir avec l'âge mais c'est tout. Là, ce que j'ai senti, c'était une flambée de pouvoir métamorphe.

— Ce que tu dis est impossible ! s'exclama Cooper. On nait métamorphe, on ne le devient pas, expliqua-t-il à l'intention de Moïra, qui nous fixait, l'air complètement larguée.

— Qu'est-ce que cela veut dire dans ce cas ? Et pourquoi Mia a dit qu'Allistaire était un loup-garou comme vous ?

Nicolas me regarda et je vis du découragement et une pointe de peur traverser ses prunelles.

— Parce que Mia aussi à un don. Celui de percevoir la vraie nature des personnes qu'elle rencontre. Avec le temps elle sera très certainement télépathe. Mais quoi qu'il lui soit arrivé et même si c'est physiologiquement impossible, Mia est à présent une métamorphe. Car les lions-garous, ça n'existe pas.

— Dis plutôt que ça n'existait pas, commenta Cooper d'un ton sinistre. Il semblerait que ce ne soit plus le cas.

— Tu penses à des manipulations génétiques ?

— Quoi d'autres ?! Ils étudiaient les métamorphes dans le fameux labo qui a été démantelé juste après la grande révélation. Ils étaient même parvenus à créer des mutants. Alors un virus capable de transmettre des gênes de métamorphes... ce n'est pas si dingue que ça.

— Mais pourquoi des loups-garous chercheraient à créer encore plus de métamorphes, ils vous détestent ! intervins-je pour la première fois.

— ça c'est une sacrément bonne question, dit Cooper. C'est peut-être une erreur ? Ou...

Il s'interrompit brusquement dans un sursaut avant de plonger sa main dans la poche de sa blouse, y repêchant son portable.

— Tu regardes tes messages de temps en temps ? demanda-t-il à Nicolas.

— Merde, j'ai plus de batterie, pesta-t-il en sortant l'appareil inerte de sa poche. Que se passe-t-il ?

— Shane m'écrit que la base est compromise. Ils ne l'ont pas encore trouvé mais plusieurs véhicules suspects rodent aux alentours.

— Merde ! Dis-leurs de partir tout de suite, par les bois. Ce sont des sorciers, ils ont dû repérer l'aura du sort de protection. Il leur faudra un peu de temps pour le percer, mais ils y arriveront.

— Il me demande ce qu'ils doivent faire de la gamine et où ils doivent aller ? relaya Cooper qui textait plus vite que son ombre.

— Qu'ils la prennent avec eux, mais si elle leur fait courir trop de risques, qu'il la laisse partir. Dis-leur de nous rejoindre ici en prenant bien garde de ne pas être suivi. Je vais essayer de nous trouver un autre point de chute dans l'intervalle. Tu peux me passer ton téléphone ?

— Nous avons fait installer une ligne fixe intraçable dans l'infirmerie, si vous voulez ? dit Greta en entrant dans la pièce.

Elijah et Mia la suivait, un cornet de glace dans les mains.

— Ils avaient besoin d'un peu de réconfort, expliqua-t-elle avec un petit sourire tandis que Nicolas sortait téléphoner.

Les deux enfants rejoignirent leur mère qui les serra aussitôt contre elle comme si elle avait eu peur de ne jamais les revoir. Un silence étrange s'installa. Après toutes les révélations et les questions perturbantes qui restaient en suspens, c'était un peu comme si les mots étaient superflus. Lorsque Nicolas revint, son visage fermé me fit comprendre que les nouvelles n'étaient pas bonnes.

— Comment vont Ethan et Cat ? demanda-t-il aussitôt à Cooper.

— Cat va se remettre. Elle est déjà en train de récupérer. Elle sera totalement sur pieds dans quelques heures. Ethan à survécu au choc et à l'opération. Normalement il devrait se rétablir mais cela prendra plus de quelques heures.

— Il est transportable ?

— Non. Pas avant plusieurs jours, au moins et sur une courte distance. Pourquoi ?

— Nous devons partir... mais loin. Quitter l'état le temps de comprendre ce qu'il se passe exactement. On ne peut pas risquer d'amener une confrérie de sorciers noirs aux portes des communautés métamorphes de la région. Nous devons nous éloigner.

— Et tu as un lieu en tête ?

— Non, mais Waahana est sur le coup.

La grimace éloquente de Cooper faillit me faire sourire, même si j'étais trop déboussolée et inquiète pour me réjouir de quoi que ce soit.

— Chouette, encore un taudis glacial et sans eau courante à l'horizon ! plaisanta-t-il pour nous faire sourire. Mais comment comptes-tu partir d'ici ? On a plus de voiture.

— Nous on en a une, intervint Moïra d'un ton ferme et décidé qui me surpris.

— Moi aussi, ajouta Allistaire.

Nicolas et Cooper ouvrirent la bouche en même temps pour parler, car tout comme moi ils avaient très bien compris où ils voulaient en venir.

— Pas la peine de discuter, on vient avec vous ! affirma Allistaire d'un ton sans réplique. Nous n'avons nulle part où aller et nous avons autant besoin de réponse que vous.

— Quelles réponses pourriez-vous nous apporter ? demanda Cooper avec justesse.

— Vous ne m'avez pas demandé comment j'ai rencontré Moïra ? Je pourrais vous être d'une aide précieuse, affirma Allistaire qui avait retrouvé son flegme décontracté. J'ai infiltré Libertés Nouvelles. 

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