Chapitre 15-2
Le regard que me lança Nicolas était aussi éloquent qu'un cri. L.N comme Lupus Nostrum, cela ne pouvait pas être une coïncidence. Cette étrange correspondance ne m'avait pourtant pas sauté aux yeux la première fois où j'avais entendu ce nom.
— Vous n'avez rien relevé d'étrange dans cette église ? demanda Nicolas en reportant brusquement son attention sur l'homme silencieux.
Exactement dans la même position que lorsque nous étions arrivés, il n'avait pas bougé d'un iota. En apparence décontracté, un léger sourire flottant sur ses lèvres, il se contentait de nous fixer.
— Pas jusqu'à ce que Mia tombe malade. Tout le monde était accueillant et charmant. Quasiment que des familles avec enfants, tout ce qu'il y a de plus normale. Cela m'avait paru un peu bizarre au début, puis je me suis dit que dans un quartier pavillonnaire comme le nôtre, cela n'avait rien d'inhabituel.
— Qu'est-ce qui a changé quand Mia est tombée malade ? lui demandai-je doucement pour éviter qu'elle ne se perdre trop dans ses souvenirs.
— Le chef de notre congrégation, Akyr, venait me voir tous les jours pour prendre des nouvelles. Au début j'ai trouvé ça très prévenant et vraiment très gentil. Il me proposait d'aller faire les courses, ce genre de choses, pour que je puisse rester au chevet de Mia. Puis il a fini par devenir de plus en plus envahissant.
— Envahissant dans quel sens ? demanda Nicolas à son tour, ayant comme moi envie d'aller à l'essentiel.
La voix de Nicolas la fit frissonner et elle prit une inspiration tremblante tout en se tordant les mains. Elle était stressée et effrayée et se perdre dans les détails de son histoire était sa façon à elle de canaliser sa peur et d'ordonner ses souvenirs, compris-je en croisant son regard désorienté.
— Racontez à votre rythme Moïra, il n'y a pas d'urgence, lui dis-je d'une voix que j'espérais douce et compréhensive.
— Il a commencé par me proposer d'aller chercher Elijah à l'école. Au début j'ai dit oui, cela me permettait de rester avec Mia et je ne voyais pas où était le mal. Puis Elijah m'a dit qu'il se sentait mal à l'aise avec lui. Qu'il lui posait toujours les mêmes questions et lui proposait constamment de l'emmener au centre pour voir ses copains ou à l'église pour prier pour sa sœur.
Elle s'arrêta pour prendre l'un des mugs disposés sur la table basse et boire une gorgée de son contenu. Des dizaines de questions me brulaient les lèvres et je sentais que Nicolas aussi rongeait son frein, pourtant nous parvînmes à attendre stoïquement qu'elle reprenne son récit.
— J'ai tout de suite pensé au pire et que ce salaud était un pédophile, mais j'ai compris que ce n'était pas ça quand il a proposé de garder Mia pendant que j'allais chercher Elijah. Lorsque j'ai refusé et dit que l'on avait plus besoin de son aide, il n'a curieusement pas insisté. Mais le lendemain, j'avais deux mamans très serviables de l'église devant ma porte. Et... je ne sais pas... ça plus les yeux étranges de Mia, j'ai compris que quelque chose n'allait pas et que cela avait sûrement un rapport avec ses gens. J'avais peur, hormis eux je ne connaissais personne et je ne savais pas quoi faire. Je me suis barricadée chez moi, priant pour que son état s'améliore et qu'ils me laissent enfin tranquille et c'est là...
— ... que je suis arrivé.
La voix de baryton légèrement rauque qui s'éleva du deuxième canapé nous surpris tellement que nous sursautâmes. Comme ça Monsieur blondinet mystérieux avait retrouver sa langue ! Et c'était lui qui les avait conduits jusqu'ici apparemment. Intéressant, même si je n'avais toujours aucune idée de qui était ce mec.
— Et vous êtes ? demanda Nicolas d'un ton glacial.
— Lorcan Allistaire, mais tout le monde m'appelle Allistaire, lui répondit-il sans se départir de son sourire. Tout d'abord j'ai une question qui me brûle les lèvres depuis tout à l'heure, Cooper est ici ? J'ai senti son odeur sur vous.
La porte s'ouvrit dans notre dos avant que nous n'ayons pu réagir.
— Allistaire, c'est toi ? s'exclama Cooper. Je te croyais mort, mec, ajouta-t-il d'une voix légèrement tremblante.
Le dénommé Allistaire se leva enfin de son canapé et rejoignit Cooper en quelques enjambées avant de l'attirer à lui, malgré sa surblouse chirurgicale couverte de tâches de sang, dans une étreinte d'ours toute masculine. Le soulagement et la joie de leurs retrouvailles étaient palpables, pourtant nous n'avions jamais entendu parler de lui.
— Tu nous expliques ? lui demanda Nicolas, une lueur jaune dans le regard.
— Que la première partie de l'histoire, car après les attaques il a disparu et je le croyais mort. Vous savez qui est Hannah Moore ?
— Bien sûr ! m'exclamai-je à mon tour, son père s'amusait à parler dans ma tête, ajoutai-je avec une grimace.
— Et bien pendant les attaques, elle et l'inspecteur Worth sont venus à l'hôpital où je travaillais. Ils ont tout de suite compris ce que je n'étais pas et en ont vite déduit la vérité.
— Quel rapport avec notre ami ?
— J'étais l'un des inspecteurs sous les ordres de Worth et je me suis fait mordre cette nuit-là.
— Alors vous êtes vraiment un loup-garou ?
Allistaire acquiesça, ajoutant une grimace éloquente qui découvrit ses dents.
— Pourquoi, dans ce cas, vous perçois-je comme un humain ?
— Sans compter qu'il devrait être un de tes descendants indirecte, ajoutai-je cherchant à mon tour à percevoir cette aura légèrement électrique propre aux loup-garou.
— Non, il n'est pas l'un des miens, affirma Nicolas sans l'ombre d'un doute en se levant de sa chaise.
Allistaire, tout de suite sur la défensive, recula aussitôt jusqu'au canapé. Quelques bribes de pouvoirs fuitèrent de son aura, mais tellement ténu que je cru presque les avoir imaginées. Néanmoins cela suffit. C'était bien un loup-garou et puissant avec ça. Ce qui ne cadrait pas du tout avec son âge. Car il était jeune, très jeune, ce qui confirmait l'histoire de Cooper mais faisait paraître mon ressenti encore plus étrange.
— Pas de panique, essaya aussitôt de le calmer Nicolas, mains en avant devant lui. Si vous le permettez, je voudrais juste tester votre aura, rien de plus.
— Et ça consiste en quoi ? demanda le jeune homme d'un ton méfiant.
— Juste me permettre de vous approcher. Une poignée de main ce serait parfait.
— C'est tout ? s'étonna-t-il en se détendant légèrement.
— C'est un geste anodin mais lourd de symbole et cela permettaient aussi à deux loups-garous étrangers de tester leurs pouvoirs respectifs sans éveiller les questions ou les soupçons des humains.
— Bon, d'accord alors, pas de problème.
— Vous n'appartenez pas à une meute ? lui demanda Nicolas en lui tendant sa main.
— Non. Vu les circonstances de mon... changement, j'ai préféré jouer profil bas.
— Pourquoi ne pas avoir contacter Cooper ou Hannah ? Elle aurait pu vous aiguiller jusqu'à nous.
— Car je n'avais aucun moyen des les joindre, tout simplement, répondit-il avec un petit rire amer en saisissant la main tendue de Nicolas.
Le pouvoir flamboya soudain entre les deux hommes. Épais et vibrant, il ressemblait à un vent lourd et chaud charriant une pluie qui ne tarderait pas à nous engloutir. Le pouvoir de Nicolas se contracta, cherchant à tester l'aura de son adversaire. C'était une approche prudente, non invasive, un peu comme une accolade. Pourtant le pouvoir d'Allistaire répondit démesurément, explosant comme une bombe invisible, nous envoyant tous valser aux quatre coins de la pièce.
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