Chapitre 13-2
L'air piquant du crépuscule s'infiltra aussitôt par la vitre béante lorsque Cooper accéléra encore, louvoyant sur la bande d'asphalte traversant la forêt. Plus aucune balle ne sifflait à nos oreilles, pourtant nous retenions toujours notre souffle, une tension à couper au couteau saturant la voiture.
J'entendis le crissement des pneus et le rugissement d'un moteur juste avant que Cooper ne pile brusquement au détour d'un virage. Projetée en avant, ma tête alla cogner contre l'arrière du siège passager, assez fort pour m'étourdir quelques secondes et sentir un liquide chaud et visqueux couler le long de ma joue. Je me redressai assez pour apercevoir le mini-van posté en travers de la route, flanqué de deux silhouettes armées qui nous mirent en joue aussitôt.
Cooper était au point mort, les mains crispées sur le volant et les yeux rivés au rétroviseur central, dans lequel un point sombre grandissait à toute allure. Si nous ne faisions rien, nous allions être prit en tenailles dans quelques secondes.
— On fait quoi ? On fonce dans le tas ? demanda Cooper d'une voix aussi crispée que sa mâchoire. S'ils voulaient seulement nous tuer, ils auraient déjà tiré, non ?
— Oui, fonce ! lui ordonna Nicolas. Mais quand je te le dirais braque à gauche, ajouta-t-il alors que la brusque accélération nous plaquait momentanément à nos sièges.
L'ordre de Nicolas claqua à l'instant où le premier coup de feu retentit. La balle atteint la carrosserie dans un bruit sourd, tandis qu'il ripostait avec une arme sortie de nulle-part, depuis la vitre explosée. La voiture s'engagea en cahotant et dans un grincement d'essieux sur la piste forestière qui s'ouvrait devant nous et que personne hormis Nicolas n'avaient remarqué jusque-là. Les hommes du mini-van nous suivirent continuant à nous canarder sans retenu. Le bruit des impacts résonnait dans l'habitacle comme autant de coups funestes, faisant trembler la tôle et exploser les vitres restantes.
— Baissez-vous ! nous ordonna Nicolas en se positionnant entre les deux sièges avant.
Genoux calés contre les flancs des deux fauteuils pour se stabiliser sans utiliser son bras blessé, il leva son bras droit et tira. Les détonations m'explosèrent les tympans, me tournant la tête et faisant siffler mes oreilles. Lorsque je repris mes esprits et recouvrais partiellement l'audition, Nicolas s'était rassit et nous roulions toujours au milieu des arbres.
— Dis-moi que ce chemin pourri mène quelque part ? implora Cooper d'une voix crispée alors que les ténèbres descendaient sur nous, voilant le jour et nimbant les arbres d'un halo terne et sinistre.
— Je l'espère autant que toi, se contenta de lui répondre Nicolas d'une voix lasse, le regard braqué sur les ombres silencieuses de la forêt.
Nous roulions tous phares éteints et malgré notre vue surdéveloppée tout commençait à se confondre. A tel point, que Cooper dû se résoudre à allumer les phares. Nous avions déjà tourné une fois à droite et une fois à gauche, suivant le tracé sinueux de la route sans croiser rien de plus dangereux qu'un cerf, entraperçut de loin. La tension commençait lentement à décroitre lorsqu'une lumière vive nous éclaira soudain par l'arrière.
— Merde ! Ils ont réussi à nous suivre, jura Cooper en accélérant.
Mais à part faire rugir le moteur, cela ne nous fit pas avancer plus vite. La berline de taille modeste dans laquelle nous nous trouvions n'était pas de la première jeunesse et n'avait pas été conçu pour la course, ni pour crapahuter dans les bois. Son moteur poussif peinait et ses roues avaient du mal à passer de simples racines. Nos poursuivant, quant à eux, gagnaient du terrain à une vitesse folle, leur 4x4 dernier cri n'ayant visiblement aucune difficulté à arpenter ce type de chemin.
— Éteint les phares et dès que tu peux, planque la voiture entre les arbres, ordonna Nicolas d'une voix sourde.
— Qu'est-ce que tu as en tête ? demanda Cooper en coupant les lumières.
Aussitôt, nos poursuivants nous imitèrent, faisant naitre un léger sourire sur le visage de Nicolas, visible à la faible lueur du tableau de bord.
— Je doute que ce soit Juan et sa clique qui nous suivent. Donc, avec un peu de chance, ce ne seront ni des métamorphes, ni des loups-garous, ce qui nous laissera l'avantage du terrain. De toute manière, dans cette guimbarde, nous ne pourront jamais les distancer,
Cooper arrêta le moteur qui émit un crachotement inquiétant, alors que la voiture s'immobilisait dans un cahot.
— De toute manière, elle ne serait pas aller beaucoup plus loin, ajouta-t-il dans un murmure léger tandis qu'il ouvrait sa portière avec mille précautions.
— Qu'est-ce qu'on fait d'elle ? Elle n'a toujours pas repris conscience. On ne peut pas l'abandonner.
— Je vais la porter, me répondit Storm en sortant à son tour.
— Non, confiez-là à Cooper, je vais avoir besoin de vous, lui dit Nicolas et de toi aussi, ajouta-t-il en se tournant vers moi. Je ne compte pas leur échapper, mais les prendre à revers et leur piquer leur voiture.
Une vague de fierté et d'anticipation ravie me traversa, vite tempéré par la raison et une appréhension sourde. De nouveau, mes facettes humaine et louve se télescopaient dans mon esprit. Pourtant dans notre situation, il n'y avait pas de place pour le doute et l'hésitation.
— Et moi, je suis censé me planquer avec notre invitée surprise ? Vous ne me faites pas confiance ? dit Cooper dans un chuchotement agressif et blessé.
— Tu sais très bien que si, justement ! lui répondit aussitôt Nicolas, la main sur la poignée de la portière. Tu es notre médecin, nous avons besoin de toi pour soigner, pas pour tuer. N'importe qui peut devenir un tueur... c'est ce que tu veux ?
Cooper ne répondit rien et s'extirpa de l'habitacle en silence, rejoignant Storm à l'arrière comme une ombre. Nous sortîmes à notre tour, notre échange n'ayant pas duré plus d'une petite poignée de minutes. A l'extérieur, le silence était total, preuve s'il en fallait, que nous n'étions pas seuls. Sans un bruit et armes à la main, nous nous faufilâmes entre les arbres. Mes sens déployés au maximum, je cherchai à déterminer où se trouvaient nos adversaires, mais aucun son ne troublait le silence. Pas même le bruit de mon souffle, ni de mes propres pas, me rendis-je compte soudain. Un sort bloquait nos perceptions !
Aussitôt, je grimpai au tronc d'un jeune chêne et montai aussi haut que la solidité de ses branches me le permirent. Une fois en hauteur, je repérai Storm, perché dans un autre arbre à une centaine de mètres de moi. Il m'aperçut et me fit aussitôt signe de regarder au pied de son arbre. Une poche d'ombre, plus dense que les autres et qui avait vaguement la forme d'un homme se découpait dans les fougères.
Sans un bruit, il se laissa glisser à bas du tronc, poignard à la main, puis avança à pas feutré vers l'ombre prostrée. Dès qu'il la toucha, l'illusion se dissipa et la silhouette indistincte se mua en homme vêtu d'un jean et d'un sweat. Le sorcier réagit aussitôt, mais pas assez vite. Il avait encore la main à trente centimètres de son arme lorsque la lame de Storm glissa sur sa gorge.
Les sons revinrent à l'instant où le corps sans vie toucha le sol. Un grondement de rage et de douleur traversa la forêt me glaçant jusqu'aux os. Sans réfléchir je me ruai dans la direction du cri, imité par Storm. Nous arrivâmes dans une sorte de clairières à quelques centaines de mètres de l'endroit où nous avions dissimulé la voiture. La leur, se trouvait là, toutes portières ouvertes, Nicolas à moitié couché sur le capot, les bras écartés. Personne ne le tenait, mais il ne semblait pas libre de ses mouvements, tandis que des entailles sanguinolentes s'ouvraient lentement sur son torse. J'allai me précipiter à son aide, lorsque Storm m'arrêta, sa main enserrant mon poignet. Il me montra les deux cadavres qui gisaient non loin de l'habitacle. L'un avait la gorge tranchée et l'autre un poignard fiché en plein cœur. L'œuvre de Nicolas à n'en pas douter.
— Il doit en rester deux, pus-je lire sur ses lèvres bien qu'aucun son ne les franchisse.
Il me fit signe de prendre sur la droite, pendant qu'il se dirigeait sur la gauche. Nous nous fondîmes dans les ombres et je dus rassembler toute ma volonté pour ne pas réagir aux souffrances de Nicolas. Je sentis les sorciers avant de les voir. Leurs auras corrompues projetaient leurs miames nauséabonds des mètres à la ronde. Planqués dans une cuvette naturelles derrière un vieux chêne, dissimulés par des fougères et des buissons épineux, ils se croyaient certainement à l'abri car ils ne prenaient même pas la peine de chuchoter. L'un psalmodiait, un rictus sadique aux lèvres, tandis que l'autre le regardait, visiblement agacé.
— Tulius, arrête de jouer avec lui. Nous avons ordre de le ramener vivant.
— Ses cris vont rameuter les autres, j'espère que tu es prêt ?
— Ils sont deux fois plus nombreux que nous, nous avons deux métamorphes et le loup-garou qu'il voulait, barrons-nous d'ici !
— Tu n'es qu'un...
Le dénommé Tulius ne finit jamais sa phrase. Mon corps avait agi avant même que mon cerveau n'enregistre mon mouvement. Je bondis dans la cuvette, alors que Tulius s'étouffait dans son propre sang, mon poignard planté dans la gorge. Son comparse n'eut même pas le temps de crier avant que mes griffes ne se plante dans sa poitrine, atteignant son cœur du premier coup.
— Tu aurais dû écouter ton pote, murmurai-je à Tulius alors qu'il poussait son dernier soupir et que je récupérai mon arme.
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Comme j'ai un cerveau de bulot, j'ai oublié un personnage dans le chapitre précèdent ='D Certains d'entre vous s'en sont sans doute rendu compte ;-) J'ai donc remédier à cela en rajoutant un petit peu de texte dans ledit chapitre ^.^ Bonne lecture et j'espère que l'histoire vous plait toujours autant ? :-)
Des bisous <3 <3 <3
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