Chapitre 11-1
Un frisson désagréable me traversa le corps et un horrible poids me plomba l'estomac tandis que je lisais les mots se répandant comme du poison dans mon esprit. Même s'il ne venait pas de son portable, ce message ne pouvait venir que de Nicolas. Mais sans numéro attitré ni signature, je ne pouvais pas en être certaine. Il y a quelques heures encore, il m'aurait suffi de sonder nos liens de meute pour comprendre instantanément qu'il y avait un problème. Mais hormis l'inquiétude de Storm, la concentration de Cooper et le calme de Shane, qui devait dormir, je ne captais rien de Nicolas.
— ... ça ne te rappel pas la secte dont Thomas et Lyn avaient parlé ? Rose ?! Tu es avec nous ?
La voix de Cooper me sortie de mon hébétude momentanée. Figée le portable à la main et le regard fixant l'écran sans le voir, je n'avais pas bougé d'un iota.
— Rose, quel est le problème ? me demanda la voix sourde de Storm, tandis qu'il se penchait vers moi et m'arrachait en douceur le téléphone des mains.
— Il n'y a pas moyen d'être certain de qui vient le message ? demandai-je d'une voix blanche, tandis que ma combativité reprenait lentement le dessus.
— Non, c'est justement le principe des téléphones intraçable, bougonna-t-il en lisant le message d'un air concentré. Mais je suis presque certain que ce n'est pas Nicolas. Déjà il ne t'aurait pas inquiété de la sorte et il t'aurait contacté avec son propre téléphone, je sais qu'il l'avait pris avec lui.
Le poids s'allégea légèrement dans le creux de mon estomac, mais l'angoisse sourde demeura.
— S'il a son portable avec lui, contacte-le ? intervint Cooper en me jetant un coup d'œil inquiet dans le rétroviseur. Envois-lui un message, comme ça on sera fixés.
— On ne doit se contacter qu'en cas d'urgence. Je ne voudrais pas le déconcentrer au mauvais moment où le faire repérer bêtement.
— Nicolas est un pro, il n'est pas assez crétin pour avoir laisser la sonnerie de son téléphone allumée ! Tu peux y aller sans risque. Et à mon sens, c'est une urgence... je le sens pas ce message, ajouta-t-il à voix basse, l'inquiétude se reflétant dans ses prunelles assombries.
— Vu que, d'après Storm, il a emporté son propre téléphone, vous ne pensez pas qu'il aurait utilisé pour joindre Rose ? demanda Jenny d'une petite voix. Pourquoi utiliser l'un des portables jetables ?
— C'est bien pour ça que je pense que c'est un piège, renchéri Cooper tandis qu'il accélérait pour rejoindre la voie rapide.
— Si c'est le cas, cela veut dire que l'un des nôtres est dans le coup, commenta funestement Storm. Car comment aurait-il pu deviner qu'il n'avait pas dit à Rose qu'il prenait son propre téléphone ?
— J'ai bien une autre idée en tête...
— Non ! coupai-je Cooper dans un grondement rauque. Il n'a pas résisté six mois à la torture d'Ivory et de Kane, pour craquer au bout d'une heure aux mains d'un groupe de métamorphes rebelles.
— Désolée de te dire ça mais... ça dépend qui ils ont menacé...
— Non ! Je suis d'accord avec Rose. Quoi qu'il se passe, Nicolas n'aurait pas céder. Tu ne viens pas de rater la sortie, là ?
— Je nous rapproche de chez Aaron. Par l'autoroute c'est plus rapide et plus discret. Nicolas t'a répondu ?
La question de Cooper me ramena au présent et je m'empressai de taper un texte court et concis.
« Tout va bien ? Tu as retrouvé nos amis, comme convenu ?
W. »
Tandis que nous roulions, accompagnés uniquement par le bruit de la pluie sur la carrosserie, le ronronnement du moteur et le chuintement des roues sur l'asphalte mouillé, je fixai l'écran noir sans parvenir à en détacher mes yeux. Mais les secondes, puis les minutes s'égrenèrent, interminable, sans qu'aucune réponse ne me parvienne.
— Vu ton silence, j'en déduis que non ? finit par chuchoter Cooper dans un soupir inquiet.
— Après ça ne veut rien dire, temporisa Jenny. On peut ne pas répondre au téléphone pour tout un tas de raison et pas forcément funestes.
— En temps normal, oui. Mais tu vois quelque chose de normal dans notre vie ou dans notre situation actuelle ? s'énerva Cooper en donnant un coup sur le volant.
Même si Cooper faisait maintenant partie de ma meute, je n'étais et ne serais jamais si proche de lui que de Nicolas. Pourtant, à cet instant, je partageai brièvement sa colère, sa peur et son angoisse. Sa crainte que la situation ne s'arrange jamais le minait profondément et entachait ses sentiments pour Jenny d'un fatalisme déprimant. Il essayait de mener une vie aussi normale que possible, mais l'illusion commençait à s'effriter, même pour lui. Je dus faire un effort conscient pour rompre la connexion, même si lui ne se rendit compte de rien.
Cette brève incursion dans son esprit me laissa une étrange impression de désillusion et de fatalisme qui semblait me coller à la peau. Cela était tellement loin du Cooper enjoué et éternellement optimiste que nous côtoyions tous les jours. Comment avions-nous pu être aveugle à ce point ? Mais ce qui me dérangeait le plus, était son inquiétude grandissante pour Nicolas. Un sentiment tellement enfoui qu'il ne devait même pas en être conscient. La certitude qu'un drame était en train de se produire.
— Nous ne sommes plus très loin de chez Aaron, dit-il soudain m'arrachant à mes sombres pensées. On fait quoi ?
— Contourne le domaine et gare-toi à environ un kilomètre de la frontière nord, lui dit Storm, le nez de nouveau sur son écran.
Sans un mot, Cooper actionna le clignotant et changea de file, traversant toutes les voies pour s'engouffrer dans la bretelle de sortie bien au-dessus des limites de vitesse. Un concert de klaxon salua sa manœuvre et je priai pour qu'il n'y ait aucun flic aux alentours.
— Attention à ta conduite, ce n'est pas le moment de se faire repérer ! le tança Storm au même moment.
— Si je n'avais pas fait cela, on se serait rallongés de plus d'une vingtaine de kilomètres ! Je sens que l'on doit se dépêcher, ajouta-t-il d'un ton étrange en se frottant le front, comme s'il avait mal à la tête.
La boule d'angoisse dans mon estomac grossissait au même rythme que la voiture avalait les kilomètres et la fébrilité de Cooper commençait à gagner tout l'habitacle. Lorsqu'il se gara dans un chemin forestier, dissimilé à la vue par un bosquet de jeunes chênes, la tension dans l'habitacle était à son comble.
L'air frais et gorgé d'humidité de la forêt emplit mes sinus m'apportant un peu de calme et faisant grogner ma louve intérieure. Là, elle se sentait vraiment chez elle. Je contournai la voiture pour rejoindre Storm et Cooper lorsque le craquement sec caractéristique d'une brindille brisée déchira le silence sylvestre. Immédiatement en état d'alerte, je bondis devant Jenny pour la protéger, une lame surgit comme par magie à la main. Cooper de l'autre côté tenait un tazer, quant à Storm, il avait tout bonnement disparu !
— Oh, dieu merci, vous avez reçu notre message ! s'exclama soudain une voix voilée par la fatigue alors qu'une silhouette indistincte sortait du couvert des arbres.
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