Printemps 1973 : un autre jour

Pensées suicidaires, haine de soi


Les jours suivants...


Remus passa la fin de la semaine à l'infirmerie, sous le regard attentif de madame Pomfresh qui lui préparait des bains revigorants aux plantes, des potions de sommeil, des cataplasmes. Il lui répugnait de s'immobiliser dans l'eau parfumée et chaude, il ne voulait que courir se défoncer aux endorphines et pousser à bout son corps répugnant. Mais la zélée infirmière répétait à Remus que le corps et l'esprit, tout était lié, comme le mouvement des planètes, que toute chose retrouverait un jour sa place. Non, songea Remus, effrayé. Parce que c'est une malédiction. Je suis un hybride et je suis en train de tout fissurer. La bête en moi me fracasse l'esprit.

« Mon Dieu, que tu as grandi ! » s'écria Espérance en se précipitant vers son fils. Une bouffée de bien-être envahit Remus lorsque ses bras l'entourèrent, et il l'étreignit jusqu'à ce qu'il eût étouffé le sanglot qui montait dans sa gorge. Son père embrassa son front, les mains plongées dans sa « tignasse d'amour... ». Il y avait davantage de chaleur dans leurs retrouvailles retardées, aux flammes intenses du regret. Admettre qu'ils ne pouvaient plus l'héberger tel qu'il était, dévorait ses parents de culpabilité. Mais personne n'en dit rien, pendant le trajet vers leur maison perdue, il y avait déjà trop peu de temps à passer ensemble, et tous leurs sentiments s'évaporaient dans les parfums d'herbes folles.

Remus passa l'après-midi étendu sur une chaise longue, au soleil. On eût pu croire qu'il se délassait, mais il était plus proche de l'apathie. Espérance et Lyall, déboussolés de le voir sans un livre, une longue-vue ou un cahier dans les mains, crurent d'abord à de la nonchalance adolescente ou les séquelles de la lune. Un sourire maladroitement rassurant, désespérément inquiétant s'évertuait à flotter sur ses lèvres.

Le lendemain, c'était dimanche. Remus se pelotonna à nouveau sous le soleil, le journal à la main pour faire illusion, dans un immense pull gris dont il arrachait consciencieusement les fils usés des manches. Il n'avait pas vraiment dormi de la nuit, ne dormait pas non plus le jour, perdu entre deux mondes. Il ne pensait plus.

Espérance plongea la main dans les méandres de la laine pour trouver celle de son fils et l'attirer à elle. Ses doigts chauds caressèrent les phalanges réparées par madame Pomfresh, comme si elle savait. « Tes si jolies mains... » Remus retint le laid sanglot qui irritait sa gorge, espérant qu'elle n'en parlât pas davantage.

« Ça va maman, ça va...

Je grandis. »

Le soleil. Une tasse de thé, apportée par Lyall. Les insectes bruissaient dans les champs, à perte de vue. Sa maman tenait sa main et ne demandait rien. Chaque bouffée d'air n'insufflait en lui qu'une répugnance désespérée. Remus ne voulait pas oublier, il voulait porter l'étendard de sa perversion pour ne plus se faire confiance et ne plus rien risquer. Mais les jours passaient, faisant bien leur travail, et il fallait admettre que les souvenirs de cette nuit se dissipaient. Et si l'infirmière avait raison ? Ce n'était qu'un rêve. Un sacré mauvais rêve, qui t'a fait... bouger, mais ce n'était qu'un rêve.

Oh, il reviendra, tu sais... Le mois prochain.

Tu ne seras jamais libre.

Au moins, je ne deviendrai pas un monstre... Si une pensée doit être la seule à me donner la force de tenir debout, c'est bien celle-là : je ne serai jamais un criminel.

Mais est-ce encore raisonnable d'aller à Poudlard ?

De continuer de jouer avec eux ?

Enfin Remus, ici aussi, tu es un poids... !

Il n'y a rien pour toi, ni avenir, ni...

N'est-il pas temps de te retirer ?

Il fallait s'y attendre, bien sûr mais...

Dieu, que c'est tôt.

Le troisième jour, il se réveilla en sursaut.

« REMUS "J." LUPIN !

IL VA FALLOIR QUE TU ME DISES QUEL EST TON DEUXIÈME PRÉNOM POUR QUE J'TE BOTTE SÉRIEUSEMENT LE CUL ! »

Une lettre carmine hurlait dans sa chambre, de la fumée s'échappant des plis du parchemin.

« QU'EST-CE-QUE T'ES EN TRAIN DE ME FAIRE ?! TROIS LETTRES SANS RÉPONSE ?! MÊME DUMBY M'A DIT QUE S'IL ÉTAIT ARRIVÉ QUELQUE CHOSE IL ME L'AURAIT DIT ! ET TOI TU ME SNOBES ?? »

Ses parents, effrayés par le tapage accoururent et découvrirent Remus, la tête enfouie dans les bras, les épaules secouées par des spasmes.

« DÉJÀ QU'ON NE T'A QUE VINGT-NEUF JOURS PAR MOIS, TRENTE LES PLUS CHANCEUX ... ! »

« Il est... vraiment... sans pitié... !

- Est-ce que tu vas nous expliquer ce qui se passe ? demanda Espérance.

- Non, répondit Remus à sa mère, les larmes aux yeux. C'est juste... James. »

Oh. Dear.

Remus riait.

Silencieusement, comme toujours mais il riait !

Il s'en voulait terriblement, pour ses résolutions, pour ses parents, mais il n'arrivait pas à s'en empêcher.

« TU CROIS QUE J'AI PAS ASSEZ AVEC L'AUTRE SIRIUS QUI EST INJOIGNABLE ? »

Déchirant sans scrupules les lambeaux de son cauchemar, sans se laisser intimider par leurs barbelés. Le problème, avec James Potter, c'est qu'on ne peut pas longtemps rester effrayant ou dramatique. Avec James, il n'est pas permis de culpabiliser, on ne peut qu'exagérer, vivre insolemment et généreusement ; ces dents-là ne se plantent que dans la vie, jusqu'à la moelle, jusqu'à la lie.

« REMUS ! »

"C'est trop tard", avait-il dit dans la salle de bains.

De toute façon, James Potter n'a jamais craint le danger.

Vous vous êtes bien trouvés...

« REMUS ! »

Allez, Remus, encore un jour.

« REMUS ! »

« C'est difficile... » gémit Remus en essuyant des larmes amères.

Il ne t'empêchera pas d'avoir peur, de cauchemarder, et il ne promet pas non plus de retenir la folie. Peut-être même

que tout cela finira un jour.

« REMUS !

JE VAIS CONTINUER DE CRIER JUSQU'À CE QUE TU PRENNES UNE PLUME ET QUE TU M'ÉCRIVES !

REMUS ! »

« Comment ça, tu n'as pas de nouvelles de Sirius ?! » gratta frénétiquement la plume du jeune homme sur le parchemin.

Il est juste en train de te dire : "je veux être avec toi".

« Tu me désespères... » répondit James le jour-même.

Et que, quoi qu'il arrive, parmi tous tes souvenirs, certains seront heureux.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top