Hiver 1977 : une décision

Un jour...


A la fin du mois de février, il y eut un grand remous au ministère. Quelques fonctionnaires s'étaient déjà prudemment exprimés au sujet de réformes jamais appliquées par Michum, dont les annulations étaient mal justifiées, les débats coupés court. Ils interrogeaient également les nouvelles mesures mises en place autour de la Régulation des Créatures Magiques. Tels le père de Remus, ils ne reconnaissaient plus leurs missions. Ils furent neuf à signer une lettre ouverte dans L'Aletheia, un journal d'opinion mésestimé. Coraline relaya les revendications et inquiétudes, et deux jours plus tard tout le monde sorcier s'écharpait à ce sujet. Pendant ce temps, la Gazette offrait une tribune à Walden McNair, un employé à la Commission des Créatures Dangereuses, qui défendait l'importance de ces nouveaux décrets de régulation, à plus forte raison quand des loups garous évadés de Varcol vagabondaient toujours en liberté. Il rappelait la responsabilité des sorciers et glorifiait leur suprématie avec grandiloquence. Ça discutait en salle commune, en classe, avec les préfets et les directeurs de maisons, mais pas les Maraudeurs.

Ils ne participèrent pas aux débats. Au lieu de cela, ils descendirent dans le parc s'amuser avec un vieux souafle. Ils se le passaient par-dessus un filet volé dans les serres, tendu par magie, à la façon des joueurs de volley-ball qu'ils avaient vus sur la plage près de chez Remus, l'été précédent. Ils couraient et s'essoufflaient sur l'herbe, aussi maladroits à terre qu'ils pouvaient être agiles dans les airs. Le ballon de cuir dur, pas taillé pour ce jeu, rebondissait dans des directions aléatoires et meurtrissait les poignets. Les camarades les plus intrigués se joignirent à eux, suivis de Dearborn, Hagrid, et Bibine qui apporta trois autres souafles. Les jeunes mages et leurs enseignants se bousculaient, s'invectivaient, trichaient, se pouillaient comme jamais, et à bout de forces, ils finirent allongés par terre à boire de la limonade, en se congratulant, fourbus, les bras couverts de bleus, ivres d'endorphines.


La semaine suivante, suite à une course poursuite avec Peeves qu'ils avaient piégé dans le bureau de Rusard, ils dénichèrent une nouvelle tapisserie d'espionnage. Ils s'y installèrent le temps de reprendre leur souffle. James fit la grimace en voyant un élève traverser le couloir :

« Apparemment Jake a été mis en retenue par Chourave, il me déçoit ! »

Le pauvre Jake bondit, il venait de se donner une claque.

« Oh non, Fiona, ne me dis pas que tu t'es casée avec Perry, tu mérites mieux ! »

« C'est à cette heure-ci qu'on arrive ? Un petit rictusempra, pour avancer plus vite ?

- Son patronus est une tortue, c'est pas un nerveux celui-là... »

Peter écarquilla soudain les yeux et se frappa le front :

« Oh James, j'avais oublié, tu ne vas jamais me croire : j'ai vu le patronus de Lily !

- Quoi ? Quand est-ce que tu l'as vu ? Comment ça se fait que tu l'aies vu et pas moi, elle te l'a montré comme ça ? Comment t'as fait ? Elle sait que tu l'as vu, au moins ?

- Jeeeeeeeez... souffla Sirius en se plaquant contre le mur, effrayé.

- C'était pendant un rattrapage de duel, avec Dearborn, elle est monitrice. Mais James, son patronus, c'est une BICHE ! »

Sous les cris de protestation de ses amis, James entama une danse de la joie mal appropriée dans le réduit, aussi chacun reçut-il un coup de coude ou pied de la joie. Leurs exclamations manquaient de discrétion, mais la rumeur disant que le couloir était piégé s'était répandue et si quelques uns tentèrent de les débusquer en pensant à une mise en scène de Dearborn, la plupart des élèves préférait maintenant contourner les lieux.

« J'espère que Dearborn va arriver et qu'on pourra le surprendre ! Et... sinon... comment on devient moniteur pour Dearborn ?

- Il a demandé des volontaires la semaine dernière, pile au moment où tu étais occupé à ensorceler les grimoires pour les élèves suivants, avec Sirius.

- Tout s'explique. »

À cet instant, par un merveilleux hasard, deux préfètes apparurent dans le couloir : Lily et Hortense, une Serdaigle. James se chargea tant d'électricité que ses amis eux-mêmes sentirent les poils se dresser sur leurs bras. Avec frénésie, il leur demanda silencieusement de ne plus bouger, ni respirer, ni penser et, si c'était superflu, cela ne les empêcha pas de lever ostensiblement les yeux au ciel en gonflant les joues, pour le charrier. Il n'en vit rien. Il contemplait Lily, agenouillé, les mains croisées sur ses cuisses, le visage éclairé par un rai de lumière qui traversait la toile. Les jeunes filles lancèrent quelques sorts de désenchantement qui amusèrent les gars, et s'éloignèrent, dépitées. Il leva alors sa baguette.

« Qu'est-ce que... » s'étonna Hortense.

Un nuage de pétales de fleurs de cerisier tourbillonnait lentement autour de Lily.

« Oh... »

Elle grimaça un sourire gêné à son amie.

« Potter ?

- Qui d'autre...

- Hé hé, fit Hortense. Je crois que je vais, tranquillement, quitter les lieux, et tu ne vas pas me suivre. »

Lily n'osait lever les yeux, mais elle souriait toujours, si rose que ses taches de rousseur étincelaient. James jeta la cape d'invisibilité au visage de ses amis pour les dissimuler le temps de sortir et murmura : « Si Peeves me cherche, dites-lui que je le trouverai le premier ! »

Sirius pressa son épaule, presque aussi excité que lui. James respira jusqu'au fond du ventre, passa une main dans ses cheveux et quitta sa cachette.

« Oh, bingo, fit Lily.

- Hello, Evans, sourit-il.

- James pourquoi tu prends cette voix quand tu lui parles, t'es ridicule... gronda Sirius.

- Ce serait présomption de ma part, hésita Lily, de croire que tu as joué ces tours pour m'attirer ici ?

- Héhé, qui sait... »

Ils se regardaient, le sourire timide, sans oser entamer la conversation.

« Et si on quittait ce couloir ?

- Oh non non non ! », chuchotèrent les trois amis qui avaient sorti le pop corn.

Après son départ, ils s'étirèrent, prêts à quitter leur cachette mais des voix familières s'approchaient. C'était Dumbledore et Amelia Bones.

« ... protéger les persécutés, disait-elle, mais à vouloir tout réunir sous le même toit, vous confondez vos rôles et augmentez les risques.

- Risques ? souffla Peter.

- Poudlard est le lieu le plus sûr du monde, répliqua Dumbledore.

- Vous saurez bien renforcer la sécurité dans d'autres asiles !

- Je ne peux pas me permettre de m'absenter aussi souvent qu'il le serait néc...

- C'est une école ! Personne ne doute de vos pouvoirs, et certainement pas les Mangemorts qui, quand ils auront fini de scléroser le Ministère, choisiront votre domaine comme nouvelle cible !

Dumbledore, je vous dois plus que je ne saurais le dire, et mon respect pour votre puissance est plus grand encore. Mais sur ce point, jamais je ne pourrai m'accorder avec vous. Aussi attachée que je sois à l'Ordre, je demeure formellement opposée à son établissement dans Poudlard. »

Ils bifurquèrent, et on ne les entendit plus. Sirius et Peter se disputèrent le dernier pop corn avant de déguerpir.



Le match de Quidditch contre les Poufsouffle consacra James au poste de capitaine – souvenons-nous, le match précédent s'était tout de même terminé sur une grave faute de Sirius. Il sut houspiller Eleanor pour déloger son énergie engorgée dans le stress, mais félicita plus tard une belle passe, même si sa poursuiveuse n'avait pas marqué. Il pressentait tout ce qui se passait sur le terrain comme s'il avait trois secondes d'avance sur les mouvements des équipes et des balles. Un regard de Sirius suffisait à le prévenir, sa seconde paire d'yeux dans l'autre hémisphère du terrain. La victoire fut spectaculaire. Comme la pleine lune approchait, les Maraudeurs la fêtèrent rien que tous les quatre, dans la Salle de Bains des Préfets et Capitaines de Quidditch (James militait pour changer l'inscription sur la plaque, McGonagall lui tenait tête par principe). Ils firent des batailles de bulles qui jaillissaient comme de la mitraille et laissaient sur la peau des huiles colorées, des bulles en forme d'animaux fantastiques : dragon cracheur d'eau, lutins de Cornouailles qu'il fallait éclater dans ses mains pour qu'ils cessent de ricaner, ils glissèrent sur le carrelage mouillé, atterrirent à fracas dans l'eau au parfum de lys blanc. Remus se mit à nu comme eux, lui qui n'avait jamais ne serait-ce que porté de manches courtes, et Sirius s'appliqua à ne jamais le regarder pour ne pas chavirer.

Ils célébrèrent la « Fool Moon Seventeen Birthday Party » dans la Cabane, offrirent au loup de la viande volée en cuisines : des poulets et lapins entiers, qu'il considéra avec suspicion avant de les dévorer. L'instinct de chien de Sirius n'était pas assez fort pour lui en donner envie. Peter jouait du piano à quatre pattes, les sabots de James dansaient des claquettes. Au lever du soleil, ils allèrent s'offrir un petit déjeuner à Pré-au-Lard. Ils ne s'arrêtèrent ni devant les enseignes qui avaient fermé, ni devant les communiqués affichés sur les murs, ils ne s'intéressèrent pas aux nouveaux visages – réfugiés ou espions -, et n'engagèrent pas la conversation avec Rosmerta.

Le soir-même, un peu avant le dîner, Sirius croisa Regulus qui se vantait très fort auprès de son nouveau meilleur ami, Bartemius Croupton Junior, du mariage de sa cousine avec Malfoy, des beaux enfants qu'ils allaient donner, de la façon dont elle avait remis à leur place des gobelins à la banque, et de celle prestigieuse dont Lucius venait d'obtenir une place au Ministère, à seulement vingt-deux ans.

Alors Sirius sécha le repas pour emmener Remus dans son lit, respira ses cheveux et le tremblement des hanches qui se creusaient sous ses mains

I've got you under my skin, I've got you, you...

Yes you do, do..., murmura Remus dans sa bouche en riant

I

Love

You

souffla Sirius silencieusement, le front contre le sien

Remus serra plus fort ses doux bras brûlants autour de son corps ; deux atomes nourris de cette fission qui invente la nouvelle danse du monde, la chaleur de l'air entre eux pour seule atmosphère, c'est ainsi que tout commence :

Le soulèvement de ton rire silencieux, profond

et fondateur



Ils ouvrirent le printemps dans la joie parce qu'ils l'avaient décidé.

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