Hiver 1977 : un palimpseste



Un jour...



Cendres ou glace ? Le ciel se délite, inexorable désintégration de l'univers à la patience sans rival, il recouvre le bas monde, flocon à flocon. C'est si lent, si déterminé pourtant : la neige ne doute jamais d'elle-même, ne doute pas qu'elle est la forme solide d'un tsunami, c'est la même chose. Efface ou ravage qu'importe, empare-toi de mon cœur anesthésié aux contours floutés.

La main chaude de Sirius appuya sur son front, et Remus oublia un peu la neige. C'était un samedi blanc et gris, empreint de langueur mélancolique, dans le lit de Remus. Son dos épousait le giron de Sirius. À chaque espace entre eux naissait un peu de tendresse pourpre, une douce incandescence. Sirius caressa son bras en embrassant son épaule. Il remonta à son visage, passa longuement les doigts sur son front, comme des vagues tropicales à marée basse révèlent les ondulations qu'elles ont imprimées sur le sable. Il descendit sur sa pommette lacérée. Son pouce épousait le contour de ses cicatrices. Il cessa quand il s'en rendit compte.

« Je voudrais t'offrir mieux que ça, dit Remus tout bas.

- Moony, répond Sirius très lentement, en même temps que sa main vient s'étaler sur son ventre martelé comme la lune,

Moony, à une feuille de papier moldu qui n'a aucun grain et ne retient pas les couleurs, je préfère mille fois un palimpseste. »

Remus sourit. Il sent le désir vif de Sirius s'éveiller contre ses fesses avant que son ami ne recule. L'ardeur qu'il laisse dans son sillage s'enracine dans le ventre de Remus, elle déploie des rameaux dans ses veines, où le sang devient aussi épais et suave que de la sève. C'est lui qui revient se presser plus fort contre ses hanches, frémit au fin soupir étonné qui surgit de sa bouche, au spasme ténu de son bassin. Sa main voilée de frissons, descend sur celle de Sirius, doucement, et la conduit entre ses cuisses.

Ça fait longtemps, murmure-t-il, enfiévré.

Je sais... bredouille Sirius, Je ne savais pas si

Chut. Dis-moi

Dis-moi ce que tu y mettrais comme couleurs, sur ce parchemin. Ce que tu y raconterais

Sirius se penche pour mordre le cou de Remus, en s'appuyant plus fort contre ses fesses, les doigts furtifs dans son pantalon. Une turbulence d'énergie oubliée, harmattan chargé de particules électriques nimbe sa peau. Celle de Remus sent le savon, et sa moiteur à lui, qui glisse sur ses doigts. Leurs jambes s'intriquent, il écrase presque Remus qui halète de plaisir, il le tient complètement dans ses bras, et ce n'est pas assez, jamais assez. Ses soupirs qui gémissent, le clapotis de leurs muqueuses, sa cambrure exigeante pour embraser contre ses fesses le sexe impérieux de Sirius. Le sucre amer de sa peau commence à suinter sur sa langue, l'eau vive d'une fontaine avare, quand j'ai soif de tsunamis

Renverse-moi, ravive-moi, ravis-moi

Ton corps est si grand, je ne sais qu'en faire, mes mains errent en saccades. Je voudrais saisir tout ton désir dans une seule main, dans ma bouche, mon cul, mon cœur, te ravir à jamais, dans tous les sens, dans tous les sens du termeLes doigts remontent sur son buste martelé, il s'écarte, laisse Remus se tourner vers lui, les joues rouges et blêmes, les joues vertes, ou bleues, orange, irisées, les joues invisibles, des couleurs à réinventer parce que nous sommes irradiés, ultra rouge, infra violet

Sa langue plonge dans sa gorge. Le désir les brusque de coups de pied en dedans, de plaisir conscrit qui pourrait jaillir à chaque instant. Au milieu du baiser dévorant, un doigt de Sirius s'engloutit dans la chair humide de sa bouche, en même temps que son bassin nu retrouve celui de Remus, et ils ondulent en même temps que Remus suce passionnément ses doigts. Une veine palpite sur sa tempe. Je veux tout faire, tout te faire

Il y a une chose que j'ai envie de faire...

Remus ne répond rien. Ses yeux écarquillés parlent pour lui, incrédules, incendiés de désir, battus de crainte. Il entremêle seulement ses doigts à ceux de Sirius en s'allongeant sur le ventre : si tu serres, j'arrête. Sirius s'étend sur son dos. Sa langue plonge dans son oreille, descend sur son épaule, celle qui n'est pas mordue, lèche son aisselle. Il embrasse la chair élastique de son biceps, dévale la dune blanche de son dos. Remus s'est étoffé depuis que les pleines lunes sont moins éprouvantes. Sirius soupire, affamé, en suçant les fossettes de ses reins qui fondent dans sa bouche. Il n'a pas besoin d'insister, ni de saisir ses hanches très fort pour que Remus se redresse légèrement, en cachant son visage embarrassé dans l'oreiller, en même temps que la main de Sirius entoure à nouveau son sexe et que sa langue descend entre ses fesses


Ténue, une neige de sueur, qui crève la peau et te marque à jamais,

Ténus, les grelottements de Remus qui ne sait pas bien s'abandonner, ses gémissements inconvenants engloutis dans le coton,

Ténu, le son de sa langue adorée au fond de lui

C'est tellement

Jamais je n'aurais songé à ça

Doux et obscène à la fois



Il serre ses doigts. Sirius remonte. Leurs mains se bousculent sur le baldaquin. Remus s'est rallongé et presse son épaule pour l'attirer contre lui, en lui, sans un mot, les yeux cachés, sans sourire.

C'est ce que tu veux ?

(après un silence honteux) Je ne sais pas trop

Et toi

Pas vraiment

Pas vraiment, si toi tu ne veux pas vraiment.

Je pensais...

La main de Remus se crispe mais quand elle se décroche du rideau et tombe, c'est le plus triste spectacle que Sirius ait jamais vu. Honteux de sa position indécente, de sa demande, Remus se recroqueville dans le lit. Sirius revient l'entourer de ses bras, embrasse les sanglots qui gonflent et pointent dans sa gorge, il le déplie membre à membre, et s'allonge à nouveau de tout son poids sur lui.

Je me suis dit, balbutie-t-il, qu'il fallait que ça arrive, pour Le chasser, passer à autre chose...

Non, murmure Sirius, non, je ne pense pas que ça soit nécessaire.

Pas si ton corps se délite sous mes doigts, si ton âme fond en lames

Il entrelace à nouveau leurs doigts sur la douceur du drap. Il est si lourd, Remus se sent sombrer dans l'apaisement, comprimé par ce corps qu'il aime plus que tout au monde

Quel jour sommes-nous ?

Le douze février. James a invité Lily à Pré-au-Lard.


James sait, murmure-t-il aussi dans la nuque de Remus. Il a deviné. Il ne veut pas en parler.

N'en parlons pas


James sait pourquoi ils ne sont pas descendus au village, et son évitement sera amer mais

Personne ne jettera l'ombre d'un soupçon sur Remus, personne ne lui fera d'ombre, sauf mon corps défendant.

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