Hiver 1975 : trois succès, un échec
Un jour...
« Bon, j'y suis les gars... »
Dix-huit heures trente : après avoir bouclé ses comptes et terminé son ménage, Flume venait d'enfin regagner son appartement, au-dessus de la boutique. James s'était péniblement terré de coin en coin tandis que son patron circulait dans les rayons pour fermer des boîtes, compter des articles, épousseter des étagères. Il leur parlait à présent dans le miroir, le voile irisé de la cape tendu par-dessus sa tête écarlate et décoiffée. Son sourire condensait tant d'excitation que ses dents auraient pu éclairer dans le noir.
« Eh, déconne pas ! gronda Remus quand il tendit la main vers une jarre.
- Et si je te rapportais des œufs de dragon ? chuchota-t-il en tournant le miroir vers un panier où luisaient des chocolats ovales recouverts de sucre candi. Regarde la QUANTITÉ qu'il y a dans la réserve ! Ils n'y verront rien. »
James les sentait déjà rouler entre ses doigts comme des galets chauds. Un peu de savoir vivre toqua à l'arrière de sa tête et le retint de céder à la tentation. Ce qu'il voulait vraiment, de toute façon, c'était partager ce moment d'anticipation joyeuse avec ses amis pour mieux... reprendre courage.
« Bon. Je vous laisse, le temps de descendre dans la cave, pas facile de manœuvrer avec le miroir et la cape.
- Sois discret !
- Bah non, bien sûr, je me suis mis des clairons aux semelles ! Oh tiens, il faudrait que je trouve une idée de bonbon bruyant genre... Super bruyant... »
Remus employa un sort de rapetissement sur le miroir. Quand il atteignit la taille d'une carte à jouer, il le glissa dans sa poche avant de descendre dîner.
« Cesse d'être malin comme ça, tu comprends, c'est insultant pour nous, à force. »
Dans les escaliers et les couloirs, Sirius palpait régulièrement la cape de son ami, prétextant vérifier que le miroir était à portée de main. Inlassablement, Remus lui jetait un regard mi-atterré mi-confus. Ils parlèrent peu en dînant précipitamment, l'oreille tendue, le sourire en coin, mais Peter ne fut pas sans remarquer que toute la tablée était sous la chape d'un calme inhabituel, un peu tendu du côté des filles de leur classe qui s'installaient toujours à côté d'eux.
« Sirius non, murmura Remus qui avait senti sa main approcher. On ne le sort pas si on n'a pas le signal. Mange.
- Oui papa Moony. »
Remus fit la grimace mais face à Peter, il ne put répliquer.
« Regardez comme c'est BEAU !
- On peut pas, James, on est à table... marmonna Sirius en ramassant la cuillère que Remus avait expressément fait tomber.
- Fais un effort ! C'est le labo, c'est... Ouah, ça sent tellement BON, il y a des sucettes aux MILLE saveurs en train de tourner... Flume m'a dit qu'elles tournaient pendant MILLE heures ! Et plein de nouveautés ! Ouah, mais regarde-moi cette fumée ! Oh la guimauve qui est malaxée, là, il faut absolument que tu regardes, c'est hypnotisant ! Pourquoi il ne me laisse pas venir ici, Flume ? »
Remus étouffa les exclamations de son mieux, en pressant la main sur sa poche.
« Mais il va se faire prendre, ce con... soupira Peter.
- Ou nous faire prendre, renchérit Remus. »
Les yeux brillants de mille feux, Sirius déclara : « Juré, dès qu'il arrive, on fait demi-tour : il FAUT que je voie ça ! »
La soirée avançait en pointillés. Un groupe d'élèves invita Sirius à jouer aux cartes, Remus devint son conseiller stratégique par-dessus son épaule - Tricheurs ! - car il aidait surtout Peter à terminer un devoir.
« Il est pas là, James ?
- Il a eu le droit de rester dîner chez une tante à Pré-au-Lard, il reviendra dans la soirée.
- Rêve pas, Jenkins, taquina Sirius, même sans lui, t'as aucune chance de gagner.
- C'est ce qu'on va voir, Black... »
En fin de soirée, après un échec cuisant que Sirius tenta de faire passer en match nul sans duper personne, puis d'attribuer aux mauvais conseils de Remus, avant de retrouver sa dignité quand Marlene souligna qu'être mauvais joueur ce n'était pas très noble, en fin de soirée donc, Remus et Sirius écrivirent une nouvelle lettre à Emmeline. Ils envoyaient majoritairement des paroles de chansons, ne sachant trop quoi dire, ils les déformaient pour y raconter leur vie. Sirius tenait à garder contact avec cette fille, éphémère rencontre audacieuse et salvatrice qu'il n'oublierait jamais. Il lui adressa quelques dessins, surtout des caricatures, bandes dessinées animées, des portraits de leurs artistes préférés. Sally, Mila puis Lily s'installèrent à leur table pour en rire et admirer. Étrangement, cela eut pour effet de marquer la fin de la soirée. Les filles remontèrent en premier dans leur dortoir.
Quand tout le monde se fut éclipsé, Sirius suivit Remus dans la salle de bains. A la lueur opaline qui dansait sur les volutes de vapeur de sa douche et à cette claire sensation d'apaisement, semblable au grand soleil matinal, Remus devina qu'il avait lancé un Patronus.
« Ça traverse les murs, tu crois ? Il pourrait me raconter ce qu'il voit...
- Tu veux espionner qui ?
- ...
- ...
- ...
- ... Oh. »
Remus, estomaqué ne réussit à réagir, mordit son gant de toilette puis son pouce, tout pétrifié soudainement, sous l'eau qui continuait de l'engloutir sans qu'il ne sentît plus si elle était chaude ou froide.
« OUBLIE ! cria Sirius en même temps que Remus s'exclamait :
- Tu... Mais... Sirius, bordel !
- Ouah ! Remus, langage ! »
Sirius éclata d'un rire dont chaque secousse lui redonnait un peu de couleur. L'eau s'éteignit, puis il entendit le frottement de la serviette sur des cheveux.
« Je plaisante, reprit-il, en grattant la porte. Enfin, j'y pense un peu, vite fait, mais pas au point de ... pas t'espionner déjà, ni rien si tu n'as pas envie. »
Un souffle.
« ... Tu y penses ?
- Juste... Me demander à quoi tu ressembles, en entier. Tu... n'y penses pas, toi ? »
Difficile de répondre.
« Vite fait, répéta-t-il.
- Alors on n'en parle plus. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise.
- Non, ne t'en fais pas. »
Il eut même un petit rire dont Sirius emprunta les cahots maladroits.
« T'es mignon, à demander où je veux espionner, quand même...
- Oh, la ferme, sourit Remus. Expecto patronum ! »
Son loup surgit de la porte pour se bagarrer avec celui de Sirius, reflétés sur le sol humide de la salle de bains.
« Ça traverse les murs, donc. Quand est-ce que tu y es arrivé ?
- A lui faire prendre forme ? Le mois dernier.
- Tu as attendu tout ce temps pour nous le dire ? Mais Sulimane...
- Je ne voulais pas que tout le monde le voit. »
Il ne s'y attendait pas, mais Remus souriait quand il sortit de la cabine. Il déposa un baiser moite sur ses lèvres. Sirius sourit et revint le chercher, les mains sur sa nuque, collé contre son corps tout chaud de vapeur. « Tu sens bon... » souffla-t-il dans son oreille. Remus rit doucement et laissa ses mains parcourir le dos de Sirius en lentes et puissantes caresses qui le faisaient soupirer profondément. Et comme il allait mieux, habillé, qu'il sentait les muscles nerveux sous la chemise de Sirius et qu'il en cernait les reliefs et les creux, il rit : « Alors comme ça on m'imagine tout nu ? »
Et Sirius, intimidé, sans la porte pour se cacher, répliqua, blotti dans ses épaules :
« Ta gueule.
- Langage, corrigea doucement Remus en le berçant.
- Hum... C'est pas ça la bonne réplique, murmura son ami.
- Hein ?
- Il faut répondre : fais-moi taire. »
Remus reprit ses lèvres sans demander son reste.
« Il faut qu'on remonte... Si James arrive...
- Il sait que la salle de bains est notre quartier général... secondaire.
- Et s'il nous voit comme ça ? »
Il sentit plus qu'il n'entendit le soupir de Sirius gonfler dans ses bras.
« Il nous verra. »
Mais son cœur alarmé ne trompait pas. Remus caressa ses cheveux.
« Tu veux qu'on lui dise ? »
Sirius ne répondit rien, d'abord. Il murmura :
« Tu n'aimes pas les secrets. Pourtant, je n'ai pas envie de le dire tout de suite. Je voudrais que ça reste rien qu'à nous, pour le moment.
- Qu'on lui fasse comprendre par insinuations ?
- T'as vu sa goule quand on fait des insinuations... »
Remus frémit. Les mains de Sirius dessinèrent encore ses côtes, de la nuque aux reins. Il écrasa de sa langue une goutte qui dévalait son cou jusqu'à la clavicule. « Tu me chatouilles » bondit-il en échappant à son étreinte. Et puis il se retourna, et tendit une main hésitante. On remonte jusqu'au dortoir comme ça, pour voir ? Sirius entrelaça ses doigts dans les siens.
« J'ai réussiii ! »
Une pluie d'étincelles à l'odeur de caramel tomba sur Sirius qui émergeait difficilement du sommeil, la tête dans un brouillard sucré. James sautait sur son lit, il jubilait à en réveiller le soleil avec trois heures d'avance.
« Moony, j'ai réussi !
- Bravo champion... marmonna Remus, tout aussi engourdi et nauséeux.
- Mais où t'étais passé, toi ? » bougonna Achille.
Sirius se força à se dresser, James lui fourra une suçacide dans la bouche, plaqua sa main sur ladite bouche pour retenir son hurlement.
« Ça réveille ?
- Ta cruauté est sans limite, renifla Sirius, les larmes aux yeux, la mâchoire endolorie par l'afflux de salive.
- LA CARTE ! » chuchota James en le secouant par les épaules.
Ils se glissèrent tous les quatre sous la cape, trop groggys pour être prudents, du portrait de Mervynn aux cuisines où les elfes s'agitaient déjà.
« Cachu j'veux dormir. » grogna Peter
Il s'était déjà pelotonné dans un coin sous une nappe.
« CACHU LA CARTE ! »
Elle était merveilleusement claire et lisible. Les amis parcoururent les quatre dortoirs des yeux ainsi que les appartements des enseignants où reposaient une centaine de petites étiquettes. On y voyait même les fantômes.
« Berk, je viens d'avoir une vision de Snape en train de dormir... »
Remus poussa James du coude en riant.
« C'est... C'est incroyable... »
Il leva la tête vers Nim qui verdissait.
« Tu y es pour quelque chose ?
- Oh, pas vraiment, un peu, c'est plein de la magie des elfes, cette cuisine, peut-être que cela a permis que le sort reste bien attaché au parchemin...
- OH. Je suis vexé de ne pas y être arrivé seul... C'EST UNE BLAGUE ! C'EST UNE BLAGUE ! s'écria Sirius en voyant Nim s'emparer d'un couteau.
- Mais c'est bien toi qui as fait ça, Sirius... souffla Remus, ébloui, en suivant des yeux les fantômes, les seuls à se mouvoir à cette heure-là.
- C'est nous tous », sourit James en indiquant l'emplacement du passage plus très secret de Flume à Sirius, qui le croquait au crayon.
Puis, bondissant sur ses pieds comme à l'assaut d'une nouvelle excursion :
« Bon, c'est pas tout mais il y a match tout à l'heure !
- Oh seigneur... » gémit Sirius en s'effondrant sur l'épaule de Remus qui s'était effondré sur celle de Peter.
Les Maraudeurs soupçonnèrent James d'avoir englouti la réserve de bonbons au café de Flume. Il passa la matinée avec Lily à la bibliothèque, frais comme un gardon, à la recherche d'une plante qui pourrait s'associer à sa trouvaille inintéressante. Leurs interminables recherches et tâtonnements avaient laissé émerger une certaine complicité, depuis que Lily avait reconnu qu'on pouvait compter sur James pour ne jamais renoncer, chose aussi stimulante qu'épuisante.
« Tiens, écoute ! L'Acore Odorant est aussi appelé "Lys des Marais" »
Il leva les yeux vers sa camarade qui hocha la tête pour signaler qu'elle avait bien compris sans toutefois partager son excitation explosive.
« Il doit son nom d'odorant à son feuillage qui dégage un subtil et agréable parfum de mandarine dès qu'on le froisse. »
James fit mine de froisser les cheveux de Lily.
« Mais t'es pas bien, toi !
-Très décoratif, il présente une touffe pleine de légèreté. »
Il approuva en désignant à nouveau la chevelure de sa partenaire de travail mais elle adressait un salut à Snape qui passait près d'un rayonnage. Son ami hésita à s'approcher, dansant ridiculement d'un pied sur l'autre. Lily, un peu refroidie par son comportement des derniers temps mais résolue à ne pas abandonner, réclama : « Tu peux dire bonjour quand même. »
Snape dévisagea James. Il lui adressait un sourire mauvais, comme prêt à attaquer s'il saluait Lily, et pire s'il refusait de la saluer. Il marmonna donc : « Saluçava ?
- On fait notre botanique ! On viendra te voir si on réussit à donner des pouvoirs à notre plante, pour que tu essaies des potions ! »
James, dans son dos, secoua vigoureusement la tête et adressa une menace silencieuse bien qu'explicite à Snape.
« Ouais, à jeudi... balbutia-t-il avant de rejoindre ses camarades de maison.
- Bon, tu m'écoutes maintenant ? Il est connu depuis longtemps, principalement en Asie, pour ses propriétés médicinales et insecticides. Attention toutefois, si le rhizome de l'acore odorant est employé à des fins médicinales, il ne faut pas le consommer frais car il est très vomitif. CACHU LILY C'EST TELLEMENT TOI !
- Haha, très drôle. »
Mais elle souriait un peu quand même.
« Gare à toi, Potter...
- Allez, on essaie, hein ?
- Mais oui, on essaie ! Tu vas voir que ma plante va sauver ta plante ! »
Snape continuait de les fixer, de loin.
« Chourave m'a dit qu'on était les seuls à travailler sur des plantes aquatiques.
- Tu m'étonnes...
- De tout Poudlard !
- On a intérêt à ne pas se ridiculiser.
- Il y a un festival de plantes aquatiques magiques à Pré-au-Lard.
- Oui, j'étais là, tu sais, quand elle l'a annoncé...
- Je me disais qu'on pourrait... Si on trouve quelque chose, on pourrait y aller ensemble.
- On peut aussi y aller si on ne trouve rien, pour continuer de se renseigner... »
James leva les yeux. Lily souriait avec espièglerie, quelque chose d'insaisissable dans le regard qui l'attirait à sa poursuite, sûrement le vert insolent de ses yeux.
« Oui, sourit James après s'être ressaisi, ça doit être super intéressant...
- Cool. Je demanderai à Chourave si je peux organiser ça pour la classe.
- Ah... haha oui, ouah, tu veux tout organiser, pour toute la classe, woah, t'es super motivée !
Argh !
- Oh ! Ça va ?! »
James avait manqué de tomber de sa chaise.
« Ouaiiiis... »
Sa chaise eut un nouveau sursaut qui l'étala par terre, devant tout le monde. Lily elle-même, après voir vérifié qu'il ne s'était pas fait mal, ne put retenir des larmes d'hilarité.
Évidemment, Snape ricanait sous cape, la baguette également sous cape, cela ne trompait personne. Enfin, pas James.
« Et voilà comment s'achève une Prise de Murdoch ! s'écria James en se redressant, avant de saluer la foule.
- Ouais ouais, fais-nous croire que tu répétais ton match ! se moqua gentiment Elsie Wallace.
- Tu vas voir ! répondit-il avec un clin d'œil. Si Lily Evans veut bien me souhaiter bonne chance ? » fit-il en se penchant vers sa camarade. Elle lui donna une pichenette sur le front.
&
« Elle m'a MAUDIT ! » souffla James en tapant du poing le soir, à table.
Il avait remporté le match avec une telle élégance en vol qu'il avait expédié aux oubliettes sa "maladresse" du matin dans la bibliothèque mais ce fut au prix de sa feuille de mandragore qu'il cracha en recevant le souafle dans le ventre.
&
« Donc la saint Valentin approche et aucun d'entre nous n'a de Valentine.
- Au moins, on a un ennemi préféré.
- Parle pour toi !
- PARDON, tu aimes Snivellus, toi, Peter ?!
- Non !
- PARDON, tu as une Valentine, toi, Peter ?!
- Pourquoi ça te surprend autant ?
- Mais parce que tu ne nous as rien dit !
- Ben voilà.
- MAIS QUI ?
- Enfin, on n'est pas vraiment ensemble... mais Madeline était en stage à la brigade aussi et on a bien... On a bien rigolé quoi.
- Et depuis ? Pourquoi on t'a pas revu traîner avec elle ?
- Bah, elle est plutôt avec ses copines, quoi. »
James considéra Peter un instant mais s'abstint délicatement de tout commentaire. Il pointa Sirius du doigt :
« Daisy ?
- Non. »
Il se tourna pour interroger du regard Remus qui déclara :
« J'ai personne et envie de personne.
- T'es bizarre, mec... soupira Peter.
- Faisons donc sa fête à Snape pour la Saint Valentin ! »
Les trois amis le regardèrent pendant dix secondes, l'un clignant des yeux, un autre pinçant les lèvres.
« James, tu as quelque chose à nous avouer, ou...
- Une lettre anonyme ! Une montagne de chocolats fondus qui lui tombe dessus avec le courrier ! Une embuscade de poudre à récurer dans ses cheveux ! On peut même mettre un philtre d'amour dans les chocolats pour le diriger vers... Je sais pas encore qui, mais IMAGINE !
- Il est trop sociopathe pour manger des chocolats venus d'inconnus.
- Tu veux dire prudent ?
- Chut, Remus. »
~
Joyeux annivers'hier WhiteSpirit666 <3
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