Hiver 1975 : ceux qui hurlent

Art : tapuscrit de "Howl", Allen Ginsberg


Un jour...


« Tu l'as lu, Howl ? »

Ils se tenaient sur le seuil. Le vent balayait leurs silhouettes, faisait sécher la sueur sur la peau, estompait le rouge des joues. Il efface toute la passion et nous nous habillons de capes noires et d'un maquillage pâle d'amitié. La nuit était tombée, la pluie continuait de chanter, la cloche annonçant le dîner sonnait. Ils se tenaient dedans et regardaient dehors.

« Non. C'est le titre qui m'a donné envie de te le prendre. La bibliothécaire a refusé que je l'emprunte parce que ce n'était pas de mon âge. Impervius. » 

Sirius tira la langue et sortit du cercle protecteur que proposait Remus pour embrasser l'averse à plein visage. « T'es le pire des maraudeurs, Moony ! » Remus essaya de sourire. On va être en retard, on doit réfléchir à une excuse. L'eau devient amère et Sirius, je vois bien qu'il insistera jusqu'au dernier moment. Remus accourut vers lui pour étouffer un cri dans son épaule, le métamorphoser en grognement de désir qui secoue de la tête aux pieds. Les cheveux dégoulinent dans la bouche, le cou est encore tout chaud comme un secret, on devine à nouveau les corps sous les manteaux, leurs mains les cherchent irrépressiblement.

« Et il est bien, Howl ?

- Je ne sais pas. »

Je ne sais pas car je n'ai rien compris et c'était merveilleux, de n'y rien comprendre, comme si ma tête tout à coup était devenue plus grande, à moins que ce ne soit le monde.

« Ça ne raconte pas une histoire. Je ne pensais pas qu'on pouvait écrire comme ça. »

C'est un livre avec des mots qui marchent trop vite : je n'ai pas le temps de regarder le paysage que je suis déjà lancé dans le ciel, au sommet d'un monstre industriel, retourné dans le caniveau. Je suis une flammèche immatérielle qui circule de corps en corps brisés, mange de la rouille et sourit, insouciant ou trop conscient de mes dents crasseuses, je n'ai qu'à dire que c'est beau et cela le devient. Je danse sur les rails, Peter Pan urbain, dans une fuite éternelle, échoué dans une odyssée de supermarché. La brutalité de ces images qui traversent l'espace et le temps me rejoint droit au cœur. J'ai peur de ne pas comprendre, j'en découpe, blasphème, des morceaux que j'assemble à mes émotions pour les accaparer, j'ai envie de tout dévorer, c'est ça apprendre par coeur : à plein cœur, mais il n'y a rien à prendre, tout est déjà pris, les poèmes sont dans ma peau et mon sang et sous mes ongles je retiens le pollen des tournesols, dernières pépites de la ruée vers l'or. 

Ça me terrifie un livre pareil, il n'y a pas de magie plus puissante.

Remus, je voudrais dessiner comme Allen Ginsberg écrit.

Des choses obscènes et prodigieuses qui choquent au point de menacer le monde.

« C'est... (il riait un peu). C'est super vulgaire. Enfin, pas vulgaire, c'est grossier...

- Quoi ? Oh, non, c'est pas vrai... Je ne savais pas... », s'écrie Remus, embarrassé.

Sirius rit en le voyant porter la main à sa bouche, les pommettes écarlates. Mais il se sent abyssalement stupide de n'avoir trouvé que cela à dire. Est-ce que c'est moldu d'être grossier dans un livre ? 

Non, c'est pas cela la question : 

Est-ce qu'un sorcier aurait pu écrire un tel ouvrage ?

« On dirait que ce n'est pas un vrai livre.

- Dans quel sens ?

- C'est complètement fou. »

Tous les livres devraient être comme celui-là.

« Il faut que je le lise.

- Hum... » répond Sirius, sourire espiègle.

Remus poussa la porte en lui tirant la langue.

« Cachu, Rusard... » soupira-t-il, heureusement inaudible.

Sirius agita ses cheveux, soupirant aux injectives du concierge. Et dehors la nuit, et la pluie, et la porte allait fermer, ils auraient été bien malins de trouver la porter fermée, et pourquoi avaient-ils toujours besoin de sortir et de rentrer au dernier moment...

« Vous préférez qu'on foute le bordel dehors ou dans le château ? »

D'un coup de baguette, Sirius sécha Remus qui le sécha ensuite. Ils effacèrent les traces au sol, firent la révérence à Rusard et rejoignirent la grande salle en doublant des jeunes Serdaigle par principe, pour ne pas être les derniers, des jeunes filles et un garçon qui rougissaient quand Sirius était dans les parages. Ils se glissèrent à leur place près de James dont ils eussent voulu pouvoir brouiller aussi facilement que par magie le regard un peu inquiet.

« C'était interminable, la visite médicale, mais tout va bien. »

James questionna Remus du regard. Ils savaient tous que ce n'était pas parce qu'il n'y avait pas de trace que tout allait bien. Son ami haussa les épaules et enchaîna rapidement :

« Le médicomage, c'est celui avec qui je travaillerai pour mon stage, on a pas mal discuté. Il est au courant pour tout mais il a accepté quand même.

- Encore heureux ! s'indigna Peter. En plus ça ne tombe pas au mauvais moment, alors ça ne le regarde pas.

- Oh, tu sais...

- On ne devrait pas révéler ça, si ? s'indigna Peter. C'est privé, la santé.

- Je croyais aussi. C'est peut-être différent pour nous. Pour protéger les autres, tu vois ?

- Combien de temps avant qu'on ne soit obligé de révéler que Poudlard en héberge un ?

- Peter, t'es brutal, là.

- Pas lui, rétorqua Remus. Ces règlements... oui. On peut arrêter d'en parler, là ? 

- T'inquiète, Dumbeldore n'est pas près de se plier à tous les règlements... »


&


« Putain de merde, marmonna James en secouant la fiole qui contenait sa potion d'Animagus, incolore au lieu du rouge attendu.

- Il fallait s'y attendre, gronda Sirius en observant la sienne, ils disaient bien qu'il ne fallait pas y toucher...

- Ah, fait chier, tiens. Heureusement qu'on a pris des feuilles ce mois-ci.

- Comme ça, on est au même niveau ! se réjouit Peter maladroitement.

- J'en ai marre de pas pouvoir manger ce que je veux... D'avoir peur de m'étouffer ou l'avaler dans mon sommeil et... Et tout.

- Ouais. C'est pas plus mal d'être célibataire en ce moment.

- James... » ricana Sirius.

Son sourire fondit légèrement quand James tourna le dos, et puis il se raviva pour lui-même.

Ils rejoignirent Remus dans la salle de bains. Bien qu'il sortît de sa douche, il avait revêtu des vêtements de jour. Mowgli, assise sur un lavabo à faire des bulles de chewing-gum, bondit vers Sirius pour qu'il la fît tourner en la tenant par les mains. Son caquètement amusé provoquait des fous-rires irrépressibles aux Maraudeurs. « Je ne m'en remettrai jamais ! C'est pas permis, un cri pareil... ! »

Sirius, la goule fatiguée perchée sur ses épaules, sortit de sa poche un parchemin sur lequel il avait dessiné une petite rose des vents. Chaque pointe portait un nom :

1. Forêt interdite

2. Cabane Hurlante (et le reste de Pré au Lard)

3. Grande Salle

4. Bureau de Rusard

5. Cuisines

6. Cachots des Cancrelards

7. Local à balais

8. Bureau de Dumbledore.

« As-tu vraiment mis la Forêt Interdite avant la Cabane Hurlante ?!

- C'était pour pas te mettre de pression. Donne-moi ta baguette.

- Jamais de la vie, prends la tienne.

- James ?

- Tiens, mon amour. »

Sirius posa la baguette au centre de son dessin et la fit tourner.

« Oh... Cuisines... Bon, on recommence.

Bureau de Dumbledore.

...

Donne-moi ta baguette, Moony. »

Remus soupira et céda.

« Oh, mais oui, Cabane Hurlante, bien sûr... Quel sortilège as-tu posé sur ce parchemin ?

- Mais aucun, je te jure. »

Un silence.

« Allez Moony... craqua Sirius.

- Vous ne savez vraiment pas à quoi vous attendre, pas vrai ?

- Non. Mais on veut savoir. »

Remus ne demanda pas pourquoi, il était fatigué de demander, de refuser. Il les regarda encore, de ses yeux qui devenaient jaunes la nuit. Il savait qu'il y avait un peu l'envie de se faire peur en s'approchant du monstre, en bravant la nuit et l'interdiction de sortir ; il savait que ses amis voulaient lui montrer leur soutien, tout savoir pour l'épauler encore mieux, il savait tout cela, il ne voulait pas l'entendre à nouveau. L'instinct des Maraudeurs l'avait toujours porté aux sommets. S'il fallait être prêt un jour, pourquoi pas maintenant ?

Alors il les regarda, un infime sourire aux lèvres, jusqu'à avoir leur silence avec lui.

« Ce n'est vraiment. Vraiment. Pas beau à voir.

James, montre-moi la cape. »

Il l'étendit dans ses bras pour la mesurer et s'y enveloppa.

« Viens, James ? Et..., constata-t-il, je pense que Peter peut venir aussi. »

Ils firent quelques pas dans la salle de bains.

« Sirius ?

- On ne vous voit pas.

- Le chemin est assez long. Je vous dépose sous le Saule Cogneur, on parcourra le tunnel ensemble, quand je reviendrai avec Sirius, d'accord ?

- Pourquoi je reste tout seul ? pleurnicha Sirius.

- Parce que, parce que... si je t'emmène en premier avec James, vous allez faire des conneries.

- Ah ? fit James, je croyais que c'était parce que Peter et moi sommes les plus petits. »

Remus resta interdit une seconde.

« Tu me prends vraiment pour un bleu. Tu préfères venir le premier avec Peter, Sirius ?

- Mais non, je plaisantais... »

Les trois têtes flottaient dans l'air. Sirius leur sourit et tapota la tête de Mowgli pour se retenir de lui adresser un signe.

« Bonne route. A tout à l'heure. »

Les trois amis empruntèrent le toboggan de Merwynn le Malicieux et revêtirent la cape en bas. Remus retenait fréquemment son souffle sans y songer, les mains moites. La proximité de ses amis le mettait mal à l'aise.

« On va passer par une fenêtre de l'infirmerie... »

Ils étaient enfin dehors. L'herbe mouillée fouettait les chevilles. Dans la nuit claire d'hiver, ils voyaient le saule cogneur grandir au fil des pas trop lents.

« Voilà, on y est ». 

L'arbre, sentant une présence, s'agita plus brusquement et ses bourrasques faillirent découvrir les jeunes sorciers. James regarda Remus s'aider d'une branche pour presser un nœud entre deux racines. Il prit la main de ses amis pour les emmener vers le recoin obscur où la trappe était dissimulée. « Vous pouvez descendre sur cette glissière, il y a trois mètres à peu près et vous arriverez par terre ». James descendit, regarda autour de lui.

« On peut allumer ?

- Dès que j'aurai fermé.

- Tiens, la cape.

- Vous promettez de ne pas partir de là où je vous laisse ?

- Promis.

- Et de ne jamais venir ici sans moi.

- Promis.

- James !

- Promis. »

Remus resta immobile un instant et James eût juré qu'il le voyait dans le noir, il en sentait la lourdeur accusatrice.

« Moony, je déconne. Promis, juré, sur la tête de Peter. Pardon. »

Remus hocha la tête, revêtit la cape et courut en sens inverse de toutes ses forces qui adoraient la nuit, s'épanouissaient dans les ténèbres, dans l'air impertinent, odorant de la nuit.

Le sourire de Sirius, quand il surgit dans la salle de bains, le renversa

tu portes si bien ton prénom, tu sais ?

Le chemin fut plus irrégulier, entre pas de course et moments suspendus au bras l'un de l'autre, semblant de liberté invisible et obscure. « Encore », « Il ne faut pas qu'on traîne... », « Je sais... Encore... », « Nous y sommes, chut... » Dans un grincement d'écorce, Remus lâcha la main de Sirius pour le laisser descendre le premier, éclairé par le halo doré des baguettes de leurs amis.

« Ça va Moony ? Ça t'a pas fatigué de refaire le chemin ?

- Non, pas du tout. Venez. »

Remus avança le premier, même s'il n'y avait qu'un chemin, les autres le suivaient, solennels et presque silencieux. Il voulait inciter ses amis à ne pas murmurer leurs plaisanteries respectueuses, leur demander au contraire de faire claquer du bruit sur les parois glauques avec toute la puissance de leur gentille insolence, mais lui-même se sentait si pétri de toutes les angoisses qu'il avait semées là au fils des mois qu'il n'arrivait pas à... 

Respirer, penser. 

Savoir ce qu'il voulait ni comment se comporter.

« On arrive bientôt ?

- Je ne sais pas, oui, je crois... »

Quelques minutes plus tard, Remus murmura :

« Voilà, c'est ici. Je vais monter le premier. »

Il ferma la trappe après l'entrée de James qui lui pinça les côtes au passage, par principe.

« Ohh...

- Aah...

- C'est charmant chez vous, monsieur Lupin ! »

Peter parcourait l'espace des yeux en dispersant des boules de feu pour éclairer :

« On a un beau volume ici, un séjour lumineux, cuisine... aménagée on va dire, et même une mezzanine ! »

Sirius pouffa par charité. Remus fit la grimace et s'adossa à un guéridon bancal dans un coin. James, Sirius et Peter avaient beau être les garçons les plus courageux du monde, le trait d'esprit s'évanouissait à mesure que la lumière entrait. Ils discernaient maintenant les griffures sur le bois, les bris de planches, les taches sombres... Et à chaque fois plus profond, plus massif, plus inconcevable que ce à quoi ils s'attendaient. C'est effarant, on le voit dans tous les coins défoncés. C'est terrible, l'imagination. Pendant un instant, Sirius se retrouva dans le salon du Square Grimmaurd, projeté contre les murs par son père. Il baissa la tête, les mains agitées et se cogna sur l'épaule de James qui toussota :

« On peut aller en haut ?

- Ouais ouais, gronda Remus, la voix rauque. On dirait pas mais ça tient debout. »

Tout grinçait sous leurs pas, la maison avait-elle été bâtie pour glacer les sangs afin de repousser les curieux ou était-ce leur impression, celle que les cauchemars de Remus s'étaient incrustés dans le bois, prêts à hurler à chaque instant si on les approchait de trop près ?

Deux petites chambres vides composaient l'étage, moins ravagées que le rez de chaussée. Le loup n'y montait probablement pas. Ils regardèrent entre deux planches de la fenêtre :

« On voit presque HoneyDukes !

- Faut pas sortir de la Cabane.

- Mais pourquoi ?

- Le sort. Vous ne pourrez plus l'approcher, si vous en sortez.

- Seigneur, que tu es malin. »

James se retourna et s'accouda à la mezzanine. Il parcourait l'espace du regard, et partout où il posait les yeux, Remus voyait le faisceau de ses projections imaginaires. Il y avait presque de la tapisserie rayée rouge et or dans l'escalier, presque des jeux sur la table entourés de quatre chocolats à la crème, presque un balai dans le recoin, près de l'entrée, des photos aux murs, des chaussures qui traînent, un feu dans la cheminée.

Est-ce que le loup sentirait leur présence quand il reviendrait ?

Et lui, recroquevillé dans le monstre, réussirait-il à en respirer le souvenir ?

« Tu crois que je pourrai venir vivre ici quand je me serai débarrassé de mes parents ?

- J'espère que tu trouveras mieux. »

Une mauvaise plaisanterie traversa l'esprit de Sirius, à base de parricide sanglant et de cellule sans mezzanine à Azkaban mais il se retint fièrement de la dire.

« Bon, déclara James. C'est pas qu'on s'ennuie mais tu sais jouer du piano ?

- Vite fait, comme ça. A l'oreille. Va essayer si tu veux. »

James lui donna une petite bourrade qui disait : d'accord, mais tu me rejoins vite, je descends juste pour te montrer, réveiller le naturel. Il dévala les escaliers avec Peter : « Sirius, viens, on va faire un spectacle ! ». Un instant après, ils pianotaient à quatre mains, se chamaillaient à la recherche d'une mélodie secrète, et les notes éclataient étrangement dans le chaos glauque de la cabane. Remus sentit un rire monter dans sa gorge mais il s'en sortit qu'un soupir.

« Tu t'attendais à ça ? demanda-t-il à Sirius.

- Je m'attendais à ce que James fasse le con. Je m'attendais à y arriver aussi. »

Il soupira, s'étira en tendant son corps en arrière, accroché à la balustrade qui craqua terriblement.

« Dans...

Cinq minutes.

Dans cinq minutes, on met tout sens dessus dessous et on danse autour du feu, aucun adolescent sorcier ou moldu n'aura jamais connu une soirée pareille, nous serons les plus terribles. »

Cinq minutes. Je prends d'abord toute la mesure de ce qu'on te laisse parce que, quand tu avais quatre ans, un criminel est venu te mordre.

Remus appuya son front sur son poing, légèrement tourné vers Sirius. Ne me dévisage pas. Mais en même temps, qu'est-ce que ça change, hein ? Toi qui sais tout. Il souriait, même, à en fendre le coeur. Sirius donna une pichenette dans une mèche de ses cheveux clairs. Remus, parfois j'ai si peur de t'aimer mal. Que puis-je faire de ces griffures sur ton visage, est-ce que tu me croiras si je dis que je les oublie ? Est-ce que ça te blessera ?

Remus grattait le bois. Ses ongles d'humain, trop souples, se tordaient sur les échardes.

« Aaah arrête ! » s'irrita Sirius en le retenant par la manche.

- Pardon, j'essaie d'être là, j'essaie d'être... Tu sais.

- C'est pour ça qu'on est là avec toi. A la vie, à la mort, les Maraudeurs forever. »

Et tous les accessoires de la fraternité.

« Je n'arrive pas encore.

- Commence par faire semblant, on se prendra au jeu. Regarde : James fait bien semblant de savoir jouer du piano. Et toi et moi, on fait semblant d'être amis.

- Alors qu'en réalité tu ne peux pas me supporter, ironisa Remus étranglé d'émotion.

- C'est vrai. Je ne supporte pas d'être à... »

Sirius mesura avec sa main qui avançait vers celle de Remus.

« Trois pouces de toi. »

Le sourire mutin de Remus se pinça d'embarras, ses lèvres délicates, parées de fossettes. Il est si craquant, c'est étourdissant. Sirius descendit trois marches, ils ne devaient pas s'attarder, tous les deux, là-haut. Alphard avait raison. Le destin n'a pas manqué de cruauté quand il m'a façonné. Ni, d'ailleurs, quand il a conduit Greyback à la fenêtre de Remus. Il se retourna, après trois pas, tira la langue, celle qu'il lui refusait dans leurs baisers. Remus sentit sans le vouloir un mouvement de sa propre langue, dans sa mâchoire bien serrée. C'est à croire qu'il est touché, même de loin. Sirius remonta l'escalier pour venir le chercher en même temps que montaient les voix adorablement dissonantes de James et Peter :

"He comes in colors everywhere !"

Et que monte en moi, honte en moi, quelque chose dont j'ai peur

Seigneur, que le désir est laid

"He's like a raaaiiiinboooow !"

Mais

Gronde, gronde, tu sais

Je peux bien faire semblant

Si je les entends danser sur le piano

mes imbéciles heureux

Si j'ai les yeux trop brouillés pour regarder

Si, au plus profond de mes os résonne une seule chose que Greyback a oubliée.


&


Le vendredi, ils terminaient par un cours de botanique. Après leur avoir formulé de bons vœux pour la nouvelle année, Chourave annonça le travail du trimestre :

« Vous allez construire un terrarium dans lequel vous miniaturiserez une plante de vote choix, avec les éléments de son écosystème. Le but est d'observer la façon dont les végétaux et leur entourage interagissent pour se charger de propriétés magiques. Expliquez leur fonctionnement, les difficultés que leur culture présente, les associations dont elles ont besoin ; notez bien l'évolution de leur croissance et de leur développement. Dans un second temps, avec le professeur Slughorn, au troisième trimestre, vous travaillerez sur leurs propriétés magiques.

- On fait avec qui on veut ?

- J'ai préparé des binômes... »

La fin de la phrase de Chourave s'évanouit dans les exclamations de dépit.

Remus fut associé à avec Vanessa Greco, une Poufsouffle, Peter à Mila Jenkins, Sirius à Daisy Miller, et James à...

« Lily Evans.

- C'est une blague ? fulmina Lily à côté de Remus.

- Ah c'est marrant, rigola-t-il, le menton dans la main, quand tu dis ça, on dirait exactement Sirius. »

Son sourire disparut presque sous le coup du regard noir de son amie. Il reprit confiance quelques heures plus tard, à la bibliothèque :

« T'as été mise avec un des fondateurs de la serre aux papillons, je crois que tu n'as pas trop à t'en faire pour ses capacités. »

Lily reposa l'immense grimoire qu'elle feuilletait et sourit avec acidité :

« Tu vois James, ici, à côté de moi, en train de travailler en parfaite cohésion comme Vanessa et toi ?

- Eh bien... murmura Remus en parcourant rapidement les rayonnages du regard.

- Cherche pas. Il m'a dit qu'il était content d'être avec moi parce que j'allais bien faire le travail. Et il est parti jouer au Quidditch.

- Il l'a tapotée sur l'épaule en disant ça, taquina Marlene.

- Ne-rigole-pas ! »

C'était vrai que Remus et Vanessa travaillaient bien ensemble, ils ne se connaissaient pas mais Lily avait la conviction qu'il était impossible de ne pas réussir à travailler avec Remus. Vanessa voulait un arbre, ils se décidèrent rapidement pour le tilleul, listèrent cinq espèces associées, se partagèrent le travail, paf, réglé, propre. Il eut un petit regard désolé pour Lily en quittant la salle de travail, elle lui répondit par une moue affectueuse. « Je pense que je vais travailler sur le gui... Il n'aura qu'à prendre le sujet en route... ». Sirius et Daisy avaient décidé de s'appuyer sur le travail réalisé dans la serre aux papillons et y récupéraient déjà des spécimens. Peter se confrontait au dépit de Mila qui réfutait chacune de ses propositions.

Remus fut bousculé dans le couloir par James qui arrivait en trombe, évidemment.

« Regarde ce que j'ai trouvé, je vais le montrer à Lily ! »

Et comme il avait dit "regarde" sans montrer, focalisé sur son objectif, et parce que Remus voulait connaître la suite d'un feuilleton qui promettait d'être fameux, il tourna les talons et emboîta le pas de son ami qui cachait difficilement quelque chose sous sa cape.

« Ne crie pas ! » avertit-il.

Et il fit tomber, sur la table de Lily, une plante visqueuse, pleine de tentacules qui s'agitaient pathétiquement. Elle laissa sur la table et le parchemin de sa camarade une bave bleuâtre qui brouillait l'encre de ses notes. Lily mordit la couverture de son grimoire pour ne pas hurler.

« Chu m'echpliques ? gronda-t-elle après cinq secondes de bataille de regards.

- Je sais pas comment elle s'appelle, mais regarde ! Avec ses tentacules, comment elle est dégueu ! J'adore ! Du coup, je pense qu'il nous faudra un terrarium aquatique parce que c'est une plante d'eau.

- Un aquarium.

- Ouais ! T'es fort, Remus. »

Lily leva les yeux au ciel. Les redirigea vers le spécimen qu'elle taquina du bout de la plume. Un tentacule s'y accrocha et elle dut le secouer plusieurs fois pour s'en libérer.

« Mais où t'as trouvé ça ?

- Ben, dans le Lac. Je préfère largement commencer par trouver une plante cool et après chercher le reste dans les livres.

- Tu n'étais pas allé jouer ?

- Ben non. »

Elle considéra sa trouvaille à nouveau. Elle était en train de se couvrir d'une sève épaisse comme de la gelée.

« Bon, ben, il nous faut un aquarium et du substrat. Tu as vu autour de quoi elle poussait ?

- Non, on va y retourner avec Sirius. Tu veux regarder dans un livre ce que c'est ?

- Non, je viens avec toi, la priorité, c'est de la maintenir en vie et je crois qu'elle n'apprécie pas trop l'air libre !

- Nettoie la table, on se rejoint à la serre.

- Tu plaisantes Potter ? Toi, nettoie ! Je vais au Lac.

- Mais n'importe quoi, tu sais même pas où je l'ai trouvée, sois pas chiante, Lily !

- Mais je ne vais pas nettoyer ton bazar, tu me prends pour qui, là ?

- Silence ! rappela madame Pince.

- Tergeo, soupira Remus.

- Ça te dit qu'on travaille sur le gui, du coup ? » proposa Peter à Mila qui accepta enfin.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top