Hiver 1974 : une enquête
photo : Mark Draisey (Eton College)
Un jour...
« Il lui est arrivé la même chose qu'aux Serpentard... »
Tout le monde continuait de dire « aux Serpentard » alors même qu'en ces temps avances de l'hiver, plusieurs élèves de chaque maison avaient été touchés par le mystérieux mal nocturne. James, qui s'était caché avec Sirius pour faire une farce à Peter (depuis qu'il avait appris grâce à l'épouvantard que Peter avait la phobie des chauves-souris, rien ne lui plaisait plus que d'en faire surgir à l'envi, les plus gigantesques possible, sur son passage) pendant que Remus était parti courir, pila tout net en entendant la rumeur. Sirius eût pu jurer qu'il avait vu un épi de sa tête se dresser, tel l'oreille alerte d'un chien à l'affût d'un gibier.
La camarade d'Alice reprit :
« Terreurs nocturnes ? Sensation d'étouffement ? Rideaux déchirés ?
- Tu restes sur cette théorie de Cauque-Mare, pas vrai ?
- Disons que je n'en ai pas d'autre. »
Elles bifurquèrent pour monter en Astronomie. Sirius retint James : cet escalier-là ne menait qu'à la tour, il serait trop suspect de leur emboîter le pas.
Dans la serre où ils avaient cours ensuite, ils sinuèrent de pot en pot, d'échelle en échelle - ils soignaient ce jour-là des heliamphoras giganteas dont le sommet des racines arrivait à leur épaule, discrétion assurée - pour souffler à Remus et Peter la conversation qu'ils avaient surprise. Mais pour leur gigantea malheur, les héliamphoras étaient des plants carnivores redoutables et ils devaient maintenir une vigilance constante pour ne pas se voir croquer un bout d'oreille. Pour couronner le tout, Sirius était en binôme avec Marlene, James avec Mary, qui avait échangé avec Lily dans l'espoir de se retrouver avec Sirius, Lily qui travaillait désormais avec Peter à son presque soulagement, tandis que Remus et Ian ne disaient rien mais ne s'amusaient pas moins de ces déconvenues. Sirius et James parvinrent toutefois à se faire comprendre de Remus et Peter, bien rodés à cet exercice qui consistait à combler et donner sens aux bribes de parchemins et murmures interceptés par chance en classe.
« Ça te dit quelque chose, Moony ? Avec ton père qui bosse dans le domaine, peut-être que tu en sais plus que nous !
- Non, je lui enverrai un hibou. On peut aller à la Bibliothèque aussi.
- Quelle idée.
- Black ! tu t'y mets ou je te jure que je coupe tes cheveux au sécateur ! rugit la voix de Marlene, happée une nouvelle fois par une feuille, au comble de l'exaspération.
- Vas-y, mais t'es pire que ma mère, en fait !
- Sirius, doucement avec les insultes... intima James.
- C'est elle qui a commencé ! »
Remus ne dénicha qu'une petite note au conditionnel, dans un des plus vieux grimoires de la Bibliothèque. Le Cauque-Mare, s'il existait, serait à classer parmi les incubes, se nourrirait d'angoisses en s'asseyant sur le thorax de sa victime pour provoquer de mauvais rêves. Mais le nom même du démon s'était confondu avec le nom de cauchemar, au point que son existence ne se distinguait plus de la légende, même chez les sorciers. En outre, ses traces étaient confinées aux terres du Nord, dans la Baltique, sa présence dans le Château était donc doublement douteuse.
Le lendemain, ce fut Marlene qui murmura à Lily, devant eux en cours de Métamorphose : « Tu as vu la lisière de la Forêt ? On dirait qu'une abatteuse leur est rentrée dedans...
- C'est le Cauque-Mare ! clama James dans leur dos.
- La ferme, on t'a pas sonné !
- Mêle-toi de tes affaires !
- Il ne s'est rien passé d'étrange dans votre dortoir à vous ?
- ...
- Suis-je bête, ça doit être toutes les nuits tellement étrange dans les dortoirs de fille, allez raconte-moi tout, je te dirai si c'est un incube ou pas !
- Mais tu rêves coriacement, toi !
- Marleeeeeene... !
- Qu'est-ce que c'est que ce conciliabule ? interrogea McGonagall en s'approchant.
- C'est James, soupira Marlene.
- Cela concerne mon cours ?
- Eh bien... commença James, l'air de faire semblant d'hésiter, très subtilement.
- On se demandait un truc, le soutint Sirius, mais c'est pas très...
- Enfin, c'est hors programme, en fait...
- Dans ce cas, reprit l'enseignante, merci de...
- Comment on devient Animagus ? » coupa Peter.
James et Sirius blêmirent, liquéfiés sur place. Ils se ressaisirent pour soutenir le regard de leur professeure comme si de rien n'était.
« Pardon ? Cela n'a aucun rapport avec la leçon du jour !
- Certes mais a... avouez que c'est heu, fascinant ! Ça doit demander un sacré niveau de magie !
- Épargnez-moi la flatterie quand vous souhaitez apprendre quelque chose, suivez plutôt mon programme et mes conseils » grimaça l'enseignante.
Elle regarda Remus, tout pétri d'innocence ; puis Sirius au sourire en coin ; et James, les yeux étincelants d'espoir et à son tour, elle se sentit blêmir et liquéfier.
Ils n'y pensent pas quand même ?!
Elle retint prodigieusement un soupir, s'appuya d'un doigt sur leur table et parvint à n'effectuer qu'un minuscule, presque imperceptible, NON ?! de la tête.
Sirius et James, d'un même mouvement, un peu moins imperceptible, répondirent : SIII !
« La formule est dispensée uniquement par le Ministère, une fois le pré-accord obtenu, articula-t-elle.
- Ah les s... sages personnes que voilà ! », approuva James, la mort dans l'âme.
L'enseignante les évalua de nouveau du regard. James et Sirius, gémeaux épuisants de témérité. Remus, un peu perdu, à deux jours de la pleine lune, l'avenir plus qu'incertain. Peter perdu, dans la vie, rescapé par cette amitié incongrue dont on ne pouvait s'empêcher de se demander avec une pointe de culpabilité d'où elle naissait.
Dangereux ? Peut-être. Elle s'en voulut un instant de se dire : de toutes façons, ils n'y arriveront pas. Elle pensa surtout : de toute façon, avec ou sans moi, ils essaieront.
Ils sont intrépides avant toute chose.
(Foutus Gryffondor)
Elle ne s'en voulut cependant pas un instant de hurler intérieurement, épouvantée : ALERTE ! qu'ils n'aillent pas demander à Dumbledore, il serait capable de se laisser persuader !
Aussi fabuleux fussent-ils, c'était comme ça : Remus à la cabane, animagus recensés et tout le monde en sécurité.
McGonagall avait l'esprit vif, aussi une seconde entière n'avait pas terminé de s'écouler quand ce débat intérieur prit fin.
« Ils sont très peu à y parvenir, je sais que l'année dernière ils n'ont été que deux avec madame Athenray, et cela faisait quatre ans qu'il n'y avait pas eu de nouvelle réussite. Vous avez largement le temps de développer vos facultés, n'est-ce pas ? »
Elle appuya un peu plus son regard. Sirius essaya un clin d'œil.
« C'était quoi ce prétexte idiot ? » soupira Remus en frottant amicalement la tête de Peter quand elle s'en fut retournée à son bureau.
Les trois compagnons louèrent les lacunes rares mais denses de sa perspicacité. Sirius passa même un bras compatissant sur ses épaules.
« Elle est marrante, la McGo, comme par hasard, elle nous parle de la seule prof qu'on ne peut pas...
- C'ÉTAIT QUOI CE PRÉTEXTE IDIOT ? REMUS AURAIT PU NOUS GRILLER !
- Je sais pas, je me suis dit qu'avec de la flatterie, ça passerait et franchement c'est cool, on progresse !
- Mais quoi mais de rien du tout on progresse ? Athenray est CA-CHÉE !
- Ah, la fourbe. »
Remus soupira, les yeux encore fermés, enfoui dans des draps à la propreté accablante.
Un petit froissement de rire chatouilla son oreille encore sensible.
Puis un « CHUT, IL DORT ! » sonore.
James.
Il leva un bras courbaturé, grimaça à cause des élancements qui hérissaient sa nuque et tira doucement le rideau. Sirius se souviendrait longtemps du merveilleux étonnement joyeux qui irisa son visage gris à ce moment-là.
« Ah bravo, tu l'as réveillé ! fit-il semblant de protester en se jetant au chevet de son ami.
- Qu'est-ce que...?
- C'est quand je t'ai vu, le jour de la visite médicale, je me suis dit qu'on pourrait venir te tenir compagnie à tes réveils. Il n'y a pas de malades cet après-midi, madame Pomfresh a accepté qu'on vienne.
- Ça alors...
- On n'était pas censés rentrer dans l'infirmerie, précisa Peter, mais elle s'est absentée, alors...
- C'est sa faute ! », conclut James.
Remus sourit et se renfonça dans les oreillers. Il murmura, la voix plus rauque encore que d'habitude : « J'ai une sale tête...
- On a ce qu'il faut pour rétablir ça : des dragées au piment qui vont bien bieeen t'enflammer la gueule, et du chocolat blanc pour la douceur !
- C'est la saint Valentin la semaine prochaine.
- Quel rapport ? »
James, épuisé par son entraînement de Quidditch, se laissa tomber, sur un tabouret, la tête dans l'édredon qui couvrait les jambes de Remus. Sirius avait repris place près de la tête de lit, comme le jour où il l'avait surpris pour la première fois. Remus sourit doucement. Sa main errait sur l'oreiller, près de sa joue ne pouvait se retenir de jouer avec des mèches cendrées.
« C'est toi qui sens bon comme ça ?
- Oui, j'ai le grand privilège de recevoir un bain infusé aux plantes apaisantes quand je rentre... Moi je n'en peux plus de cette odeur mais Pomfresh y tient. »
Sirius sourit. Remus s'éloigna légèrement. « Tu me chatouilles, prétendit-il.
- J'oubliais.
- Mon œil. Tu n'oublieras jamais que je suis chatouilleux, ça t'amuse trop ! »
Ils pouffèrent de rire. Sirius avança encore les doigts vers ses cheveux, machinalement, et se ravisa à temps.
« Hey
Tu chantes Let it be ? »
« M. Flitwick ?
- Oui ?
- Avez-vous les coordonnées de Mme Athenray ? Nous aimerions lui envoyer tous nos vœux.
- Vos vœux ? Mais janvier est terminé depuis longtemps !
- Oui, fit Sirius en poussant Peter vers l'enseignant. Mais là c'est pour... La saint Valentin ! »
&
Merci
à
toi
et tous les
toi
qui me lisent
et parfois un peu plus
<3
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