Hiver 1973 : une devise

Art : Alessia Trunfio

Un jour...


 « Monsieur Black, bien que je ne puisse que vous féliciter pour votre maîtrise impressionnante du sortilège de jambencoton, je ne peux m'empêcher de m'interroger devant une telle fougue..., s'enquit Eiffel.

- Ben quoi, marmonna Sirius, lorsqu'elle fut hors de portée de voix, il faut bien que je réponde un peu à la clique des Black... Ils ne savent pas communiquer autrement. Tu vois tous les efforts que je fais avec ma famille ? Note ça pour le jour de mon enterrement. »


« Monzieur Pettigrow, zozota Athenray, z'ai bien remarqué que dernièrement, vous étiez bien plus invezti en claze, vous allez progrezer zans aucun doute, continuez comme za.

- Elle m'a regardé ! Elle connaît mon nom ! Elle m'a encouragé ! s'émut Peter, les yeux remplis de cœurs.

- Qu'est-ze-qui lui arrive ? » murmura James, intrigué par les soudaines et irrégulières difficultés d'élocution de leur enseignante.


« Clavustratum ! » murmura James, les sourcils froncés, le regard clair, la baguette fermement brandie, en direction du clou qui brillait au milieu de sa table.

« Je ne l'ai jamais vu si appliqué ! » s'étonna Remus.

La puissance du sortilège, gorgé de l'énergie que son ami lui avait insufflée, ébouriffa ses cheveux. James saisit délicatement ce qui était devenu une petite clef argentée.

« Victoire des victoires, tout n'est que victoire ! se félicita-t-il en embrassant son œuvre. Tu comprends, Remus, il nous faut toujours la clef de la Réserve de la bibliothèque...

- Les résultats sont parfaits mais, si j'ai bien compris, vos intentions sont mauvaises ? soupira Remus aux trois bobines qui souriaient de toutes leurs dents. Oh, je vois ! Méfait des méfaits, tout n'est que méfaits !

- Assurément ! Puisque tu ne veux toujours rien nous dire sur... tusaisquoi !

- Mais vous aimez trop gagner pour que je vous donne simplement la réponse.

- Tu es redoutable, Remus... Je me demande qui est finalement le plus mal intentionné de nous quatre. »

McGonagall félicita Remus qui avait réalisé une clef parfaitement fonctionnelle.

« Et toi, Remus, pourquoi tu travailles tellement ?

- J'aime bien... rougit Remus.

- Même l'Histoire de la Magie ?

- En... quelque sorte ? Pas les cours de Binns, poursuivit-il maladroitement, mais... ça me fascine de découvrir les frontières et passerelles entre le monde magique et les légendes moldues... La transparence. C'est frustrant aussi, on est si proches !»

James soupira, tandis qu'ils atteignaient les jardins avant la reprise des cours de l'après-midi :

« Oui mais les méfaits ?!

- Méfaits ? James ! Je ne suis même pas censé étudier la magie ! Être ici, c'est déjà un méfait ! Je vous bats tous ! Héhé !

- Arrête de frimer, c'est le méfait de Dumbledore ça, pas le tien ! »

Un peu plus d'un mois s'était écoulé depuis que Remus leur avait révélé son secret. Ils n'en avaient pas beaucoup reparlé, il y avait trop à faire en classe, dans les couloirs et sur les toits. Simplement les fatigues et nervosités de Remus s'expliquaient désormais. Il y avait des chutes dans l'épouvante, et encore beaucoup de retenue. Mais il s'efforçait de garder les cauchemars pour la nuit et, pour le jour, leur lumière.

« Eh, mais alors, comment font les autres ? Ils doivent bien apprendre la magie, maîtriser leurs pouvoirs. Ou même si quelqu'un se faisait mordre, dans une autre école, on le renverrait ?

- Il y a beaucoup de loups garous jeunes comme toi ?

- Je ne sais pas vraiment. On n'en parle pas beaucoup. »

- Oui, c'est vrai... »

Moins on en parle, mieux on peut faire abstraction de leur existence. Ils dérangent, ceux dont on ne sait pas quoi faire, entre le martyr et l'assassin, trop semblables aux humains.

« J'ai juste entendu parler de... Vous devez le savoir, non ? Mes parents n'aiment pas qu'on aborde ce sujet, mais je l'ai lu dans un article. Les villages un peu spéciaux.

- Spéciaux ?

- Si, vous savez : il y a des loups-garous qui vivent là, entre eux, en communauté. Je pense qu'ils s'entraident et s'éduquent comme ça. Ils ont des cages homologuées, il y a des contrôles réguliers du Ministère et tout, c'est cadré, hein, sécurisé. Je ne sais pas combien il y en a, de ces villages, peut-être un seul. Ils sont construits à l'écart des villes, pour ne pas déranger pendant les nuits de pleine lune.

- On les oblige à aller vivre là ?

- Indirectement ? bougonna Peter. J'imagine que pas grand monde ne veut louer un logement à un lycanthrope, ni vivre dans son voisinage, alors à force, ils finissent par aller dans ces coins-là.

- Oui, voilà. Ils font bonne figure ainsi, et au moins, ils ne sont pas isolés. Parfois, ils peuvent même proposer leur force de travail, c'est très pratique. La seule obligation des lycanthropes, c'est de se faire inscrire sur le registre, pour le reste, ils sont libres.

- Je n'y pensais plus, souffla James. Tu vas te faire inscrire ?

- Je le suis déjà. Mes parents ont bien fait les choses. »

James était glacé de honte mêlée d'effroi. La discrimination était si forte et si ancrée qu'il ne l'avait jamais questionnée, ne s'en était pas inquiété jusque là. Tout prenait chair maintenant, sous le visage sage de Remus et sa voix. Sa résignation optimiste. Est-ce qu'il s'en rend compte ? Est-ce qu'il veut nous faire réagir ?

« C'est pas terrible, hésita-t-il.

- Non, admit Remus. Mais ça ne veut pas dire que c'est comme ça pour tous. C'était juste un article. Je pensais que vous saviez. »

Et les sorciers dorment tranquilles dans leurs petits lits, en se confortant dans l'idée que les loups garous ne savent vivre qu'entre eux, à l'écart des villes, proches des espaces sauvages encore. Des flammes mordaient le thorax de Sirius qu'il eût voulu lancer sur ce monde cousu de mensonges et d'hypocrisie.

« Non, murmura James.. Je... Je ne savais même pas que ces villages existaient.

- Ah. Ça ne doit pas être un truc dont les sorciers se vantent. Oh, ne fais pas cette tête, Sirius, les moldus ont fait pire.

- Je n'aime pas quand tu es sarcastique ! cracha Sirius. Que tu sois ici, c'est loin d'être le plus grand des méfaits. C'est tout petit, ridicule ! Et toi, tu travailles bêtement pour faire tes preuves, en espérant ne pas finir dans un endroit pareil ?

- Non. »

Aucun loup garou ne fait jamais ses preuves.

« J'espère bien. Jamais on ne te fera ça !

- Ça ne les empêchera pas d'exister.

- On s'en occupera ! »

Remus sourit, un très beau sourire au soleil du lac.

« Les loups-garous... » commença-t-il.

Bien que ses amis eussent un millier de choses à dire, la discrimination à déplorer, des excuses et même des promesses, ils lui laissèrent le temps de trouver ses mots, c'était bien à Remus d'élever sa voix, pour fustiger les inégalités, les entraves, et ce serait à eux de l'accompagner et le soutenir, et d'élargir le méfait entamé par leur directeur. S'il pouvait le dire, simplement le dire pour les rassurer après cet échange dérangeant, ils s'y engouffreraient.  

Remus déclara, d'une voix haute et assurée :

« Les loups-garous, c'est vraiment des créatures ignobles. »



« Professeur!

- Non, monsieur Black, vous n'êtes pas autorisé à aller aux toilettes.

- Non, j'ai une question ! »

Slughorn haussa un sourcil.

« À propos de votre potion ?

- Oui. »

L'air dubitatif de Slughorn irrita Sirius mais il respira profondément afin d'articuler avec politesse :

« Je n'arrive pas à avoir une décoction verte, elle reste bleue.

- Avez-vous correctement suivi la recette ? Le foie devait être découpé au couteau d'argent, pas de cuivre.

- C'est niveau première année ça », ricana Snape, le visage plus blafard encore sous les reflets glauques de sa potion.

Sirius leva les yeux au ciel, inspira une seconde fois, plein de bonne volonté, changea d'avis et cracha dans le chaudron de Snape.

« Oh oh... murmura Peter.

- Professeur ! beugla Snape.

- Monsieur Black ! tonna Slughorn.

- Merde ! s'écria James.

- Langage !

- Oh, c'est bon ! Je suis sûr qu'elle est encore meilleure comme ça, ta potion !

- Ah oui ? Parce que moi j'ai lu la recette, il n'y a pas de bave de chien dedans !

- On teste ? frima Sirius en lui arrachant sa louche des mains avant de la porter à ses lèvres.

- Accio ! s'écria Slughorn, outré. Monsieur Black, boire une potion d'enflure ne vous agrandira pas la cervelle !

- Expliquez mieux, alors !

- Vous bénéficiez de mes conseils depuis un an et demi ! Ce n'est pas LE jour où vous avez décidé de travailler sérieusement que je vais vous donner des leçons particulières ! »

James et Peter retinrent chacun un bras de Sirius pour le forcer à se rasseoir. « Allez, murmura James, tu t'es rattrapé dans toutes les matières, tu vas y arriver en potions aussi... Tu vas leur montrer... »

Le regard des camarades brûlait Sirius. Il n'avait pas voulu ça. Parfois, cette boule de rage lui donnait l'illusion d'être invincible et dépassait sa pensée. Elle ne l'avait pas quitté depuis son premier frisson face à ses parents, et plus il avançait dans ce monde fallacieux, plus elle croissait, nourrie de chaque désillusion.

Il plongea le regard dans son chaudron, puis son grimoire. Une potion d'enflure, génial... Qu'est-ce que cela allait lui apporter dans la vie ? Quand l'ensemble de la classe eut repris son activité, Sirius murmura à James :

« Si tu réussis à détourner l'attention de Slug pendant la retenue qu'il me donnera probablement ce soir, je serai ton esclave pour toute la journée demain.

- Méfait des méfaits, tout n'est que méfait, une journée c'est pas assez si tu ne me dis pas ce que tu veux faire. Interdiction d'explorer le couloir secret sans moi.

- Promis. Un bonus : massage après ton prochain entraînement de Quidditch, même si c'est pas demain.

- Non merci. Un jour et demi. Et la nuit entre les deux. »

Slughorn corrigeait des parchemins pendant que Sirius vidait les étagères de leurs fioles et herbes séchées, époussetait le bois, polissait les flacons et les rangeait de nouveau. La tâche eût été insupportable sans la collection de grimoires anciens disposés derrière le professeur qui attirait son regard, le plus discrètement possible. Tendu d'impatience, il envoyait des prières mentales à James pour qu'il se décidât enfin.

Un bruit sourd retentit dans le couloir, suivi de cris de colère et d'applaudissements. Slughorn se leva et ordonna à Sirius de le suivre.

« Qu'est-ce que vous voulez que je fasse, ici ? Que je m'échappe ?

- Comment vous dire ? » répondit sarcastiquement le professeur en désignant la pièce pleine de produits magiques, de livres interdits que Sirius projetait bien de feuilleter, de potions qui mijotaient, dans l'arrière-salle, arrivées à la moitié de leur préparation délicate.

« C'est ça ou je vous pétrifie. Je n'ai pas confiance en vous, je le regrette.

- La confiance, peu importe, mais épargnez-moi les regrets, marmonna Sirius en ouvrant la porte.

- Toujours le dernier mot, Black, hein ? »

Lorsque Sirius rejoignit le couloir menant à la salle commune, James grimpa sur son dos et demanda : « Méfait accompli ?

- Je crois qu'on va devoir essayer différemment... »

Remus était assis sur le rebord de la fenêtre, le sourire vers le ciel un peu triste et rêveur. A cette vision, Sirius tressaillit. James le sentit.

« Tu veux le guérir, c'est ça ? » murmura-t-il à son oreille.

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