Hiver 1972 : une sensation


Un jour...


Sans l'admettre encore, Sirius adorait voler. Parfois, il accompagnait en balai Remus dans ses courses rituelles. Si ses parents le voyaient, chaussé de baskets moldues défraîchies, vêtu d'un jersey informe, à faire le tour du lac à petites foulées, quel mépris il s'attirerait ! Combien d'autres élèves de Poudlard le regardaient ainsi ?

Bouffée déstabilisante.

Remus s'élançait pourtant, inconscient de son incongruité mais il y avait quelque chose de plus simplement triste. Sa solitude, peut-être. « Ça ne me dérange pas d'être seul ! » Pour écraser le mépris, Sirius le suivait parfois à balai. Il s'amusait à caracoler dans des figures improbables, plus téméraire que James et bien plus nerveux.

« Je t'interdis de tomber ! prévint Remus à qui il venait d'arracher un sursaut.

- Pourquoi ? frimait-il.

- Tu me déconcentres !

- Il faut se concentrer pour faire ce que tu fais ?»

Déjà, il s'éloignait à nouveau, à longues foulées élastiques. Sirius le frôla en arrivant à son niveau, et recommença à défier la gravité devant lui, au bout du chemin. « James a raison. Tu pourrais te mettre au Quidditch. » Sirius secoua la tête en bas, les yeux plissés.


Mais après un match particulièrement ardent contre les Poufsouffle, lors duquel James avait failli se faire percuter par un cognard à deux reprises, Sirius se décida à affronter le regard des batteurs de Gryffondor. Sans doute la lettre que ses parents lui avaient adressée le matin-même y était pour quelque chose. Sûrement le fait qu'il fut surpris à frapper une porte des toilettes des garçons et que Mme McGonagall lui intima de se trouver un défouloir. S'ajoutait à cela le plaisir de passer du temps avec James et son équipe tapageuse.

Dans le ciel du stade, plus haut qu'il n'avait jamais volé, ses cheveux noirs fouettaient son visage. « Attache-les, c'est dangereux ! » ordonna Daniel. Sirius n'obtempéra que parce qu'il retenait le cognard dans son étui.

« T'es sûre que je peux lancer un vrai cognard sur lui du premier coup ? demanda-t-il à sa coéquipière. Moi, on m'avait entraîné avec des balles...

- Vas-y, Merlin ! glapit Sirius.

- Vas-y, confirma Margot, McGo a dit oui. Au pire, il tombe.

- Je ne tomberai pas ! »

Il serra les mains sur sa batte. Sport d'abrutis.

L'excitation irradiait dans ses membres.

La balle fusa vers lui. Les pieds croisés sous la brosse de son balai, il tendit le buste et frappa de toutes ses forces. La douleur irradia ses bras et lui arracha un cri de violente satisfaction. Il piqua aussitôt vers Daniel qui avait capturé le cognard et palabrait vainement pour lui apprendre des coups plus efficaces et moins douloureux.

« On peut refaire ça ? On peut le refaire exactement comme ça ?

S'te plaît ? »

Il avait envie de rire. C'était comme casser la vaisselle de cristal des ancêtres. Il termina l'entraînement le nez en sang, bombardé d'endorphines, un tour de magie dont Remus lui avait parlé. Est-ce le nom qu'on donne à cette impression d'être vivant ?

« Non, Black, on ne prend pas de première année dans l'équipe, tu ne feras pas le poids face à un gars de quinze ou seize ans. Mais viens t'entraîner le mercredi, tu as la niaque pour devenir batteur, dans quelques années. »

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