Hiver 1972 : un retour
CW : sang
Un jour...
Remus lutta pendant le trajet du retour à Poudlard, dans le train qui traversait les brumes moroses de janvier. La pleine lune, deux nuits auparavant l'avait terrassé comme jamais. Il fêterait bientôt ses douze ans mais il lui semblait que le loup en lui était bien plus développé ; pressant et redoutable. Un vrai loup adulte, qui prenait toute la place dans ses cauchemars la nuit et le jour dans ses pensées. Les mauvais rêves qui émergeaient de plus en plus souvent le laissaient pantelant d'effroi et de dégoût, au bord du précipice. Remus n'était pas prêt à affronter ça.
Il s'en voulait de ne pas être une compagnie joyeuse en ces jours prometteurs de début d'année. James et Peter se désolaient de le voir si abattu et personne ne savait quoi se dire. Il raconta vaguement que sa mère était malade, et il avait déjà failli oublier cette histoire lorsqu'il se réveilla en sursaut d'une sieste, après avoir éventré celle-ci et s'être délecté de ses entrailles au point qu'il se léchait les lèvres en dormant. Ses amis avaient quitté le compartiment, probablement pour rejoindre des camarades d'humeur plus joueuse. Le rire familier sonna au loin et Remus ferma les yeux, c'est bien... Ça ne peut pas durer... ça ne continuera pas longtemps comme ça, ma mélancolie, mes humeurs inconstantes... et... Le souvenir de son rêve lui arracha un haut le cœur. Il avait encore en bouche le goût précis du sang et sa viande dans la gorge, une boule infecte qu'il eût voulu pouvoir vomir alors que dans son ventre s'épanouissait une sensation de plénitude intolérable.
Personne n'avait vu Sirius. Il n'avait pas non plus écrit de toutes les vacances. Cette préoccupation s'ajouta à l'obscurité dans laquelle baignait cette décidément triste journée de janvier. Mais il surgit dans le dortoir en toute fin de soirée, le crâne rasé, presque blanc.
« Mes parents n'ont pas voulu que je perde mon temps dans le train. Dumbledore n'était pas d'accord pour que je passe par la cheminée, mais Slug a évidemment cédé... marmonna-t-il en entrant dans la salle de bains, vide à cette heure tardive.
- Tes cheveux ? proposa James.
- Plus tard. Peut-être.
- Tu as reçu mes lettres ? demanda maladroitement Remus.
- Tes... ? »
Remus mettrait du temps à comprendre qui se passa ensuite. Une cascade déchira l'œil d'acier de Sirius. La colère dominait, persista et Remus craignit de l'avoir invoquée, jusqu'à ce que Sirius répondît :
« Ah. Oui. Désolé mais j'étais occupé. »
Remus tourna lentement la tête vers James dont le regard dégageait le même horrible soupçon. Sirius soupira, récupéra son visage perdu entre le miroir et son reflet et s'enferma dans une cabine pour faire couler une douche très chaude. La pièce fut bientôt baignée dans des nuages moites qui faisaient pulser douloureusement le sang dans les blessures de Remus.
« Ton frère va bien ?
- Oui oui.
- Tu as été gâté ?
- Trop. »
James et Remus n'osaient même plus se regarder.
« Vous êtes pas obligés de rester là.
- Eh, ça fait deux semaines qu'on ne t'a pas vu ! On est content d'être avec toi ! »
Il y eut un silence. L'eau avait cessé de couler.
« Oui, moi aussi. Je suis juste fatigué. Il y avait toute la famille pendant deux semaines. »
Il sortit enfin de sa cabine. La douche n'avait pas détendu ses traits durs et nerveux, son regard fuyait, impénétrable. Pire : méconnaissable. Une main glacée gifla Remus. Ce n'est pas lui. Où est notre Sirius ? Je ne le reconnais pas. Il n'est pas de retour parmi nous.
Et puis surgit une autre question, plus insidieuse, plus effrayante : que lui ont-ils fait ?
Sirius était couché. Remus hésita puis effleura doucement le baldaquin fermé en appelant son nom. Un chuchotis lui répondit : « Je suis fatigué.» Pas laisse-moi, ou tais-toi, non. Je suis fatigué. Il ferma les yeux. Sa main caressait le doux tissu du rideau pourpre et, un peu plus haut, la blessure de son bras continuait de brûler. Les pleines lunes devenaient insupportables, et Sirius était méconnaissable.
Mais ils étaient revenus.
« Dors, tu es en sécurité ici. »
Et puis :
« Nous nous retrouverons. »
Quelque chose, il n'en était pas certain, quelque chose effleura sa main de l'autre côté du rideau.
« À demain. »
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