Hiver 1972 : un éveil

Art : ViLebedeva

TW : sang, agression



Un jour...


Extase

De l'anticipation

Le cœur dilaté, les nerfs électriques, les muscles bandés pour le saut. Sa puissance se masse, charriée dans une confiance inébranlable. Tous les poils sont hérissés, qui ondulent délicieusement sur la peau tels une couronne.

Je suis le maître


Excitation

De la traque

Les voix enfantines aguichent, les inconscients, et il n'y a qu'à se laisser guider par le rire qui éclate dans leurs gorges fraîches, ventre à terre, à pas de velours, habillé de ténèbres. Son regard viole l'obscurité. La nuit entière est mon domaine

Je suis là

Et vous n'en savez rien 


Désir

De l'odeur

Si criante qu'il peut la voir balancer devant ses yeux . Chaque effluve fond sur sa langue et ses crocs avides dans une immense palpitation écarlate. Elle dessine jusqu'à lui le chemin écarlate, éveille un grondement de


Plaisir

Du vol

Le petit d'homme est curieux, à peine inquiet, pas encore effrayé. Un petit d'homme plein de défiance. Sa main se soulève à la gueule avide qui le flaire, les babines frémissantes. Son ventre et le creux de son cou se dérobent avec gêne. Oh, cette gêne est exquise. Plus !

Son cri de terreur

Enfin !

La peau tendre cède à merveille sous les dents

Le sang inonde sa gueule

Jamais, il n'en sera rassasié, de ce sang venu d'entrailles chaudes et molles

Cette viande vivante

Toi !

Tout était calme comme la mort dans le dortoir des Gryffondor. Le cœur de Remus cognait à lui faire mal, seul vivant dans son corps écrasé. Dégage, dégage sale cœur, tire-toi de là, sauve ta peau !

Il était en nage, en larmes, et, plus bas - il se prit à espérer que ce soit du sang - un liquide poisseux avait imprégné ses draps. Une brusque nausée rompit sa catalepsie, et le plus silencieusement du monde, il se précipita jusqu'à la salle de bains où il s'effondra tout habillé sous la douche, vomissant tout ce qu'il pouvait, dégoûté de vomir, dégoûté de pleurer, horrifié par ce monstre qui s'emparait de son corps et jouissait en dévorant les chairs de...

Un nouveau sanglot de terreur le secoua. Fébrilement, il arracha le pyjama trempé qui collait à son corps, frotta ses membres parcourus de cicatrices haïssables jusqu'à ce que sa peau brûlât. Il s'accroupit, fouetté de spasmes. Ces palpitations l'étouffaient. Il griffa sa peau, sa chair affamée en rythme, pour reprendre son souffle par un stupide instinct, alors qu'il ne rêvait que disparaître, fondre dans l'eau, ne plus

jamais

être

jamais

un corps

jamais 


« Remus ? »

Il bondit.

« C'est moi, James. Remus, ça va ? »

Respire. Respire. Remus finit par articuler, secoué de hoquets :

« J... J'ai... ai oubl...é... ma serv... iette.

- Ah, attends, je te l'amène ! »

James

Comment regarder James en face ? James, je ne suis pas celui que tu crois, je mens, je mens tout le temps, tu ne peux pas savoir

Pourtant, parce qu'il avait une minute de répit, Remus passa les mains sur son visage, se rinça la bouche, le nez, coupa l'eau et se dressa sur ses jambes. Ses yeux s'emplirent de nouvelles larmes à la sensation de ses muscles et sa peau vivants.

« Tiens ! »

Le tissu lourd et frais tomba sur sa tête. Il avait oublié ses vêtements aussi. James allait le voir nu et tout lacéré.

« Merci... Tu peux... y aller. Excuse-moi pour le dérangement. »

Il n'entendit aucun bruit. Son ami hésitait.

« T'es sûr que ça va ?

- Bah oui ! Allez, file ! » « Tu attends quoi ?

- Tu ne sors pas ?

- JAMES borde... ! »

le cri de Remus fila dans les aigus avant de se casser dans sa gorge.

« Je crois que tu serais mieux à l'infirmerie. »

Remus capitula.

« Je crois aussi... »Je ne mérite pas...James lui apporta ses vêtements. Remus sortit de la cabine blême, presque gris, le regard fuyant. Son ami voulut glisser l'épaule sous son bras mais il le repoussa.

« Ne pose pas de...

- Chut. »

Il était encore tôt, seuls les préfets descendaient déjà dans la salle commune. La traversée du château fut douloureuse mais Remus ne se plaignit pas. De temps en temps, il frottait ses yeux, le souffle coupé. James brûlait de questions mais il savait, il eût su sans que Remus ne le demandât, que ce n'était pas le moment de les poser. Il tapotait seulement son épaule quand son ami vacillait.

Madame Pomfresh le coucha, l'examina lentement, sans le brusquer. Il frémissait encore de dégoût, à la simple pression des doigts sur sa peau, d'un regard sur son corps. Elle lui administra une potion apaisante.

« Ça ressemble à une crise d'angoisse. Tu sais ce qui l'a provoquée ?

- Pas vraiment... Enfin, j'ai fait un cauchemar. Mais ça arrive souvent à cette période.

- Tu rêves que tu es attaqué ? Tes rêves te font revivre ça ? »

Un nuage de panique voila le regard de Remus.

« Plus maintenant.

C'est moi qui attaque », avoua-t-il d'une petite voix.

Madame Pomfresh réfléchit un moment, le regard tourné vers la fenêtre, puis Remus. Elle pressa doucement son front d'une main agréablement fraîche.

« Il n'existe pas suffisamment d'études sur la lycanthropie pour que je puisse l'établir, mais tu grandis...

- Pas assez... je ne peux pas lutter contre lui.

- ... Il est possible que ces rêves soient liés à ta puberté. »

Remus rougit violemment.

Un nouveau haut le cœur lui provoqua des palpitations. Il posa loin de lui la potion encore à moitié pleine, dont les relents le révulsaient maintenant.

Il attaque Sirius.

Il attaque Sirius.

J'attaque Sirius

« Je suis trop petit... » gémit-il.

Il est trop petit

« Cette agression que tu as vécue enfant était terriblement traumatisante. Tes rêves sont, j'imagine, tout aussi terribles. Mais ce ne sont que des rêves, ils sont là pour te permettre de crier, de décompresser, de comprendre, peut-être. En aucun cas tu ne dois te sentir coupable. Tu n'as fait de mal à personne. »Je peux supporter les cauchemars et les métamorphoses

et la solitude

Mais pas lui faire de mal

pas lui

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