Hiver 1971 : Yule



Un jour...


« Il FAUT qu'on trouve un moyen d'aller à Pré-au-lard ! »

Quatre têtes superposées à la fenêtre de la salle commune se languissaient en regardant en direction de la gare.

« C'est trop injuste ! En plus, ça doit être si beau en décembre... »

Ils avaient passé la matinée à faire une bataille géante de boules de neige, avec d'autres première année, s'entraînant sur aux sortilèges par la même occasion. Les projectiles de Remus et James décrivaient des trajectoires véloces, dignes de celles d'un Vif d'or, ceux de Sirius étaient les plus rapides mais ils explosaient spontanément avant d'arriver à leur but, comme s'ils cédaient sous la pression d'une force invisible.

Après le déjeuner, les élèves les plus âgés s'étaient rendus au village. La préfète des Gryffondor, Cora, avait proposé de se cotiser afin d'acheter des bonbons et des jeux pour leur salle commune, et ils attendaient son retour avec impatience. Les autres élèves travaillaient à la bibliothèque ou s'étaient calfeutrés dans leurs salles communes respectives. Mais la paresse n'était pas au goût des quatre amis. Ils avaient bien déambulé sur le toit (et manqué de glisser), réfléchi à quatre moyens de glisser une boule de neige dans le lit de Snape (mais la simple idée d'approcher ses draps les repoussait), s'étaient défiés lors à la course de balais (mais Rusard les avait arrêtés car ils ne respectaient pas le périmètre imposé), ils n'y pouvaient rien : l'agitation bouillonnait en eux et la curiosité leur collait à la peau.

« C'est impossible qu'il n'y ait pas UN passage secret de Poudlard au village. Question de sécurité ! »

Tu ne crois pas si bien dire, songea Remus.

« Imaginez qu'un incendie éclate... ! Un accident de potions !

- Une invasion de goules...

- Un professeur dangereux...

- On n'a pas le choix : il faut qu'on le trouve ! »

Les garçons déplièrent sur le lit de James une foule de morceaux de parchemin sur lesquels ils avaient dessiné les coins du château qu'ils avaient exploré.

« La petite galerie, dans le mur, sous l'escalier, tu as trouvé sur quoi elle débouchait ?

- Non, on en a juste profité pour faire sursauter le Serpentard. »

Remus fronça les sourcils.

« Qu'est-ce que c'est, ce dessin ?

- Ben la volière, ça se voit non ?

- En face de la tour des Serdaigle ?

- Mais non, elle va là, attends...

-...

- Je sais plus.

- Et ça, c'est quoi ?

- L'infirmerie, c'est écrit dessus.

- C'est possible, mais tu as fait la salle de Métamorphose à côté...

- Je n'y peux rien, tout change de place tout le temps !

- Donnez-moi un rouleau neuf, non, mieux ! Allons à la bibliothèque !
- Oh non. Je préfère explorer. On fera la carte une autre fois. »

Les garçons ne trouvèrent pas de passage secret ce jour-là. Ils essayèrent leurs petits sortilèges de débutants sur quelques murs de pierre, s'amusèrent à grimper sur des corniches, aidèrent Hagrid à récolter du houx et du gui à la lisière de la Forêt Interdite « C'est bien parce que c'est vous... » soupirait le géant qui se savait incapable de leur résister. En fin de journée, Remus accepta d'aider Peter à terminer un devoir qu'il avait « oublié ». Sirius et James se faisaient des passes avec une boule de neige ensorcelée pour ne pas qu'elle fondît à la chaleur de la salle commune.

« Non, corrigea-t-il, tu sautes trop vite à la conclusion. Mme McGonagall a dit qu'il fallait détailler les étapes.

- Mais je ne sais pas faire...

- Regarde dans ton cours, tu as des modèles. Il faut refaire le même cheminement que ce plan-là. Tiens, là tu as un autre exemple.
- Tu me sauves, gémit Peter.

- Mais non... rougit Remus, tout est déjà là, t'as juste besoin de revoir ta méthode... »

Si Sirius avait été capable de s'attarder sur ces bouffées déstabilisantes qu'on nomme émotions, il eût sans doute pu s'expliquer la gêne acide que suscitait leur activité sereine et complice. Mais il n'avait pas le loisir de s'arrêter et réfléchir à ce genre de choses : c'était pour lui une question de survie. Il ne se figurait plus les vacances qui l'attendaient. Deux semaines, rien que deux semaines. Cela passerait vite, ce qu'il fallait, c'était songer à la rentrée, voilà tout. Quand il retrouverait James et Peter, et leurs idées inépuisables de jeux qui bridaient son esprit tumultueux. Et Remus. Son mystère serein qui invitait beaucoup trop à s'attarder, et son regard.

James lui fit une passe. Sirius lança la boule de neige en direction de Peter qui ne remarqua rien, mais elle explosa avant d'avoir pu le percuter. Lily Evans poussa une exclamation de colère, aspergée d'éclaboussures. Remus se dépêcha de reposer la main sur la table. Il dissimulait son rire silencieux derrière le parchemin de Peter, ne laissant dépasser qu'un regard doré auquel Sirius répondit en tirant la langue.

C'est à ce moment que les grands rentrèrent, les joues et le nez rosis tant par le froid que les bièreaubeurres. Ils parlaient du village avec un enthousiasme un peu exagéré, pour faire bisquer les petits comme l'exigeait la tradition mais ils apportaient des sacs remplis de jeux et de friandises. Remus crut mourir de plaisir quand il croqua dans un chocolat fondant tiède comme s'il sortait du four. Il en donna aussitôt un à Sirius, pendant que James et Peter se mettaient au défi de ne pas verser une seule larme en mangeant jusqu'au bout un bonbon explosif.

« Et la cabane hurlante !

- La cabane hurlante ? demandèrent les premières années assemblés autour d'Alphonse et Ian, satisfaits de leur effet.

- C'est une vieille maison abandonnée de Pré-au-lard, et depuis quelques mois, elle est hantée ! Même Dumbledore est venu l'inspecter, un soir de pleine lune, pour l'exorciser...

- Et alors ??

- Rien à faire. Ça continue. On entend des hurlements, des bruits de coups...

- Vous en avez entendu ?

- Oh que oui, des longs gémissements, des plaintes, des bruits de grattements..., mentirent les aînés. Mais c'est moins fort le jour.

- Et vous êtes allés voir ?!

- Naaaan... Dumbledore a déployé un sortilège pour nous empêcher d'approcher. Ça doit être drôlement dangereux...

- Si c'est au point que Dumbledore n'a pas réussi à l'arrêter, en effet... »
James et Sirius se pâmaient. Le chocolat de Remus lui pesait sur l'estomac.

« Bon, les gars... Les filles, je veux dire. Les tout le monde. Dumbledore, justement, a accepté qu'on organise une petite fête dans la salle commune, avant le départ en vacances. Ce sera donc vendredi soir, puisque samedi matin, le train part à onze heures. »

Lorsque les élèves retrouvèrent leur salle commune après les cours, ils furent saisis d'admiration et d'enchantement. La pièce ressemblait à un village miniature : des cabanes de coussins et de couvertures abritaient des étals débordants de bonbons, de chips, vin chaud et lait de poule ; il y avait même une machine à barbe à papa sous des loupiotes colorées de fête foraine, qui attira quelques commentaires déplacés sur l'intérêt d'une telle machine de moldus, mais Cora n'y prêta pas attention. Elle avait organisé une loterie de cadeaux, des stands de jeux. Hagrid leur avait apporté un vrai sapin, en cachette, décoré de houx et de gui, et de flocons de neige agrandis, fascinants de délicatesse. Il va sans dire que le géant avait largement reçu sa part de friandises. Aux yeux de Remus, il ne manquait que de la musique pour que la soirée fût parfaite quoique le rire de James, qui disputait une bataille de sortilèges n'avait pas son pareil pour remplir les âmes d'allégresse.

Et quand la pièce se fût vidée, après l'heure du coucher, il n'y eut que Sirius, dont le regard n'était jamais vraiment loin de Remus, toujours pressé de le retrouver, il n'y eut que Sirius pour le voir en secret exécuter un petit pas de danse incongru et charmant en revenant de la salle de bains, et récolter une révérence du gui suspendu au sapin.

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