Été 1976 : infiltration

Un jour...


« Ian !

- James !

- CAPITAINE James, corrigea Sirius.

- IAAAN ! » cria encore James en se jetant par-dessus une rambarde.

Remus glapit et le rattrapa par la ceinture.

« JAAAMES ! » s'égosilla Ian tout en bas des escaliers mouvants.

Les jeunes hommes se précipitèrent dans les marches de pierre capricieuses dans un vain effort pour se rejoindre, jouant bien sûr de ces caprices, et continuant de se lancer des appels désespérés à chaque fois qu'ils se croisaient :

« JAAAAAMES !

- Ta GUEULE ! brailla quelqu'un qui empruntait un des couloirs du troisième.

- CAPITAINE JAMES ! Et toi, ta gueule toi même ! » riposta Sirius.

Mais en ce premier jour d'école, pas un corridor qui ne fût éclatant d'effusions : James ne faisait qu'ajouter un cran dans le bruit ; il faut savoir se distinguer. Au fil des escaliers dans lesquels il entraînait ses amis - Sirius sur les talons ailés, Peter essoufflé, pestant pour qu'on l'attendît, Remus amusé et fatigué - il saluait les unes et les autres, redescendait, happé par une rumeur, avant de repartir de plus belle sur un coup de tête.

« Eh, les Boursouflets ! Des nouvelles de Caitlin ?

- Elle a écrit à Ingrid, pendant les vacances. Elle ne reviendra pas, mais bon, ça veut quand même dire qu'elle va mieux, hein.

- Sinon, t'as pas un meilleur surnom que Boursouflets ! Franchement, James, ma voix a mué !

- CAPITAINE James ! rectifia sèchement Sirius.

- Oh non, ils sont repartis... soupira Peter avant de jouer des coudes.

- NON PETER pas sur la rambarde, soupira Remus.

- ALI ! Il faut qu'on l'organise, ce tournoi de Wizard Legion, cette fois, on fait les choses en GRAND, c'est ta dernière année !

- Ah parce que d'habitude, c'est quel format ? soupira Sally. Histoire que j'anticipe ?

- JAAAAMES !

- CAPITAINE JAMES !

- IAAAAAAN ! »



« T'as l'air fatigué, Moony. » constata James en s'installant dans la salle de Défense contre les Forces du Mal.

Moony releva sarcastiquement les coins de sa bouche. Et puis face à la mine mutine de son ami, laissa éclore un vrai sourire, et bientôt même un pouffement amusé. James se retourna vers le bureau encore vide et déclara :

« Caradoc Dearborn.

- Jamais entendu parler, songea Peter.

- Moi, si » indiqua Marlene.

Les Maraudeurs se tournèrent vers elle, incrédules et néanmoins intéressés, forcément charmeurs donc.

« Pitié, dis-moi que Dumbledore a bien choisi, cette fois.

- Il est né-moldu et tient un magasin d'antiquités à Londres, côté moldus. Ma mère est décoratrice, elle connaît bien sa boutique, c'est elle qui m'en a parlé quand elle a appris son nom. Maintenant, je pense qu'il y a des chances que ce soit une passerelle ou un réservoir d'objets enchantés.

- Spécialiste en sortilèges, alors ? Oh non ! c'était bien les clubs de duels, j'espère qu'on pourra continuer d'en faire. »

Personne n'entendit la fin de sa phrase. Le nouveau professeur entrait, élégant comme on avait rarement vu un professeur l'être à Poudlard, excepté Dumbledore, et encore, seulement les soirs de cérémonie. Chemise de lin immaculé, lavallière, gilet et veston assortis. Pourtant, à y regarder de plus près, sa tenue était bardée d'éléments intrigants : un étui dans un baudrier sur la cuisse, une ceinture large à compartiments. Un étrange objet qui n'était pas une montre dépassait de son gousset, ses lunettes curieuses accrochaient la lumière de façon surnaturelle, même depuis la poche de son veston. Il avait l'air d'un gentleman explorateur d'un autre siècle ou même d'une époque qui n'aurait pas tout à fait existé. Il se présenta comme un humble commerçant d'entre les deux mondes, avec une légère ironie dans la voix qui disait : venez, vous allez voir ce que vous allez voir, je ne vais pas tout raconter, là, comme ça.

« Allons donc : bouclier et patronus, désarmement, stupéfixion sur des mannequins, ridikkulus, connaissance des créatures magiques...

- Club de duel, rappela subtilement (non) James.

- Club de duel, évidemment. Vous n'avez pas chômé. Et si nous parlions de dissimulation, cette année ?

- Oh.

- Vous savez : métamorphose du visage, enchantement de chapeaux et de capes, sorts de confusion... Des petites choses comme ça. J'ai proposé au professeur Slughorn de vous faire travailler sur des potions de cet ordre. Oh, sans compter votre brevet de transplanation, bien sûr ! »

Les quatre Maraudeurs qui jusque là s'étaient montrés plutôt flegmatiques, avachis sur leurs bancs, se redressèrent sur leurs tables dans un mouvement très harmonieux, parfaitement coordonné : Sirius appuyé sur les deux coudes, James le menton sur les mains à la Dumbledore, Remus le pouce et l'index autour de la mâchoire, Peter les bras toujours ballants sous la table mais le cou tendu vers Dearborn.

« J'ai entendu dire qu'il y avait ici de jeunes gens qui aiment jouer des tours. »

Chaque Maraudeur afficha sa mine la plus innocente.

« Il se trouve que ma spécialité réside dans les objets. Ne voulant pas empiéter sur les leçons de mon collègue, le professeur Flitwick, je vous propose une activité à réaliser pour vendredi, qui alliera dissimulation, vigilance et sorts mineurs - j'ai bien dit mineurs. Écoutez-moi bien, vous allez passer une semaine, hum, stimulante.

- Oh non, soupira Mila, ça va me stresser cette affaire.

- Votre professeur et moi allons ensorceler quelques objets afin de tester votre vigilance. Ces sorts seront inoffensifs, bien entendu. Cela peut concerner vos affaires, une statue qui changerait d'apparence, un élément de votre salle commune, etc. L'élève qui aura repéré le plus de modifications sera bien sûr récompensé. Le jeu débutera demain matin, première heure et concernera tous les sixième année.

- Est-ce qu'on peut nous aussi jouer des tours ?

- Je ne répondrai pas à cette question, monsieur Potter...

- CAPIT... Oh, merde, non, rien ! bafouilla Sirius.

- Non mais j'ai pas entendu la réponse, on peut ? »



« On va en mettre plein la vue de Dearborn, il sera obligé de nous récompenser.

- On va lui en mettre plein le nez, oui... »

Les Maraudeurs s'étaient arrêtés dans les cuisines pour grignoter un peu de fromage, le temps que les fantômes que la Carte leur montrait déguerpissent de la Grande Salle. Remus agitait paresseusement le liquide violet d'une bombabouse. Il bâilla. La pleine lune arrivait à la fin de la semaine et il était incapable de dormir sans avoir atteint l'épuisement. Par chance, c'était une chose pour laquelle ses amis étaient plutôt doués.

Remus retourna la boule une nouvelle fois. Tsunami de poche, avec tous les détails des vaguelettes, qui s'effondrent si lentement que c'en est plus violent encore. Chaque matin, il frôlait la panique en ouvrant les lettres, pour le moment toujours optimistes, de ses parents. Il gardait dans un coin de sa tête l'envie de demander à Dumbledore de rentrer chez lui, de suivre les cours à distance. Après la pleine lune, peut-être. Sa mère protesterait, mais qu'importe, cela le ferait sourire.

« Opération commando.

- Commando Maraudeurs.

- Commandos Hurlants. Comme dans ce comic book, là où...

- On doit rester discrets, Patoune.

- Mais je racontais...

- Tiens, c'est libre, là-haut.

- MAIS.

- Allons-y ! »

James se glissa discrètement dans la Grande Salle et colla la boule puante sous la table des Serpentard. Ils avaient d'abord pensé à leur salle commune mais cette seconde idée leur permettait de viser Snape bien plus précisément. Dans l'ombre du passage secret, les doigts de Remus cherchèrent ceux de Sirius.

« Pour la salle des profs, je pensais me changer en cerf dans le couloir voisin : tout le monde sera surpris, frappera à leur porte, ils la laisseront grande ouverte et...

- Chut. »

Les quatre sorciers s'immobilisèrent, silencieux comme un seul homme. Ils avaient tous entendu un discret échange de paroles, un peu plus loin. Une porte s'ouvrit, laissant sortir Dumbledore dans le halo tamisé d'une chandelle ensorcelée. Il salua la personne qui se tenait dans l'encadrement et s'éloigna dès qu'elle fut refermée. Remus ôta la Carte de la poche de James pour lire son nom.

Amelia Bones.

« L'avocate qui a défendu Wagtail ? » articula James.

Remus hocha la tête, intrigué.


Remus et Peter travaillaient à la Bibliothèque. Enfin, pour être exact, Remus travaillait, Peter était préoccupé par cette autre chose qui leur faisait échanger de temps en temps des regards complices, mais Remus diminua la fréquence car il sentait grimper l'excitation peu discrète de son ami. Un grand bruit retentit soudain dans le couloir, suivi d'un brouhaha qui attira l'attention de toute la bibliothèque.

« Silence, réclama madame Pince par habitude.

- Mais c'est pas nous...

- IL Y A UN CERF ! VENEZ VOIR ! » s'égosilla quelqu'un dans le couloir.

James avait fort bien joué la comédie d'être tétanisé par les regards avant de prendre la fuite en bondissant - cachu, il y a du monde partout ! Il trouva enfin un recoin vide, redevint humain en un rien de temps et se mêla à la foule de ses camarades en s'écriant avec dépit : « Mais naaan, il était juste ! » Ne pouvant ignorer ce remue-ménage, Flitwick et Quirell avaient quitté la salle des professeurs, tandis que Bibine et Sinistra retenaient quelques élèves : « Mais qu'est-ce qui vous prend ? » Mais la fin de la récréation sonna et les jeunes se dispersèrent à contre cœur. Quirell retourna chercher ses affaires de cours dans la salle des professeurs. Sirius sur ses talons, sous la cape d'invisibilité, se retenait de respirer. Il s'éloigna juste avant que le professeur ne pivotât, gêné par cette présence indétectable. Avec un large sourire, il embrassa du regard la pièce qui se vidait. Il remarqua que le plancher grinçait, profita de l'agitation pour chiper une fraise dans une coupe de fruits, la remplaça par une boule rouge. Il ne restait que McGonagall, occupée à consulter deux grimoires pour préparer un cours, et une jeune femme au visage inconnu. S'agissait-il d'Amelia Bones ? Elle était plongée dans des dossiers qui ne ressemblaient pas à des devoirs d'apprentis sorciers.

Sirius s'approcha lentement de la porte, prêt à se jeter dehors dès que quelqu'un l'ouvrirait. Il serra les dents glissant sur une lame de plancher. Bones décacheta un courrier et marmonna :

« Tiens, le ministère a confié l'affaire de Varcol à une langue-de-plomb.

- Ils se donnent les grands moyens. C'est honorable, non ?

- Je m'interroge. Les langues-de-plomb ne sont habituellement pas mobilisés sur des enquêtes, même si je suppose que certains sont de bons détectives.

- Ils veulent bien régler cette sale affaire.

- Oui. J'attends de voir les communications qu'ils feront à ce sujet. Je les redoute. Avec ces crises sur le statut des Êtres, le Ministère est sur le fil. De puissances en marche en jeux d'alliances, j'exagère peut-être, mais j'ai le pressentiment que cette attaque arrive à point, et ses répercussions pourraient bien tout faire basculer. »

Sous la cape, Sirius s'essuya le front. McGonagall enfouit son visage dans ses mains. Elle murmura :

« Il a été distingué par le Seigneur des Ténèbres en personne, vous savez ? Il sera intronisé très prochainement. C'était un... Comment pourrait-on dire ? Un acte de bravoure, une preuve de déférence.

Réparer la faute de l'aîné. »

Une langue de feu parcourut les membres de Sirius, une bile noire et acide qui lui donnait envie de pleurer le frère perdu et frapper Regulus.

« Sirius » murmura encore McGonagall.

Jamais son nom n'avait été prononcé ainsi.

« Un sacré, à ce que j'ai entendu... s'amusa Bones.

- Un rubis brut, acquiesça la directrice. Je n'en reviens pas qu'un enfant issu d'une famille telle que la sienne en arrive où il est aujourd'hui. »

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