Été 1975 : Mi Amigo
Un jour...
Remus, pour le moment, riait avec Lily, et l'instant d'après, il repenserait à Sirius et s'assombrirait. Si mélancolique, songeaient ses amis, sans oser lui demander ce qui le préoccupait.
Le plus difficile, c'était de n'avoir aucune nouvelle pendant ces deux mois. Les plus terribles des lettres eussent apporté un sentiment auquel se confronter : la révolte, la peine, n'importe quoi. Remus eût au moins eu l'impression de partager avec lui ces épreuves dont il ne savait rien sinon l'épouvante qu'elles avaient gravée en Sirius, qui l'avaient laissé incapable d'en parler. Ah, le silence, l'absence, terrible ombre noire qui laissait, irrépressible, le sentiment d'être oublié. Non, Remus, ne doute pas. Il ne faut pas que tu flanches.
Qui sait ?
S'il ne revenait jamais ? Le cerveau vraiment lavé (non, je n'y crois pas, mais j'y pense parfois), la volonté annihilée (par quoi ? Est-ce possible?), blessé, captif, exilé en France, aux États-Unis pour le séparer à jamais de la mauvaise influence de ses camarades ?
Et s'il revenait plus brisé que la dernière fois ? Incapable de se relever vraiment, d'être à nouveau lui-même, dépecé petit à petit de sa joie, son audace, sa tendresse, tout ce qui le faisait, lui ?
« Eh, oh, Moony », sourit espièglement Marlene.
Remus plissa les yeux au soleil en relevant la tête vers elle.
« Dis, tu ne finis pas tes chips ? »
Il lui tendit le sachet. Lily la rabroua, leur amie minauda :
« Mais ma mère n'achète jamais de chips au vinaigre... !
- C'est dramatique, mais laisse-le finir son pique-nique quand même !
- C'est bon, j'ai fini !»
Remus rit en remballant son reste de sandwich. Dorcas, Ian et Ali partageaient des biscuits. Il frotta son jean parsemé de quelques brins d'herbe et tourna la tête vers la scène principale.
« Judas Priest passe dans une heure. Je n'ai jamais entendu, mais tout le monde en parle. Ils appellent ça du Heavy Metal, ne fais pas la grimace Ian, tu vas adorer.
- On prend à boire et on essaie d'avoir de bonnes places, d'accord ? »
Dans la file du bar, Remus s'enfouit à nouveau dans ses pensées tandis que les autres se chamaillaient joyeusement, il s'efforçait d'accorder les émotions qui montaient et descendaient dans son cœur au tempo des musiques environnantes, jusqu'à ce que Dorcas prononçât le nom d'Elijah.
« Mais d'où il sort cet Elijah ?
- Mais il a toujours été là, tu le saurais si tu passais du temps avec d'autres gens que tes copains !
- Non, mais ça va, je sais qu'il est de notre maison quand même ! mais je ne t'avais jamais vue avec lui
- Slug l'a introduit dans son club, l'hiver dernier... Tu ne venais déjà plus, je crois. Il est sympa, vraiment. Elijah, je veux dire.
- Oui, oui... taquina Dorcas.
- Oui, bon, on en reparlera à la rentrée. Ça devrait aller.
- Ah, vous ne vous revoyez pas pendant les vacances ? »
Lily fronça les sourcils.
« Non... On va laisser... Passer un peu de temps...
- Attends. Vous n'êtes pas ensemble ?
- NON.
- ... Enfin, vous vous êtes embrassés à la soirée après le match, alors...
- Quoi ?!
- Quoi ?
- Mais elle l'a repoussé ! ricana Marlene. T'as pas vu ? T'as pas su ?
- Même moi je savais alors que je ne suis pas de votre maison ! s'indigna Ian. Franchement, je mérite plus que Remus, invitez-moi à vos soirées.
- Oh ! Non, j'ai pas vu, c'est James qui m'a raconté que vous... enfin voilà quoi.
- Oh ! Celui-là il ferait bien de nettoyer ses lunettes ! Et d'arrêter de lancer des rumeurs !
- Oh non, Lily, il ne l'a pas dit comme une rumeur, il était euh. Enfin il l'a juste dit comme ça. Vous faites pareil avec nous, je parie.
- Bof, on s'est lassées de compter, pour James », railla Dorcas.
Lily haussa les épaules. Ils cessèrent d'en parler et retournèrent sur la terre battue, une bière moldue à la main, assez dégueulasse, comme toutes les choses amères qu'il faut apprivoiser. Le public bariolé et généreux, cheveux longs, chemises ouvertes, sourires faciles, se rassemblait et se densifiait petit à petit autour d'eux, vibrant d'impatience. Dans l'anticipation partagée crépitait déjà cette magie plus vraie que la magie. Remus se prit à prier toutes les divinités naturelles et mythologiques d'y puiser et d'envoyer cette énergie à Sirius. Prier de revenir un jour avec Sirius, un jour de liberté.
Et puis il oublia, ou plutôt il n'eut plus besoin de penser. Un solo de guitare électrique retentit. L'esprit de Remus fut instantanément captivé par cet état dans lequel le plongeait la musique : pensées, sensations, sentiments, toutes les frontières abolies dans la tête, et tout ce qui existait en lui se manifestait différemment. Il y avait à entendre et battre bien sûr, il y avait à voir, la façon surréelle dont leurs mains dansaient sur les cordes, les chemises rouges à franges, les bottes noires. Il y avait à sentir l'intense mouvement collectif dans lequel il s'emportait.
Dansait
Hurlait
We are lost above
Floating way up high
If you think you can find a way
You can surely try
Et bien plus encore.
&
« Emmeline nous a répondu !
- Mais laisse-le respirer, enfin ! protesta vaguement Euphemia en époussetant Remus qui surgissait de la cheminée. Comment vas-tu, mon chat ?
- Bien, merci, balbutia-t-il avant d'éternuer.
- Et elle a dit qu'elle...
- James, tu n'as pas nettoyé la cheminée comme je te l'avais demandé !
- ... Qu'elle ne pouvait pas nous dire où étaient les camps...
- La pleine lune t'a laissé bien pâlot...
- Ça va, ne vous en faites pas !
- Parce que le lieu est accessible par portoloin uniquement, elle ne sait pas où c'était...
- Viens, prends un thé au miel, au moins !
- Et ses amis journalistes n'en ont pas trouvé de trace non plus...
- J'ai fait une brioche à la cannelle !
- C'est encore plus douteux, tu ne trouves pas ? MAMAN JE PARL... »
La voix de James se coinça dans sa gorge.
« Oui, j'ai entendu, mais ne me parle pas comme ça. »
Il leva les yeux au ciel en gémissant et entraîna Remus, le thé au miel et bien plus de parts de brioche qu'ils ne pouvaient en avaler dans le jardin.
« Elle propose qu'on aille lui rendre visite sur le MV Mi Amigo ! explosa-t-il dès que Remus eût levé le sort de sa mère.
- De hein, quoi ? demanda Remus, toujours préoccupé par Sirius.
- Le bateau de Caroline ! Et de Coraline ! Emmeline propose qu'on aille la voir là-bas, avec Athenray !
- Oh, il faut qu'on dise ça à Peter !
- Oui, c'est vrai. Ça va être trop bien ! Eh, c'était comment le festival ? »
Ils répondirent à Emmeline, jouèrent au Quidditch et au Ring Toss en changeant les règles pour que ce soit plus amusant, prirent des photos, allèrent au cinéma, se racontèrent des choses idiotes, gavés de gâteaux par la mère de James. De temps en temps, ils lâchaient un : vivement la rentrée, cachu, comme ça au milieu de rien, avant de reprendre le cours de leurs aventures. Tout pour oublier qu'ils ne pouvaient rien faire, qu'ils ne pouvaient pas aller le chercher à balai comme promis. Une nuit, une seule, dans la chambre de James, sous les combles, parcourues de poutres auxquelles étaient suspendus des fanions de Quidditch et des photos, des babioles, une seule fois, ils en avaient vraiment parlé, dans le noir, et avaient senti pour James la colère, pour Remus l'anxiété, ramper dans le noir, aussi vibrantes et agressives que si le Cauque-Mare était revenu. Ils avaient interrompu leurs hypothèses en plein milieu, n'avaient pas réussi à parler d'autre chose, s'étaient endormis au-dessus du sommeil. Au réveil, ils avaient fait comme si de rien n'était.
&
« C'est la première fois que je prends le bateau ! déclara James en serrant le bras de Remus. Mais ça va aller. » assura-t-il en adressant son sourire ravageur à Emmeline.
Athenray et elle étaient venues les chercher dans un minuscule port du Tyne and Wear, sur la côte de la Mer du Nord. Peter, en vacances chez sa grand-mère, n'avait pu venir. Ils étaient tout intimidés de revoir leur ancienne professeure, James s'en défendait en racontant davantage de bêtises, Remus en cherchant désespérément quelque chose d'intéressant à dire.
« Mais si, James, tu as pris les barques sur le lac, en première année.
- Ah mais oui, c'est vrai ! s'écria-t-il, soulagé.
- J'espère que la mer sera calme comme un lac » marmonna Athenray, sentencieuse, malicieuse, et James lança un regard paniqué à Remus, qui le poussa dans le zodiac.
Propulsé par magie, apparemment par moteur, la petite embarcation les mena jusqu'à l'ancien chalutier reconverti en temple du rock'n roll. Les grandes lettres de Caroline rugissaient, fières, en rouge et blanc sur le bleuâtre de ce jour d'été frais. Remus pinça les lèvres, les yeux brillants. Athenray souriait de le voir si exalté.
« Alors, Lupin, raconte-moi, il paraît que tu es allé au Reading Festival ? Je n'ai encore jamais réussi à me libérer pour y assister ! »
Elle prit des nouvelles de tous leurs camarades, se rappelait d'une anecdote au sujet de chacun, se réjouit de leurs progrès.
« Et vous, professeure ? Tout le monde s'est inquiété de ne pas vous revoir l'année dernière.
- Oh, ne m'appelle plus professeure, je ne t'enseigne plus. Vous pouvez désormais m'appeler Lula, vous aussi. Ou DJ Be-Bop, comme on me surnomme à bord !
Eiffel et moi avons continué de travailler ensemble. Le Ministère nous a proposé d'enseigner aux jeunes sorciers qui ne peuvent pas fréquenter une école, comme Emmeline, ou qui préfèrent vivre une vie de moldus. Ils doivent apprendre à maîtriser leurs pouvoirs. Nous rencontrons des familles pour les rassurer, leur expliquer ce qu'implique le don de leur enfant. Nous faisons énormément de prévention et de réparation, par exemple quand des novices provoquent des incidents involontaires. Nous organisons des stages pendant les vacances scolaires, pour leur permettre de poursuivre leurs études en même temps. Généralement, cela suffit à ce qu'ils mènent une vie équilibrée. J'aimerais leur assurer qu'ils pourront rejoindre le monde magique plus tard mais... ça me semble un peu compromis pour le moment, conclut-elle en faisant la grimace. Nous arrivons ! J'ai hâte de prendre un bon thé bien chaud ! »
C'est vrai, il faisait frais dans la Mer du Nord, même en août. Les jeunes hommes grimpèrent à l'échelle à la suite d'Emmeline, firent quelques pas sur le pont à la recherche d'un nouvel équilibre.
« Venez ! » s'écria leur amie. Elle sautilla jusqu'à une petite porte de métal écaillée aux encoignures, les fit entrer dans la tapageuse salle des machines, traverser des couloirs sur lesquels on se cognait quand il y avait trop de houle, salua l'équipage et les DJ qui se détendaient dans le salon, avec familiarité : « Lui c'est Michael, méfiez-vous, il est très pince-sans-rire, il anime la matinée ; voici Nigel le fabuleux, et Spangles Muldoon, de séjour pour la semaine.
- Spangles Muldoon ! s'écria Remus, j'ai adoré votre émission sur l'histoire du rock !
- Juré, approuvé James, il avait mis un réveil pour ne rien manquer et il a pris des notes tout du long, on n'avait pas le droit de lui parler... »
Elle les introduisit dans les studios de bric et de broc et y égara Remus entre trente-six rayons de vinyles, une caisse claire et une guitare sèche, au point qu'Alan qui entra pour enregistrer son émission quelques minutes plus tard ne s'aperçut de sa présence qu'au moment de chercher un Black Sabbath. « Tiens, puisque t'es là, rends-toi utile et cherche avec moi, j'te parie que c'est Nigel qui l'a mal rangé, encore une fois... Merci, tu as l'oeil... Bon, maintenant dis-moi, qui es-tu ? »
Elle revint leur apporter un soda tiré de derrière le bar, décolla Remus de la banquette de moleskine et fit trois pas de danse dans le salon. C'était l'émission de début de soirée, les Ronettes chantaient « Be my baby », et Remus ne touchait plus terre. « C'est trop... C'est trop bien ici... balbutiait-il.
- Bah nan il fait trop froid, reviens avec moi à Poudlard !
- Tu es là tout le temps, Emmeline ?
- Non, seulement quand Lula veut bien de moi. Plus ça va, plus on a besoin de la radio, par contre : on essaie de mettre au point un système pour émettre par magie, même loin du bateau, parce qu'elle a beaucoup de travail sur terre. Eh, parfois je vais avec elle pour témoigner ! C'est trop bien. Venez, l'émission du grand Muldoon va débuter ! »
Ils collèrent leurs nez à la vitre, excités et intimidés, admirèrent la verve du présentateur qui fusait dans tous les sujets. Remus ne put s'empêcher de prendre des photos. Muldoon se tourna vers eux, le micro toujours ouvert, et déclara : « Allons, j'ai aujourd'hui deux invités, privilégiés parmi les privilégiés ! Comment vous appelez-vous ?
- James.
- Remus.
- Ça alors, quel prénom rare !
- Oui, c'est vrai, dit James, mon père aime bien l'originalité. Il a toujours été triste de porter le si banal nom de Fleamont. Alors que des Remus, il y en a au moins deux. Spangles Muldoon aussi, c'est très commun.
- Haha, t'es un marrant, toi. Vous venez d'où les gars ?
- On étudie en Écosse, hasarda Remus.
- Vrai ? Fais-moi l'accent pour voir ? On écoute quoi en Écosse ? »
James se tourna vers Remus qui se racla la gorge.
« J'aimerais dédicacer une chanson à un ami. C'est Starman, de David Bowie.
- Encore Bowie ? Seigneur, vous les gosses, vous n'avez que ce nom à la bouche !
- Queen ? murmura Remus qui n'était plus très à l'aise avec Bowie.
- C'est son nom ! insista James.
- Queen ou David ?
- Sirius. »
Muldoon soupira. Il hocha gravement la tête. « Ouais, pour un gars qui a un nom d'étoile, d'accord. »
Il donna une petite tape dans le dos de Remus, James était déjà sorti de la cabine, pressé de retrouver Emmeline. « Tiens mon gars. » Il lui tendait un sac rempli de disques et de magazines. Remus se confondit en remerciements. « Eh calme-toi va, on les reçoit gratuitement, parfois en double. Ça me fait plaisir, on manque de place ici. Allez viens, on va boire un coup. A la santé de ton ami, Sirius.
- Sirius Orion Black.
- Seigneur. De quelle étrange communauté venez-vous donc ? Vous avez des noms à devenir DJ. »
Remus éclata de rire.
Ils prirent un apéritif, firent une partie de Time's up moldu, puis les garçons furent réquisitionnés pour préparer le dîner. Athenray en profita pour s'isoler avec eux dans la cuisine.
« On va devoir lancer une communication. Il y a eu un saccage à Poulton le Fylde. C'est le cinquième... »
Elle ensorcela les marmites et fit apparaître une carte sur le plafond, seul endroit où il y avait de la place :
« Ça dessine un chat, non ? se demanda James en tournant la carte, en terminant le dessin du doigt. Si c'est ça, le prochain, c'est Conventry !
- On dirait plutôt la constellation du Cygne...
- Non, celle-ci serait plus au nord... marmonna Lula.
- Il y a eu des... victimes ?
- Blessés, rien de grave. Mais les dégâts matériels sont importants, et le choc plus encore. Nous nous y penchons, nous cherchons...
- Nous ?
- Oh, eh bien... Les quelques personnes de confiance, actifs dans la lutte contre... »
James et Remus hochèrent la tête puis bondirent, les deux de manière très synchronisée. Dans un fracas, Alan ouvrait la porte : « Allons, vous vous êtes perdus ou quoi ? Eh, Jimmy, reviens boire un petit coup, t'es tout vert. »
&
Athenray brancha l'émetteur, testa le micro et baissa la tête, les mains bien à plat sur la table. Elle respira profondément puis releva le menton pour sonder du regard James et Remus. Emmeline acquiesça doucement.
« Avant d'enregistrer, j'ai une dernière chose à vous révéler. Je vais l'aborder dans le bulletin de cette nuit, je préfère que vous sachiez de quoi je parle.
Inutile de vous rappeler à quel point le Seigneur des Ténèbres et ses sbires ont horreur des nés-moldus. Ils estiment que ces sorciers ne méritent pas la magie et ne devraient pas avoir le droit de l'utiliser. Cet hiver, nous avons reçu un signalement de la part de la Ministre Jenkins, quand elle était encore en poste. Il concernait des enfants nés-moldus qui ne fréquentent aucune école de magie et qui n'ont accédé à aucune forme d'initiation. Nous avons enquêté, découvert sans grande surprise que leurs familles refusaient tout net d'entendre parler de sorcellerie. Ce n'est pas nouveau, Eiffel et moi avons déjà été confrontées à ce genre de personnes réfractaires à la magie, qui n'arrivaient pas à concevoir la différence de leur enfant. Nous sommes entrées plusieurs fois en relation avec certains d'entre eux, et avons parfois réussi à les aider à retrouver une forme d'harmonie.
Mais là, c'était différent.
Ils étaient beaucoup plus obtus, en dépit de nos nombreuses tentatives, sous diverses formes, il a été impossible d'ouvrir aucune discussion. C'était un déni d'une profondeur jamais vue, comme si une part de leur conscience avait été verrouillée. Avec l'autorisation du gouvernement, Eiffel s'est métamorphosée afin de s'infiltrer. »
Elle s'interrompit et, désormais incapable de poursuivre son récit de façon cohérente, s'exclama brusquement :
« C'est tellement... Infects, ils sont... Vraiment infâmes. Il y a des Mangemorts qui travaillent sur ces familles, elle l'a compris immédiatement. Des Mangemorts qui prennent des visages amicaux et décèlent leurs fragilités, s'y appuient, les renforcent. Ils les manipulent et nourrissent leur méfiance envers la magie, jusqu'au rejet, à la manière de gourous. Pour quoi ? Pas pour que les enfants rejoignent nos écoles, rejetés par leur entourage, non... Pour qu'ils refoulent encore plus leur magie. Mais ça ne leur enlève pas leur pouvoir. Refouler, ça ne fait pas disparaître la magie, rien ne la fait disparaître.
Il essaie... Par une pression, qui atteint une forme de torture... De forcer ces enfants à enfermer leur magie, au point qu'elle se masse en Obscurus et les détruise de l'intérieur. »
Les quatre sorciers étaient nimbés d'horreur comme s'ils se noyaient, assis autour de cette table, dans les eaux glacées et ténébreuses de la mer. Lula tendit les bras et serra les poignets de James et Emmeline en rappelant Remus du regard. Le vaisseau de fer grinçait tout autour de lui, il était entouré de disques dont il se récitait les titres machinalement, il entendait James respirer, les mains d'Emmeline étaient agitées d'un petit tic, il s'attachait à ces perceptions répétitives et entêtantes.
« Ça ne s'arrête pas là.
J'ai de bonnes raisons de croire que notre ennemi cherche à les créer non seulement pour annihiler les nés-modlus mais aussi pour mettre à son service ces Obscurus, ces forces brutes de magie primitive et chaotique.
Si quelqu'un est capable de plonger suffisamment profondément dans la magie noire pour y arriver, c'est bien lui. »
&
La nuit, Mi Amigo est prudemment éclairé de spots blanc froid. Le pont luit, recouvert d'eau. Il tangue lourdement, il grince, jamais silencieux, idole râleuse de tôle ancienne, brute et froide, zéro panache, on s'en tape de la superbe, on a trouvé plus précieux qu'un trésor de pirates
Audacieux, licencieux
Et rebelle à tout jamais
Le ciel noir profond de vérité passa au marine angoissant, au vert matin de la sagesse, turquoise et rose, perdu dans la brume qui se levait doucement.
Fin du monde.
« T'étais plus là, j'avais froid. »
James s'effondra à côté de lui et les recouvrit du plaid qu'il avait apporté. Remus tapota son épaule, incapable de parler. Il essuya ses joues salées.
« Ça va aller, hein... ça va aller...
- Ouais... Ouais, carrément... »
Ils rirent discrètement, comme un secret partagé, comme les premiers rayons se réfractent sur le martellement des vagues, adoucis par la buée blanche.
&
Ses mains froissaient des papiers de bonbons qu'il était incapable de manger. Papiers colorés sur ses doigts nerveux, un dupe d'enfance. Il avait parlé avec tout le monde sans parler : taquiné, abordé, charrié, encouragé, attrapé trois quatre mots éclaboussés d'un grand éclat de rire illusoire et sincère. Il ajustait son manteau de Maraudeur. Il bondissait partout, faisait des farces aux plus jeunes, sautait sur le dos des aînés avant de s'écrier soudain alarmé :
« Remus, tu vas où ? »
Son ami se tourna avec un sourire malicieux.
Il avait changé en deux mois. Ses cheveux avaient blondi au soleil, sa peau avait bronzé et avec ses yeux d'ambre, tout doré, il ressemblait à ce dieu solaire de l'Iliade que Sirius n'avait pas encore lu mais dont le nom résonnait en lui comme un mystère à découvrir, un autre mystère qui le rapprocherait de Remus et de la liberté.
Il ondula doucement des épaules pour faire briller un insigne de préfet. Le cœur de Sirius s'emballa de fierté.
« Woah... Bravo... Enfin, je n'aimerais pas être à ta place mais bravo...
- Tu viens ? appela Lily dans le couloir.
- Alors moi j'aimerais bien être à sa place, songea James.
- Viens, on a un Elijah à éliminer » décida Peter.
Ils ne firent pas vraiment de mal à Elijah, ils semèrent des nuées d'étincelles et de fumée magiques en passant devant lui, jetèrent des regards qui le laissaient confus. Ils retournèrent ensuite dans leur compartiment, dresser la liste de tous les avantages à avoir un ami préfet, et celle de tous les marchandages qu'ils pourraient élaborer pour bénéficier de ces avantages.
Sirius somnolait en descendant du train, la tête sur l'épaule de James, le regard las.
« On arrive... murmura Remus, en pressant son coude. Je vais dans les barques avec les première année. A tout de suite.
- J'ai pas faim... » marmonna-t-il en se levant péniblement.
Il suivait machinalement les pas de ses amis devant lui, s'agaçait excessivement quand il trébuchait, mal assuré dans le noir. Le chemin lui semblait sans fin, et il cherchait une main dans le noir.
Puis ce fut les lumières et la liesse de la Cérémonie qui étaient trop vives pour lui. La nourriture trop riche. Il était secoué de sursauts qu'il transfigurait en rires. Remus pressait son genou, se demandait si Sirius se rendait compte que James et lui ne le considéraient pas avec naturel, même s'ils essayaient. S'il se rendait compte qu'ils étaient perturbés et qu'il était juste en train de tenter de les rassurer avec maladresse, à coup de rires plus éclatants, de paroles plus impertinentes.
Le lendemain, après le premier cours de l'année, McGonagall retint Sirius en classe et lui demanda discrètement de se rendre à l'infirmerie.
« Nan, je suis pas malade.
- Allez dormir un peu, répondit-elle très bas. Revenez quand vous serez prêt. Ça n'est utile pour personne que vous vous entêtiez. »
Il se tint silencieux, les bras posés tout en long sur la table, les doigts crispés sur le rebord de l'autre côté. Et lentement, il hocha la tête.
Au début il n'arrivait pas à dormir. L'état d'alerte de son crâne ne s'était pas tu, le repos était insupportable, il faisait les cent pas dans l'infirmerie, soupirait, bondissait, se jetait sur les murs, parce qu'il y avait une énergie indomptable en lui, parce qu'il fallait retrouver les limites d'autrefois, les vraies limites, celles qui stabilisent.
Pomfresh, étonnée par le silence, le trouva enroulé dans les draps, un oreiller contre la poitrine, recroquevillé sur un matelas jeté sur le carrelage.
Il dormit toute la journée, et la majeure partie de la nuit, et le lendemain il fut encore incapable d'aller en classe.
« Il est malade ? demanda James inquiet à Pomfresh.
- Non, sourit-elle. Il est convalescent. »
&
Remus achevait sa première tournée de nuit. Il entra dans la salle commune
« Hey, Moony. »
et sourit.
&
Au printemps 75, radio Caroline comptait trois millions d'auditeurs dans vingt pays.
Michael Lloyd, Alan Simons et Nigel Elgin ont vraiment travaillé à bord du MV Mi Amigo en été 1975
Spangles Muldoon était un DJ de Caroline aussi, j'ai choisi de le faire intervenir parce que son pseudonyme.
pour en savoir plus :
https://www.mixcloud.com/discover/radio-caroline/
offshoreradio.co.uk/car76htm
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