Automne 1977 : une consultation
Un jour...
« Eh bien, c'est ici, il me semble. »
Pye observait avec circonspection la tapisserie qui représentait Barnabas et sa farandole de trolls en tutu. Il toussota, dérangé par ce ridicule, et déclara : « Attendez un instant », avant de marcher de long en large dans le couloir vide, très concentré. Une porte apparut sur le mur. Remus fronça les sourcils. C'était la porte qui l'avait mené au dortoir, en cinquième année, après que Peeves les ait poursuivis, Sirius et lui. Pye voulait-il l'examiner dans le dortoir ? Curieuse idée. Et puis, pourquoi ne pas passer par la tour des...
D'accord, ce n'était pas du tout le dortoir.
Une pointe d'émerveillement éclaira la carapace de préoccupations de Remus. La magie de ce château était illimitée. Cela dura deux secondes, ensuite Pye lui fit signe d'entrer.
Il avança dans un cabinet de consultation fabuleusement fonctionnel, entre des murs de lambris clair légèrement incurvés qui suscitaient une sensation trouble, comme s'il pénétrait un rêve distendu. En face d'un bureau encadré de deux fauteuils accueillants se dressait une table d'examen – à sangles, remarqua Remus. Celles de l'infirmerie n'en étaient pas munies, mais ce n'était pas la même chose, alors arrête de paniquer. Plus loin, jusqu'au plafond, une bibliothèque ployait sous des volumes sur les loups-garous et les malédictions. Remus s'approcha et examina les titres. Le nom de Wilk n'apparaissait malheureusement pas. Pye toussota dans son dos. Derrière les étagères était disposé du matériel de potions – Dumbledore avait effectivement sorti les grands moyens - et le mur du fond se dérobait sous un rideau vert pâle. Remus hésita. Pye s'impatientait mais l'insolite de la situation lui insufflait paradoxalement confiance. Le jeune homme passa la main sur le velours vert – amande - et tira. Ce n'était pas un mur. Il y avait une cage. Un chevalet à lanières, plus grand qu'un humain. Il y avait des instruments d'argent sur lesquels il ne s'attarda pas parce que le sang s'était brutalement retiré de son visage et qu'il ne voyait plus grand-chose. Le rideau retomba devant lui sans qu'il se rappelât l'avoir lâché.
Vert amande.
« Monsieur Lupin... »
Remus tourna les yeux vers la porte de sortie.
« Commencerons-nous ? »
Tu as raison Pye. Ne perdons pas de temps. Nous luttons contre le même ennemi : moi non plus je ne manquerais pas de l'enfermer là bien verrouillé s'il m'était donné la grâce de le faire.
Remus retourna vers le bureau près duquel l'attendait Pye et s'arrêta de nouveau à la bibliothèque, pas tout à fait prêt à s'asseoir :
« Vous avez déjà eu connaissance des travaux de Wilk ?
- Wilk ?
- Isaac Wilk. Il a réalisé des entretiens avec une centaine de loups-garous, je crois...
- Une centaine ? répéta Pye dubitatif en accentuant le « cent ».
- A peu près. Il y a plein de choses qu'il a déjà observées...
- C'est beaucoup cent, est-ce que vous vous en rendez compte ?
- Je... Non, pas vraiment, je ne sais pas ce que ça représente.
- Comment ? Vous ne savez pas combien vous êtes ? »
Vous
« Vous avez déjà rencontré d'autres loups-garous ?
- Non, admit Remus. L'idée ne m'est pas venue avant récemment. J'étudiais ici. Je n'aurais même pas su comment m'y prendre. Je ne... Je crois que je me préoccupais trop de paraître normal pour me poser la question d'en rencontrer d'autres.
- Ce Wilk est journaliste ?
- Ah non, pas du tout, c'était un guérisseur. Il a travaillé à Sainte Mangouste lui aussi, il y était encore il y a trois ans de cela. Et avant, il s'occupait de centres de détention : je vous assure qu'il sait de quoi il parle. »
Pye fronça ses longs sourcils noirs et scruta son patient.
« Je ne pense pas. Je suis à Sainte Mangouste depuis une dizaine d'années, je n'ai jamais entendu parler d'un certain Isaac Wilk.
- Quoi... » souffla Remus.
Il fouilla sa mémoire pour retrouver les paroles d'Edgar. Il était certain que son camarade avait présenté son père comme un membre de l'hôpital. Pye émit un petit claquement de langue et déclara, dubitatif :
« Écoutez, je vais interroger mes collègues, peut-être sauront-ils me renseigner.
- D'accord », acquiesça Remus, faute de mieux.
Le guérisseur lui indiqua la table d'un geste calme. Remus s'approcha.
« Vous avez déjà rencontré des loups-garous, alors.
- Oui.
- Vous savez... ? Qu'est-ce que vous savez ?
- Plein de choses. Mais certainement pas tout. On va en discuter pendant que je vous examine, parce que c'est votre cas qui m'intéresse. »
Remus se rappelait mal les consultations de son enfance. Les semaines qui avaient suivi l'agression s'étaient agglomérées dans un margouillis organique noir et sanglant où son corps violé avait été manipulé, scruté, sollicité et ne lui appartenait plus. Plus tard, son père l'initierait à la danse, sa mère à la course, et des années après, les yeux et les mains de Sirius achèveraient de combler les fissures de leur or.
« Déshabillez-vous et asseyez-vous sur la table d'examen. »
Une bouffée d'appréhension éclata dans son thorax. Il se secoua et se répéta : tu le fais pour Victor. Son nom avait perdu son sens à force d'être répété mais les images des derniers cauchemars ne cessaient de le consumer. Hors de sa tête et de son corps, tu es un, comment il a dit ? sujet, maintenant, Remus défit les attaches de sa robe, les boutons de sa chemise et descendit son pantalon en réprimant de son mieux sa gêne. Pye leva les yeux sur son torse maigre. A son expression, le jeune homme comprit que le guérisseur ne s'attendait pas à ce qu'il découvrit, mais la curiosité chassa la stupéfaction dans ses iris.
« Vous avez froid ? Vous tremblez.
- Non
- Peur ?
- Non. »
Si
« J'ai ça tout le temps »
Pya apposa les mains sur ses poignets, puis dans son cou sous sa mâchoire, son ventre, son cœur. Il n'avait pas besoin de le toucher, ce que Remus apprécia. C'était même plutôt rassurant de sentir les petites impulsions chaudes de magie circuler sous sa peau ; un fluide qui observait son fonctionnement et promettait de dénouer les entraves. Il se rappela soudain Sirius qui avait été examiné de la même façon, en troisième année, à son retour du square Grimmaurd. À la pensée tendre que son ami s'était peut-être senti réconforté ainsi, après avoir subi des mauvais traitements, son cœur fit un bond. Pye le sentit, l'interrogea du regard. Remus secoua doucement la tête.
« Émotif.
- Oui.
- Vous êtes à la limite du sous-poids.
- J'ai toujours été comme ça.
- Non. Vous manquez de nutriments. Votre tension est trop basse. Je suppose que vous dormez peu ?
- Oui, c'est justement lié à... soupira Remus sans terminer. C'est pour ça que je voulais consulter. »
Le guérisseur observa son bras : les endroits où il s'était mordu aléatoirement rougirent et retracèrent les vieilles blessures, elles trahirent jusqu'aux plus anciennes traînées claires et informes.
« De quand date celle-ci ?
- Je ne sais plus. »
Le mage auscultait maintenant son ventre à la peau déconstruite, et un fourmillement plus intense s'y opéra. Remus réprima un réflexe, comme sous le coup d'un chatouillis.
« Je n'ai jamais vu cela, murmura Pye. Votre chair a été sérieusement atteinte. »
La respiration de Remus s'emballa. La main du mage survolait à présent son bas ventre, au-dessus du seul vêtement qu'il n'avait pas ôté.
« Jusqu'où descend-elle ? Je ne vais pas regarder.
- Euh, elle euh... Le pubis ? Hésita-t-il. Mais pas... Enfin pas...
- D'accord, d'accord. »
Remus se sentait ridicule. Pourquoi avait-il précisé cela ? Le guérisseur songea un instant avant de demander :
« Et comment est-ce que cela a pu arriver ?
- Je n'en ai pas de souvenir, bredouilla Remus. Je ne me souviens pas de ce qui se passe quand je suis métamorphosé. Je suppose que je l'ai frotté contre du bois cassé, hérissé d'échardes, ou de la pierre, je ne sais pas.
- Les loups-garons ont la peau dure.
- Les crocs puissants.
- Vous n'auriez pas pu vous mordre à cet endroit. De quand est-ce que cela date ?
- C'était... Il y a quatre ans.
- Vous vous souvenez, dit-il en lui faisant signe de se rasseoir. Il s'était passé quelque chose de particulier ? »
Pye observait son dos. Remus murmura, des halos blancs dans les yeux :
« La nuit précédente, j'avais rêvé que je faisais du mal à un ami. »
Les gestes de Pye exploraient son ossature. En dépit de sa nervosité, Remus s'émerveillait de distinguer précisément sous sa peau les éléments de son corps comme s'ils s'éclairaient de l'intérieur, prodigieux et fonctionnels tels une architecture ingénieuse.
« Cela n'explique pas que le loup ait agi ainsi.
- Non, c'est tout ce que je sais.
- Vous pensez que vous lui avez infligé ça comme une punition ?
- Je ne sais pas. J'aurais aimé, c'est sûr.
- Ce serait... »
Il n'acheva pas sa phrase et reprit différemment :
« Les patients que j'ai vus sont couverts de bleus au réveil, d'avoir cherché à briser leur cage. Certains se mordillent les pattes de frustration. Mais... Un niveau comme le vôtre, c'est extraordinaire. »
Avant que Remus ne pût décider ce qu'il pensait de ce caractère exceptionnel, Pye termina son examen par la cicatrice de la morsure maudite.
« C'est celle-là. »
Remus ne prit pas la peine de confirmer. La main au-dessus de la marque avivait aussi les griffures sur son visage. Il ne pouvait plus rien articuler.
« Dans votre dos... »
Laisse ton esprit s'égarer, défense de s'attacher à aucun des souvenirs qui défilent, tu les connais par cœur. Fais le vide, ne pense qu'au cuir de la table qui grince sous les doigts agrippés là, sous la respiration de Pye qui se trouble dans son dos.
Savait-il ? Tous les patients avaient-ils vécu la même chose ?
« Vous n'aviez pas cinq ans. »
Et cette fois, la froideur détachée du mage fut salvatrice. Remus se racla la gorge :
« A quelques jours près.
- Fenrir Greyback ?
- Oui, souffla Remus, si bas qu'il douta être entendu.
- Tragiquement reconnaissable. »
Pye fit encore, avec son autorisation, un prélèvement sanguin. Il garda son bras dans la main et observa la façon dont la minuscule piqûre se refermait proprement, sur sa veine. « Vous avez d'autres blessures, non magiques ?
- Non, pas depuis que je ne suis plus un enfant.
- Me... Permettrez-vous d'étudier la façon dont votre corps se régénère ?
- Comment ? souffla Remus.
- En pratiquant des saignées, par exemple. En vous soumettant à des sorts réparateurs.
- Oui », accepta Remus, les dents serrées.
L'auscultation terminée, il recouvrit ses mains des manches, en s'asseyant au bureau.
« Comment s'est passée la dernière pleine lune ? »
Comme il ne savait pas comment aborder le sujet, Remus commença par raconter la métamorphose. Il décrivit les crampes et courbatures, la sensation des os qui se déforment, la rage comme un séisme à faire craquer le corps, les ecchymoses plus ou moins profondes, les cicatrisations, les baumes et potions inutiles que Pomfresh tenait à lui prescrire.
« C'est cela que vous souhaitez traiter ? Ces séquelles ?
- Non, souffla Remus pris de court, enfin...
- Oui, je sais qu'il serait préférable de ne plus se métamorphoser. Mais un traitement à la douleur, ce serait une avancée, non ?
- Oui, admit Remus. En fait, je peux supporter la douleur, je suis habitué maintenant mais si je peux expérimenter des traitements et aider à en trouver un qui puisse être administré par exemple à un enfant, je le ferai. »
Pye scrutait son regard.
« Que souhaitez-vous pour vous ?
- Le plus difficile, c'est que... Je revois cette nuit – celle où il m'a mordu. Je la revis parfois les jours qui précèdent la pleine lune. C'était vraiment... très très violent. Et... »
Sa voix chevrotait, il peinait à articuler. Ses manches partaient en lambeaux sous ses ongles nerveux.
« En fait, depuis que je suis devenu adolescent, vers douze ans, j'ai commencé à rêver que c'était moi qui faisais ça à d'autres personnes.
- La morsure ?
- Ce n'est pas qu'une morsure. »
Remus laissa passer quelques secondes avant de parvenir à l'articuler, et quelques secondes encore après.
« Les deux se mélangent quand arrive la pleine lune. C'est ça que je voudrais qu'on m'enlève. Ces visions sont de plus en plus intrusives, ça me pèse, ça me prend en journée aussi, je ne fais rien, bien sûr, mais une partie de ma conscience va être focalisée sur des proies, avec tout ce que ça entraîne comme, euh... préocuppa... obsessions... Je n'arrive pas à m'en débarrasser, ça durcit dans toutes mes sensations et je ne peux pas penser à autre chose, ça gâche tout. Tout ce que je veux, c'est que ça s'arrête. Je ferai tout pour ne pas craquer, je préfère mourir.
- Vous avez déjà eu un comportement problématique ? »
Une nouvelle éruption de doute brûla de son ventre à son crâne. Avec Sirius, quand on fait l'amour. J'ai déjà craqué, en quelque sorte, hein ?
« Je n'ai pas un tempérament agressif, balbutia-t-il, de cela je suis certain. Vous pouvez demander aux professeurs, je n'ai jamais fait de mal à personne, je n'aime pas me bagarrer, même pour jouer.
- Vous en ressentez l'envie, parfois ? De mordre, ou faire souffrir un adversaire, de voir l'effet de votre force sur quelqu'un ? Même sans le faire. Rien que l'envie ?
- Non, je n'en ai jamais eu envie, c'est... La malédiction c'est... Je sais que ça parait insensé, c'est une possession. Comme un imperium...
- Vous avez déjà subi un imperium ?
- Non, admit Remus, mais...
- Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas. Vous ne pourriez pas lutter.
- D'accord. Je cherchais à expliquer...
- J'ai bien compris.
- Je veux seulement que ça s'arrête. »
Pye lui accorda une courte pause avant de reprendre.
« Vous n'avez donc jamais agressé personne, ni n'en avez eu envie. Et en ce qui concerne votre sexualité ? Vous pensez que l'agression que vous avez vécue enfant vous a marqué ?
- Je... ne sais pas vraiment », bredouilla Remus, paniqué.
Comment pourrait-il savoir ? On ne parlait jamais de sexualité. Il savait que l'homosexualité était condamnée et il aurait recommencé à douter si Bowie n'avait pas parlé à la télévision, s'il n'avait pas croisé les hommes épanouis du Golden Lion. Il n'allait pas confier cela à Pye.
« Vous avez des fantasmes ?
- Un peu, bredouilla Remus, confus.
- Vous vous touchez fréquemment ?
- Jamais.
- Jamais ?
- Ça me répugne. »
Pye tiqua.
« Vous avez déjà eu des relations ?
- Une. »
Le guérisseur ne dit rien mais Remus sentit qu'il ne s'y attendait pas.
« Enfin, une liaison, je veux dire. Des relations physiques, euh... Plusieurs fois.
- Non lycanthrope, alors ? Elle savait ?
- Oui.
- Comment l'a-t-elle pris ?
- Bien, sourit Remus sans le vouloir.
- Fascinée ? Certaines le sont.
- Non, ni horrifié, ni fasciné.
- Ce n'est pas rien, tout de même. Mais je croyais que votre condition était tenue secrète. »
Remus haussa les épaules.
« Comment ça se passait ?
- J'ai beaucoup douté au début, parce que je l'ai agressé en rêve aussi, avant de tomber amoureux. Ou... À peu près en même temps. C'était confus et... difficile à accepter.
- Aviez-vous rêvé d'autres personnes que celle-là ?
- Oui, plusieurs. Je les oubliais vite parce que... Je laissais passer, simplement. Ce n'était pas des gens auxquels j'étais attaché de la même façon.
- Et cette liaison, alors ?
- C'était... On a pris notre temps, c'était bien, j'étais bien dans ma peau.
- Sexuellement aussi ?
- Oui. C'était intense.
- En fréquence ?
- Oui, parfois je... je ne pense qu'à ça, ça pouvait nous prendre plusieurs fois par jour.
- Elle le supportait ?
- Oui. De toute façons, quand l'un de nous n'a pas envie, on ne fait rien, enfin, on fait autre chose. Et puis, on se cherche aussi bien l'un que l'autre.
- Vous vous mordez.
- Vous l'avez vu ? » souffla-t-il d'une voix blanche.
Pye haussa un sourcil désabusé, sans même prendre la peine de croiser son regard. Il n'y avait qu'un endroit où il n'avait pas regardé.
« Pensez-vous que ce soit un moyen de compenser ? De jouer avec la mort, pendant le sexe ? Ou de vous punir ? La douleur vous plaît ?
- Je ne me suis jamais posé ces questions.
- Je vous les pose. »
C'est aussi son regard qu'il pose, sur Sirius et moi. Il disait que personne n'y devait toucher. Il avait raison, imprudent, impudent. Notre intimité me semblait si évidente et fusionnelle, à me réconcilier avec ce corps qui me répugne. Mais en pleine lumière, il me semble sous ses yeux que je ne suis qu'un sale animal.
« Il y a des moments où je ne cède pas parce que je le sens trop proche, l'autre.
- Avant la pleine lune.
- Oui.
- Que se passerait-il ?
- La dernière fois, balbutia Remus, j'ai vu... J'ai entendu quelqu'un d'autre, et ça n'avait rien d'un fantasme. Une nouvelle proie, celui qu'il veut, le loup.
- Est-ce si insoutenable ? Les pensées parasites sont chose courante...
- C'était un enfant. »
Voilà, très bien. Le regard de Pye est indigné. Maintenant, je sais qu'il ne va plus me négliger.
Pye sembla sur le point d'insister mais il se ravisa. Remus soupira et gronda de nouveau :
« Il ne faut pas que je cède. Je ne veux pas devenir un criminel, je préfère encore mourir.
- Monsieur Lupin, votre état de détresse est préoccupant. Nous allons commencer par vous apaiser, aussi imparfaits que soient les traitements actuels. En ce qui concerne les pulsions, je pense à des potions inhibitrices, à base de houblon qui est un anaphrodisiaque et de benzoate pour les épisodes agressifs. Je travaille à un remède à base de datura stramonium aussi.
- L'herbe aux fous ? Elle est toxique, non ? Hallucinatoire, si je me souviens bien.
- Bien préparée, elle agit efficacement sur les terreurs nocturnes des jeunes enfants.
- La plupart des potions ne...
- Pas directement sur l'état nerveux, je sais. Mais votre corps humain est son véhicule. »
Remus acquiesça.
« Ce qui, à mes yeux, est le plus fascinant, c'est que vous êtes le premier que je rencontre qui lutte même pendant la métamorphose. Votre ventre. Vous vous êtes infligé cela seul. Est-ce que vous vous êtes entendu ? Vous avez dit "je" et "lui" en parlant de cette nuit-là. »
Remus secoua la tête. Il ne s'en était pas rendu compte, ou plutôt, il ne pensait pas cela inhabituel.
« Ce ne sont pas des blessures de frustration. C'est un châtiment que vous avez infligé au monstre. Et vous avez voulu toucher plus bas, après avoir agressé votre ami en rêve, n'est-ce pas ? »
Remus hocha la tête, mortifié mais aussi... Songeant que peut-être, il était bel et bien en train de faire une différence.
« Vous avez parlé d'imperium. Vous n'auriez pas pu lutter contre un tel maléfice.
- Oui, pardon, je...
- Alors c'est encourageant puisque vous y parvenez. »
Remus fit une grimace peu convaincue.
« Je peux exercer sur vous de l'hypnose pendant nos prochaines consultations, certains patients y sont relativement réceptifs. »
Cela faisait beaucoup de précautions pour une prescription.
« Et sinon ?
- Tenez, pour la prochaine fois, j'aimerais que vous remplissiez ce questionnaire. Madame Pomfresh vous fera parvenir ce soir une première potion, notez-en bien tous les effets.
Et mangez. »
Remus fit un sourire sans joie en songeant à James.
James l'attendait dans les cuisines d'ailleurs, c'est ce que lui souffla Barnabas avant d'exécuter une gracieuse révérence à laquelle Remus répondit avec davantage de sobriété. Il parcourut les couloirs la tête bousculée par ce qu'il avait dit, mal dit, oublié de dire, le corps encore éclairé de l'intérieur par ses mains magiques. Quel pouvoir.
C'est fait. Enfin non : ça commence.
Un jour après l'autre.
Les Maraudeurs étaient perchés sur la plus haute des poutres en bois, sous le plafond, les pieds balançant dans le vide. Ils encourageaient les Elfes affairés, chantaient des sottises et dévoraient de la pâte à cookies crue.
« Comment tu te sens ?
- Fatigué. »
James prépara un chocolat chaud à distance et le lui fit parvenir. Des pépites fondaient à la surface. Remus prit une longue gorgée, ferma les yeux, adressa un regard de félicitations à James avant d'accepter de raconter :
« Vous vous souvenez d'Edgar ?
- Évidemment. Comment veux-tu qu'on l'ait oublié ? Quel rapport ? Il a été mordu ? »
Remus leur rapporta la mystérieuse disparition de son père. Ses amis grimacèrent.
« C'est hyper angoissant, ça.
-Et Pye, il est comment, alors ?
- Hum... Froid mais... Assez correct. Il va me donner des potions, et je vais le revoir dans la semaine. J'ai des rapports à lui faire aussi. »
Il sirota une autre gorgée de chocolat pendant que James et Sirius lisaient les questions de son dossier :
« Non mais regarde, moi aussi, je coche les cases hein, si on va par là moi aussi j'en suis un, hein !
- Racontez-moi vos rêves, monsieur Black, fit James en posant ses lunettes sur l'extrémité de son nez et en faisant mine d'écrire dans un bloc.
- Je tue mon père... Et je fais un câlin à ta mère !
- Eh !
- Régime alimentaire ? T'as pas besoin de régime, toi...
- Non, Patoune, ça veut dire ce qu'il mange.
- Ah ! Ben du chocolat. Lait, 45 % de cacao. Amandes, pas noisettes. Fleur de sel.
- On n'a qu'à ressortir notre exposé pour répondre aux questions, ça rattrapera ces trois ans partis en fumée.
- Genre, tu as conservé ce devoir, depuis... !
- Je te jure ! Mais c'est bien le seul. Déjà parce que c'était sur Moony, et ensuite parce que je ne l'avais pas encore jeté quand Edgar nous a raconté la perquisition de son père. Après ça, j'ai préféré le conserver.
- J'enrage, grommela Sirius. Effacer ses recherches, c'est même plus la négligence ou le mépris qui empêchaient les lycanthropes de bénéficier des avancées de la recherche, c'est du pur sabotage. »
Le cœur de Remus se révoltait de même. Il songeait. Peut-être pourrait-il publier un témoignage à son tour, soit anonymement pour ne pas embarrasser Dumbledore, soit en son nom, qui était, il l'avait compris, caution d'excellence. Qu'au moins, si d'autres vivaient les mêmes déchirements, qu'ils ne se sentent pas seuls. Mais réussirait-il à parler de tout cela ? Comment faire ça bien, je n'en ai aucune idée, je ne sais pas si c'est bien, si les lycanthropes apprécieraient que leurs troubles soient présentés à l'opinion publique, si les non-lycanthropes ne vont pas couper mon témoignage, monter et retourner ça contre moi – nous. Je ne sais pas de quoi ils sont capables.
James et Sirius quittèrent les cuisines et rejoignirent le stade. Le premier match de l'année avait lieu la semaine suivante. Avec tout cela, songea Remus qui les suivait, trop las pour travailler, je n'ai pas fait attention à Sirius, à Regulus qu'il va encore devoir affronter. Dans les gradins, entre deux rêveries tristes et inquiètes, il les regarda jouer, et parfois cabrioler juste pour lui arracher des sourires. La sensation de bien-être que le chocolat de James avait propagé dans son ventre et les impulsions de Pye continuaient de rayonner doucement. Sirius l'avait enroulé dans son écharpe avant de le quitter. Remus s'y recroquevilla pour aviver le plus longtemps possible le minuscule espoir qui palpitait au fond de lui.
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