Automne 1975 : eaux troubles
Un jour...
Sirius balança les graines dans les toilettes et dans le même geste, se suspendit brutalement, comme un pendu, à la chaînette de la chasse d'eau. Il regarda le tourbillon emporter son poison et continuer de tourner, hypnotique, encore longtemps. Jusqu'à ce qu'il ne fût plus envisageable d'utiliser un sort d'attraction pour les lui ramener. Alors il lâcha la chaînette et frappa le mur.
Ça suffit, ça suffit. Vas-y, tu veux le voir, tu veux, seigneur, tu veux tellement !
Oh Remus, j'ai honte de ce que je t'ai fait, honte de ton air triste, c'est comme une nouvelle ecchymose que je t'aurais infligée, la pire de toutes
Mais si tu savais comme à partir de maintenant, les jours vont être plus lumineux, et toutes les nuits, toutes.
Sirius descendit les marches en songeant, et sans songer, le coeur soulevé
Il s'arrêta à l'entrée du couloir. Remus l'attendait près de la statue de Boris le Hagard, appuyé contre le mur, pas nonchalant, juste un peu las peut-être. Les manches torturées de son pull dépassaient de son manteau trop petit. C'est qu'il ne savait pas comment l'attendre à l'intérieur : habillé, nu, dans l'eau déjà ? Alors il l'attendait là. On y va ensemble et puis... Dans le couloir, il pourrait déjà voir à la mine de Sirius s'il voulait toujours vraiment y aller, ou s'il était préoccupé, distrait.
Ses yeux brillaient dans le noir.
« Quoi ? rit doucement Sirius, accusé par ce regard. On y va ? »
Pas distrait, mais un peu préoccupé c'est vrai, malgré la cascade tendre et sensuelle au fond de ses yeux qui jetait Remus dans la confusion. Il sourit doucement et esquiva un baiser. Et puis, un peu honteux peut-être, délicieusement coupable, Remus lui offrit le second.
« Ouvre vite... Tu es sûr qu'il n'y a personne ?
- Oui.
- Comment ? »
Remus donna le mot de passe d'une voix tremblante, sans répondre.
La porte coulissa silencieusement sur un petit palier. Il débouchait sur quelques marches de marbre blanc que Sirius commença à monter avant de se retourner vers Remus, étonné.
« Tu devrais enlever tes chaussures. » chuchota-t-il.
Il redescendit sans discuter, ôta ses souliers et ses chaussettes et les rangea sur l'étagère, en-dessous du porte-manteau. Il hésita. On se déshabille là, comme ça, comme dans les vestiaires de Quidditch ? Il se pencha pour embrasser Remus, effleura très doucement la ligne de sa mâchoire. Remus sourit et lui fit signe d'avancer.
« Tu es déjà venu ? » lui demanda-t-il en montant.
Remus ne répondit pas. Il était venu voir un jour et avait renoncé à ce luxe. S'offrir ça seul, se faire plaisir seul, ça avait toujours un peu le goût de la gêne.
Pieds nus sur le marbre, en uniforme, Sirius explore la pièce. On dirait qu'il y a de la musique, pourtant c'est très silencieux, presque feutré même si tout est lisse : le marbre blanc, le cuivre des robinets ornés de joyaux. Il y a un lavabo de chaque côté de la porte, des bancs ouvragés le long des murs, une étagère de cuivre forgé pleine de serviettes grosses comme des nuages dans laquelle on a envie d'enfoncer la main pour y voir son empreinte disparaître lentement. Au fond, derrière des colonnes en arc de cercle, un vitrail représente une sirène, ses couleurs chatoient légèrement, même s'il pleut dehors. C'est tout simple en fait. C'est blanc mais pas froid, impérial de simplicité, paix pour l'esprit, un peu comme une chapelle, s'ils savaient ce que c'est,
un trésor de poche.
Sirius marche sur le rebord du bassin, comme un gamin, la pointe de ses pieds danse entre les robinets, il appuie sur certains, glisse les orteils sous le jet. Il préfère les parfums frais, genièvre, cédrat, lavande, absinthe, mélisse, un genre d'eau de Cologne dans une huile pourprée qui vient tracer des méandres sur la surface. Une mousse crépite, un peu au-dessus de l'eau, orage minuscule et irisé. Il lève la tête vers Remus qui n'a pas bougé, encore, debout en haut des marches. Il lève seulement sa baguette pour tamiser la lumière du grand lustre, et encore. Et encore.
« Eh, pas trop » chuchote Sirius.
Il revient près de lui, en trois bonds qui laissent des traces brillantes, un peu rouges, sous ses pieds. Peu à peu la vapeur remplit la pièce, des volutes magiques comme des rubans colorés, très légers, une fumée de fête.
Sirius pose la main sur sa hanche, de ce geste qui est devenu familier mais continue de les émerveiller.
« Je peux t'embrasser ? » murmure Remus.
Dans l'air devenu un peu flou de brumes, il trouve sa bouche moite, un petit bout de langue qui se dérobe trop vite et suspend son sourire, terriblement agaçant et aguicheur, accroché aux bretelles qu'il a trouvées en soulevant un peu son pull, sur ses reins. Les mains affolantes de Remus remontent dans son dos, il demande : « je peux... ? » Sirius manque de rire de cette précaution, mais déjà il recommence en effleurant sa poitrine sous la chemise trop fine, traîtresse, « Je peux ? » Il dégringole dans ce jeu, un nouveau jeu très ardent. Remus le serre contre lui, impérieux, en murmurant « Je peux ? » à chaque bouton de sa chemise, « je peux ? », de sa voix rauque dans laquelle il a envie de se noyer tout entier, qui le fait vibrer jusqu'aux chevilles et le laisse bouche-bée. A chaque caresse, du bout des doigts, « je peux ? », et à chaque baiser dans le cou, langue dans l'oreille, et Sirius doit se tenir au lavabo tant ses jambes tremblent sous l'assaut de cette fausse pudeur, furieusement indécente. Remus glisse les mains sous ses cuisses pour l'asseoir, Sirius enroule ses jambes, ses bras autour de lui pour l'étreindre au plus fort, quitte à lui faire mal, le dévorer tout entier, ne jamais le laisser, les jambes ouvertes, et alors, ses cheveux dans lesquels il enfouit son nez avec un grognement animal, et alors ? Remus termine d'ôter sa chemise en tremblant, il détache les bras de Sirius, défait son pantalon, ses dessous, sans le toucher. Lentement, c'est sacré. Il fait trois pas en arrière et il regarde. Jamais il ne l'a vu nu comme ça. Il en frémit, les poings fermés, comme encore effrayé ou écœuré déjà. Sirius a un mouvement de la tête pour chasser une mèche, appuyé contre le lavabo, comme une statue,
grave. C'est forcément un peu grave, quand on est
terrassé par une contemplation si pure, si abandonnée
C'est si fort, son désir pour lui qu'on n'en revient pas, jamais
My own private neverland.
Outrageux, non ? Parce que ce sont toutes les paroles les plus inconvenantes de Ginsberg qui tournent dans sa tête, dans son ventre, sous sa peau, qui grondent et son sexe dressé là qu'il n'essaie pas de cacher, il montre tout ça, tout est à toi
Je veux faire tout ça avec toi
Magnifique, et Remus recule en le dévorant des yeux, pas à pas, pieds nus sur le marbre
D'un geste souple, il enlève son pull
En chemise blanche, bretelles, pantalon noir, une pirouette et sa longue silhouette tombe dans l'eau
Hey !
Sirius plonge après lui
Ses talons tapent les rebords pour le retrouver,
C'est toujours la chasse
Ce désir sans fin qui terrasse
La course contre la faim, contre la peur
Et contre toutes les irrémédiables
impossibilités
Est-ce qu'il y a des larmes quand leurs jambes s'emmêlent n'importe comment dans l'eau, peut-être
Soulagement ou désespoir est-ce qu'on sait : tout ce que l'amour peut avoir d'absolu est dévorant
Quelque chose de toujours trop sauvage
Que l'on ne comblera
Jamais jamais
Sinon peut-être par toute cette eau entre nous en nous
A se noyer dans les bulles, devenir visqueux de cette huile rouge
Parce que j'ai trop trop envie
De fondre là avec toi sous l'eau, chaque particule de toi et chacune des miennes
Se confondre dans ce flou, dissoudre les interdits, les indécences, les blessures,
La pesanteur n'existe plus
Mais tu m'attrapes, je glisse dans tes bras, ballet combat ralenti par les masses liquides
rire un peu, rire comme on pleure, un peu des deux
Et se presser n'importe comment, la main qui écrase tes boucles mouillées, la bouche ouverte sur tes lèvres, tout a la forme de l'eau
Nos deux sexes l'un contre l'autre
Et jamais assez indécent, jamais assez animal
Jamais assez de toi
Les doigts de Remus enfoncés dans l'épaule, les genoux appuyés sur le carrelage, le bassin qui spasme
Et laisse-moi tout toucher, tout regarder
M'abreuver de ces cris que tu laisses échapper et qui m'enflamment
Je voudrais te faire l'amour toute la nuit
Comme si tu étais la lune tout entière, comme elle attire la mer
« Ne dis pas ça... Elles ne se rejoignent jamais
- Et nous, est-ce qu'on se rejoint vraiment ? »
Sirius enlève ce qui reste de pantalon, de chemise, même les bretelles entre ses dents
Remus tremble dans l'eau chaude
De ses mains qui parcourent son corps
Le remplissent à ras bord
De ce sentiment d'exploser de jamais assez de tout, de rien, d'infini
Je veux que tu me fasses ça, tout ça...
Je peux te faire ça ?
Sirius embrasse ses pieds, les presse sur son visage, il le soulève, statue à la beauté insolente lui aussi, œuvre moderne, sur laquelle l'eau dégouline marbrée de rouge, œuvre d'une déesse : la seule à savoir insuffler la vie,
Bien plus qu'une statue
Il trébuche, s'allonge sur le carrelage, sous Sirius qui vient dévorer son ventre, ses jambes si longues, qu'il replie avec pudeur, le danseur,
C'est un peu toi et moi, le carrelage froid, ce blanc blême, la dureté la pureté
Il le retourne, passe le visage et les lèvres sur la courbe de son dos, le rond des fesses
(Remus cache son visage dans ses bras)
En mordant très fort cette maudite et fabuleuse feuille de mandragore
Et ce sexe fier, qu'il caresse comme un joyau, émerveillé
T'es fait pareil, murmure Remus
Non, pas pareil
Ta peau là est si douce, presque impalpable
Douce
Doucement Remus le ramène à lui pour l'embrasser, longuement, ses lèvres seules
Ce qui se passe, il ne sait plus, il s'en fout, il est hors de lui de toute façon quand Sirius l'embrasse comme ça, l'étreint
Ses mains grandes ouvertes sur lui, à le soulever
Remus descend dans son cou, sur son cœur, il tremble, il ne sait pas trop
Il a tellement envie
De son ventre, de ses entrailles qui palpitent, de son cœur qui pulse
De tout ce qui bouillonne en Sirius et qui cherche à l'atteindre
Quand il y pense, il n'arrive pas à y croire : s'être trouvés comme ça, et voulus, bien au-delà
L'impétuosité de la mer
Le goût de la mer
Comment est-il possible d'être à ce point désiré, Sirius
Chute quand la bouche de Remus rencontre son sexe, quand il sent ses lèvres toutes entières, c'est comme s'il sentait sur tout son corps
L'intimité insolente de sa bouche, sa langue chaude, c'est
Une caresse plus complète, plus immergée, entière
Un autre genre de bain, où partout, tout l'épouse
Sur le carrelage dur, froid et blanc
Il voit le dos de Remus, ravagé, couturé, ses fesses
Et il ne voit plus rien, la main dans la sienne
C'est encore un goût de sang
barbouillé dans la voie lactée
et de sanglots
Dans l'eau, à la dérive, dans l'eau
Pas pour se laver :
Pour retrouver cette impression trompeuse qu'ils sont encore tout mélangés
Laisse-moi fondre là
Mais alors, on ne pourrait plus s'embrasser, ni
Combien de temps peut-on rester là ?
Dans l'eau ?
Dans cette pièce
Je ne sais pas
Alors, encore un peu
Restons encore un peu
100 % love centered
Drama is coming...
Les personnes qui votent à chaque chapitre : merci à l'infini c'est autant d'étoiles dans notre constellation,
cette histoire est à vous
et celles qui commentent, celles qui peuvent, celles qui savent
c'est autant de paroles inespérées
des croyances incroyables que vous faites naître
merci
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