Automne 1973 : blessure·s

Un jour...


L'inquiétude soulevée par l'étrange malaise d'Achille disparut bientôt. L'infirmière n'avait pas remarqué d'altération de sa santé, il dormit comme un bébé la nuit suivante et, vu la façon dont il détalait dans les couloirs, il ne semblait pas souffrir de troubles particuliers de la respiration. Les premières semaines d'automne s'écoulèrent ainsi aussi tranquillement que faire se peut dans une école de magie, entre les cours de métamorphose et les tours que les élèves se jouaient. D'ailleurs, James était en train d'aider deux jeunes Gryffondor de première année à perpétuer la tradition des farces anti-Serpentard. Remus soupirait, Sirius ricanait, et le reste de la salle commune se réjouissait de la première sortie à Pré-au-Lard, le lendemain.

« Je crois que j'aimerais avoir des enfants, un jour. » déclara James en s'affalant au pied du canapé.

Il prit une seconde pour réfléchir pendant que Sirius faisait semblant de vomir.

« Bon, deux jours, maxi. »

Au moment d'aller se coucher, tout allait bien.

Au milieu de la nuit, les rideaux frémirent. Achille grogna qu'il était temps de fermer cette fenêtre. Remus l'ignora et se retourna. Ses paupières frémissaient dans le demi-sommeil, légèrement troublé par un mouvement répétitif. Un grincement montait, venu de si loin qu'il fut imperceptible d'abord, mais quelque chose glissait bel et bien, péniblement, et se rapprochait d'eux, avec une longue plainte étouffée. Remus écarquilla les yeux, couvert de sueurs glaciales, réveillé en sursaut en même temps que Peter qui bondit :

« C'est quoi ce truc ?

- T'as ronflé trop fort, rendors-toi, grogna Achille.

- Ce n'était pas un ronflement, murmura James en secouant la tête, égaré. C'était... Quelque chose que je n'avais jamais entendu avant...

- Drama queen, gronda Remus en refermant les yeux, sûrement une connerie des Cancrelards...

- Mais Halloween n'est que demain... »

Ils s'entendaient à peine respirer les uns les autres, comme si, le souffle retenu, ils attendaient l'irruption de quelque chose, comme si l'épaisseur soudaine des ténèbres piégeuses aiguisait leur alerte. Pendant quelques minutes, il n'y eut rien et Sirius se décida à aller aux toilettes. Une seconde plainte retenti alors, accompagnée d'un grincement terrible qui leur arracha à tous un cri d'effroi. Cela semblait venir du mur, derrière leurs têtes de lit. Peter alluma les chandelles, tremblant de tous ses membres mais déterminé à comprendre ce qui arrivait. Il palpa les tapisseries et les pierres en murmurant : « Est-ce que c'est une créature, un maléfice ?... ?

- En tout cas, ça ne nous veut pas du bien... » balbutia James.

Ils brandirent leurs baguettes vers Sirius qui passait la porte, livide.

« On descend à la salle commune ?

- Demander à Frank... ?

- Tu veux le réveiller ? hasarda Remus.

- Quand même, c'est vachement étrange... Ça pourrait être dangereux... » gémit James d'une voix tremblante en enfilant sa robe de chambre avant de filer.

Les autres camarades se recouchèrent au-dessus des draps, la lumière allumée, les rideaux des baldaquins ouverts, prêts à bondir. Achille et Peter continuaient de se persuader que c'était un coup des Serpentard mais un petit quelque chose dans l'œil de Sirius alerta Remus. Il s'apprêtait à l'interpeler quand la fenêtre s'ouvrit toute grande, arrachant un cri d'effroi à son ami qui se jeta sur lui pour le tirer par le poignet. Une bourrasque lacéra les rideaux, si violemment que la tringle se brisa. Les garçons détalèrent en hurlant et se cognèrent dans leur préfet qui accourait, pressé par James :

« C'est la tempête, c'est rien...

- MAIS Y A PAS DU TOUT DE TEMPÊTE AUJOURD'HUI ! » hurla Sirius.

Le dortoir était de nouveau paisible. Les rideaux déchirés s'agitaient mollement dans la brise, sordides. D'un coup de baguette, Frank les répara, puis il observa le loquet de la fenêtre, alors que les autres garçons s'en tenaient le plus éloignés possible :

« Elle était fermée ?

- Bah heu...

- Non, balança Achille. Remus préfère dormir la fenêtre ouverte. »

Remus répondit par des yeux noirs au regard accusateur de son camarade et à celui, blasé, de Frank.

« Un coup de vent.

- Frank, tu as vu LA GUEULE de ces rideaux ? Depuis quand le vent fait ça ?

- Une farce de Halloween, alors. Arrêtez de me déranger pour des bêtises, et il est HORS de question de dormir dans la salle commune ! »

Peter ravala sa question en boudant.

Les garçons se terrèrent entre deux lits, ils s'endormirent très tard et ne furent réveillés que par la cloche qui annonçait le départ pour Pré-au-Lard.

Jamais créature ne montra tant d'empressement à dévaler les étages, de la tour des Gryffondor jusqu'au rez de chaussée. Jamais Poudlard ne connut course de glissade sur les rambardes plus acharnée. Arrivés derrière le couloir des sanitaires, alors que Ian et Achille les avaient devancés, Remus attrapa ses amis par le col pour emprunter le toboggan de Merwyn le Malicieux. Ils accueillirent leurs voisins de chambrée près de la sortie avec un immense sourire, une pomme à la main, le souffle calme, la mise propre.
« Y a... un truc... siffla Ian écarlate et échevelé. Je ne sais... Pas comment... Mais vous trichez ! »

« C'est plus petit que je ne le pensais, déclara Sirius après avoir parcouru toutes les rues du village.

- Rien n'est jamais assez vaste pour toi, sourit James.

- Non mais c'est bien quand même. »

Pressés dans les effusions de leurs camarades, ils avaient empli leurs poches et leurs joues de bonbons et s'étaient précipités sur les jouets de Zonko avant de composer une immense tablée de Gryffondor aux Trois Balais, avec tous leurs camarades et coéquipiers. Lorsque Hagrid passa la porte, ils l'acclamèrent et l'invitèrent à leur table. Le géant rougit, madame Rosmerta essuya son front, les bièraubeurres tournèrent mais comme Sirius avait le ventre plein, il n'y retrouva pas l'ivresse de la première fois. Remus préféra rester fidèle à son chocolat chaud avec surplus de crème et un petit lapin en meringue. Il le croqua, le regard narquois, en soutenant les mines envieuses de Peter et Sirius.

« Avant d'y prétendre, Sirius, il va falloir qu'on éclaircisse un point : où sont passées vos projets de farces aux Cancrelard à James et toi ? »

James et lui se considérèrent un instant et admirent, en baissant les yeux :

« C'était nous.

- De ?

- Hier soir, le bruit dans le mur, c'était nous.

- PARDON ? bondit Peter.

- J'en étais sûr ! soupira Remus, la panique de James était tellement surjouée !

- Mais comment, espèces de trolls ?

- On a demandé à Mowgli. Vous avez remarqué, à chaque fois que l'un de nous sortait, ça recommençait : on la retrouvait dans la salle de bains et on lui demandait de le refaire.

- Raclures de bandimons, va !

- C'était un entraînement pour aller ce soir effrayer les Cancrelard !

- Ah les veracrasses !

- On devait tester, vérifier !

- Pourquoi ne pas nous l'avoir dit ?! Il y avait bien assez de cobayes dans le dortoir à part nous !

- Je sais pas, on a eu cette idée vite fait !

- Bande de cloportes galeux... !

- Sauf le dernier truc : la fenêtre qui s'ouvre et le rideau, c'était pas nous, je le jure !

- On n'a rien compris à ce qui s'est passé !

- Vous ne valez pas mieux que des Cancrelards...

- Eh oh, doucement avec les insultes ! »

Sirius suppliait Remus du regard. Il était prêt à lui pardonner quand son ami lui demanda :

« C'est bon, je peux te prendre de la crème maintenant ? »

Remus hésita, creusa une cuillerée généreuse dans sa tasse, tous les regards attirés par le merveilleux tourbillon blanc. Il chipa encore un peu du regard de chien battu de Sirius qui se croyait irrésistible avant de la lui catapulter au visage. Sirius poussa un cri de surprise qui fondit dans un fou-rire.

« Remus !

- Remus !

- That's my boy ! J'ai trop d'influence sur toi, mon Remus ! »

La sortie touchait à sa fin quand Sirius les entraîna d'un pas déterminé sur le chemin de la Cabane Hurlante. Ils la contournèrent pour se planter hors de vue, épaule contre épaule et observer solennellement la ruine. Remus se tenait un peu plus loin, assis par terre, recroquevillé sur un genou, il dessinait des runes dans la poussière pour ne pas lever la tête.

« Remus ! Tu l'as déjà vue de l'extérieur, toi ?

- Pas besoin. »

Pas envie

Attirer tout ça, moi.

Ils sont si gentils, ces trois garçons, je n'ai pas mérité ça. Je ne voulais pas découvrir en eux cette gentillesse maladroite, qui ne sait pas encore comment faire, indiscrète et enthousiaste, beaucoup trop, face aux interdits. Ça me met mal à l'aise. Je ne veux pas être leur agent du chaos, leur prochaine bêtise.Je sais qu'ils sont capables de tout.

« Emmène-nous à l'intérieur, un jour.

- Il y a sûrement des méfaits plus intéressants à inventer.

- Il ne s'agit pas de méfaits... râla Sirius. Eh, ne fais pas cette tête ! Tu ne me crois pas, hein ?

- Non ! », rit Remus.

Si.

Je crois à ta curiosité au-delà de tout, aussi irrépressible que celle d'un enfant, aussi vaillante que celle de l'homme qui connaît son devoir : intraitable. Même si tu fais tout pour ne pas le laisser paraître, tu les as, cet instinct, cette sagesse et tu t'efforces de les déguiser en malice. Tu dis que non mais il s'agit toujours de méfaits : forcer les portes et même les murs, les interdits, les injustices. Méfaits, oui, pourquoi pas, s'il faut ça pour libérer de l'infâme et de l'étouffement. Mais ne viens pas me dire que tu veux porter mon fléau avec moi, toi qui as déjà plus que ton compte à porter. Laisse-moi croire que tu ne cherches qu'à oublier, te jeter dans la bataille pour oublier tes démons, pour vivre à la lisière du danger et parvenir un jour à te perdre.

« Je ne te crois pas. Mais je ne doute pas de toi.»

Alors je dis que tu ne sais pas ce que tu dis

Et c'est vrai que tu ne sais pas

Il y a plus insolent encore :

C'est ta bonté

« T'es chiant Remus. Arrête de dire des choses comme ça. »

Il lui donna un petit coup de pied, derrière le mollet, un coup très tendre. Peter et James s'éloignaient en les appelant dans l'orange du couchant.

« D'ailleurs, arrête de penser. »

Sirius jeta un dernier regard à la cabane.

« On va être en retard.

- A mon avis, on l'est déj... AAAH ! »

Sirius le poussait dans le dos, en se précipitant vers les calèches qui les attendaient en bas du sentier. Ils dépassèrent James et Peter dans leur course d'aliénés, à la limite du déséquilibre. Engoncés dans leurs robes et écharpes, ils étaient moins lestes que l'été précédent, au bord du lac. Sirius se débarrassa de la sienne, empoigna Remus de l'autre main, serrant de toutes ses forces, de toute sa rage, pour se faire mal et pour ne pas abandonner.

Crois-moi crois-moi crois-moi crois en toi


Ça recommence.

En une fraction de seconde, chaque fibre de ses muscles se contracta tant qu'il ne put même pas hurler. Tout son corps hurlait : DANGER, l'esprit à mille à l'heure au point qu'il demeurait pétrifié, et son échine transperçait sa peau, ses poumons luttaient pour se ranimer. Hors de lui-même. Étranger. Écrasé par ces images et pensées projetées dans les recoins de sa tête par leur tourbillon maléfique.

Réveille-toi !

Je ne peux pas bouger ! Où sont mes membres ? Il n'y a plus rien que cette poisse gluante et immonde, sueur, sang ou semence, quelle différence ? Il n'y a que cette crispation odieuse, et cette main chaude refermée sur le désir qui espère d'autres caresses... Oh, il faut en sortir, il faut en sortir !

Ouvre les yeux, réveille-toi !

Ce n'était qu'un rêve.

Ça ne sert à rien de trembler comme ça, c'était seulement un rêve ! Si c'était un rêve, pourquoi mon corps lui répond-il si ardemment, d'où viennent ces odeurs de sang, de sexe, de peau qui me...

Oh, si seulement, je continue, encore un peu, je suis si proche de la jouissance, personne ne saura et...

Réveille-toi ! Il faut que tu bouges ! Avant que la faim ne te reprenne, que le désir t'emmène trop loin

Remus se força à ouvrir les yeux. La lumière grise qui traversait la fenêtre murmura qu'il était bien revenu dans le monde. Une immense inspiration s'engouffra dans ses poumons tremblants. Il distinguait son rideau entrouvert, les angles des lits des camarades aux souffles paisibles, le plafond et les tapisseries odorantes. Sa main se détacha lentement de son sexe pour repousser le drap humide. Il n'y avait ni poisse, ni sang, ni rien. Un peu de sueur, à peine. La fraîcheur apaisa ses tremblements.

J'ai réussi.

Il bascula sur le dos, respira lentement, les bras en croix. Le sang pulsait douloureusement dans ses muscles courbaturés. Il prêtait attention à tout, pour ne pas réfléchir. Les motifs du baldaquin, les respirations de ses voisins, les petits bruits du château, le solo de batterie de Bonham dans Moby Dick, la liste des propriétés du sang de dragon et celle des satellites de Jupiter, un poème de Dickinson. Ses membres découverts se refroidirent et les courants d'air lui rappelaient la place de ses bras, doigts, veines et nerfs. Ça va. C'était seulement un cauchemar. Personne n'est réveillé. Il est tôt, tu peux te rendormir. C'est fini. Remus tira sur les draps et retourna son oreiller avant de remonter la couverture sur ses épaules. Je suis vivant, je suis réveillé. Pense à quelque chose d'agréable. Tu es dans une barque sur l'eau, une dune de sable en plein soleil, les herbes folles,

Un vol à balai

Sa tête roule sur le dos de Sirius qui conduit, il a ses cheveux noirs sur la bouche, et sa joue est soulevée par son rire ou peut-être sa respiration, vaste, céleste, qui le berce. Ses bras entourent Sirius qui lui parle doucement, il ne sait plus de quoi.

Ils sont dans le parc, maintenant, en plein soleil, il n'y a personne d'autre, allongés côte à côte. La main de Sirius repose sur son ventre, son visage enfoui dans son cou et il rit doucement en continuant de murmurer des choses gentilles. Remus tourne la tête vers lui, sa joue sur son front chaud, il y presse le nez puis ses lèvres tremblantes. Encore murmure Sirius, encore, merveilleux carrousel de mains qui se cherchent sans fin sur l'herbe chaude, encore de tes lèvres humides et fraîches,

Personne ne saura

Encore

Pervers

Pervers

Pervers

« Il faut manger, Remus ! »

Remus glissa dans sa bouche une cuillerée de porridge. Il lui fallut plusieurs secondes et une gorgée de thé trop infusé pour parvenir à l'avaler. Peter y plongea sa propre cuillère, circonspect.

« Bah ouais, c'est dégueu... Pourquoi tu t'infliges de bouffer ça ?»

Il la souleva pour laisser la bouillie tomber tas à tas dans le bol en riant. Seigneur, quel gamin.

« Prends plutôt du bacon ! proposa James.

- J'ai pas envie de viande... »

Rien de plus faux. L'odeur de la charcuterie était si appétissante qu'elle lui donnait la nausée. Mais il ne céderait pas, il ne faut pas lui céder.

« Remus, tu trembles ? »

La main de Sirius pressa son épaule. Il le repoussa brutalement et suspendit son geste en l'air, comme pour s'excuser, incapable de le regarder.

« Merde ! » se désola James.

Pardon, Sirius. Je ne voulais pas de ça, ces envies révoltantes, celles du monstre et maintenant les miennes ? Est-ce que ce sont vraiment les miennes ? Il m'a contaminé jusque là, n'est-ce pas ? Il m'a corrompu, complètement dégradé. Désaxé.

Y a plus rien qui va.

« J'y vais... A l'infirmerie, je veux dire.

- Ouais, murmura James, je viens...

- Seul. A demain... »

Sirius travaillait à une bande dessinée, allongé sur le ventre, devant la cheminée, assisté des plaisanteries torrentueuses de James, encouragé par les rires. Les tables et fauteuils bien remplis bruissaient de conversations. Lorsque Remus passa la porte, le visage tuméfié, un sourire brave aux lèvres, un silence très bref précéda une reprise hâtive et artificielle des discussions.

« J'en ai marre de l'infirmerie. »

James passa le bras autour de ses épaules pour l'escorter jusqu'au dortoir. Il y eut sans doute quelques rumeurs, inévitablement, mais chacun savait que Sirius eût tranché la langue des indiscrets. Remus hésita et s'écroula en travers son lit, Sirius, préoccupé, d'un côté, Peter de l'autre pour faire pareil, James de tout son long derrière leurs têtes.

« Tes mains ! » murmura-t-il.

Remus les leva. Elles étaient bandées. Ses mains criminelles qui le caressaient, dans son inconscience. Il avait réussi ça, les écraser, à défaut d'assassiner le désir.

Il reposa ses bras en travers de ses yeux. Et alors ?

« Oh, Remus... »

Remus souriait encore.

« Pas tes mains... Tes belles mains ! implora James. Ne le laisse pas faire, la prochaine fois !

- Qu'est-ce que ça change ?

- Il faut que tu lui défendes une chose ! Comme ça... Tu te prouveras que tu peux te battre, un peu, contre lui. Tu garderas le contrôle. Rien que ça, mais ça sera beaucoup ! Il faut que tu trouves un moyen de lutter, pour toi. Peut-être qu'un jour, petit à petit, tu réussiras à le dominer complètement ! »

Remus couvrait ses tristesses d'un voile de rire fragile, à l'enthousiasme si plein d'espérance de James. Si tu savais combien lui me domine.

« Il ne faut pas que tu abandonnes ! » ordonna-t-il en pressant son épaule.

J'essaie, j'essaie mais je n'y arrive pas. La viande, les mains, les désirs... Je voudrais que tout disparaisse, je fais comme je peux.

Et la voix de Peter s'éleva.

« Pourquoi se battre ? »

Tout le monde arrêta de respirer pendant une seconde.

« Mais t'es con ou bien ? pointa Sirius.

- Peut-être que tu n'es pas obligé de te battre contre lui. Peut-être que tu peux faire la paix avec lui.

- C'est impossible ! Jamais je ne ferai la paix avec un monstre ! Tu veux quoi ? Que j'aille dévorer des enfants la nuit ?

- Non, ça ne sera pas la paix, ça.

- Tu proposes quoi alors ?

- Je ne sais pas. Je réfléchis...

- Ça se voit » marmonna Sirius, sarcastique.

Remus poussa un soupir. Puis Peter. Puis Sirius. James se leva pour ouvrir la boîte de chocolats que Dumbledore ou Pomfresh n'oubliait jamais de laisser à l'intention de leur protégé. Remus le laissa lui en jeter un dans la bouche. C'était brillant, ça. La complicité au bord du précipice. L'âme encore toute crispée prête à s'effondrer dans un rire. Parler à mi-mots de ces choses affreuses, penser seul à celles qui ne sont même pas évoquées, se sentir vide, à vif, sans plus trop savoir où en sont mes doigts, mon cœur mon âme, et malgré tout, ils ont réussi ça, domine la certitude d'être aimé. James se recoucha, assez près pour que Remus pût poser la tête sur son ventre.

« Parfois, c'est plus dur que d'autres ?

- Oui. »

Il leva une main en signe d'impuissance et soupira.

« Parfois c'est plus dur, chuchota-t-il en observant ses doigts meurtris. Parfois, mes rêves... Je ne sais plus... »

Remus pressa ses mains sur son visage. La présence de Sirius irradiait près de lui. Ils ne se regardaient pas, ils ne se touchaient pas et ne disaient rien. Il était étendu sur le dos, comme lui, il songeait. Ses longues mèches brunes, des filaments de pensées impénétrables, effleuraient les siennes, presque sages sous leurs airs d'herbes folles, un peu emmêlées.

« Tu n'es pas un monstre, murmurait James, ça, ce n'est pas toi. Ne crois jamais ça. Tu n'oublies pas ? On te prend comme tu es. On ne te laissera pas tomber. »

Comme le jour où Sirius l'avait découvert à l'infirmerie, au retour d'une pleine lune, son cœur battait la chamade et ils étaient prêts à s'endormir, si l'un près de l'autre que Remus sentait la chaleur qui se dégageait de son bras.

« ... Je ne sais plus si c'est lui qui veut ou si... »

Et comme ce jour-là, la révélation

Sirius savait déjà avant d'ouvrir le rideau,

Et les yeux, le cœur, c'est pareil :

Tu sais déjà, Remus 


Chut.



« C'est moi. »

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