Le bien qui fait mal
C'est pénible. Les journées sont longues, elles s'enchaînent mécaniquement et se ressemblent et je n'aime pas ça. J'ai envie de passer plus de temps à parler avec Raphaël. Le peu de lettres que nous nous échangeons ne me suffit plus, je sens que j'ai besoin de plus. Ça n'est pas en me privant de téléphone ou bien de voir mes proches que ça va m'aider, au contraire. Pour l'instant c'est l'aspect de cet établissement qui me fait le détester. Je commence à cultiver une certaine colère contre toute cette institution qui cherche à m'éloigner de la seule personne qui compte à mes yeux. A cause de cette frontière qu'ils ont dressé entre nous ils vont finir par faire partir Raphaël. On ne peut pas se voir, on peut seulement communiquer par lettre et ça n'est pas comme si nous passions nos journées à nous en en envoyer des dizaines. Non, car je dois atteindre que Raphaël vienne récupérer ma lettre et qu'il y répondre et alors ça prend du temps. Puis à son tour il doit répondre et déposer sa lettre à l'accueil. En bref, c'est un long processus qui pénalise l'avancement de notre relation. A ce rythme là j'ai peur de le perdre... Que ça coupe toute envie en lui de construire quelque chose entre nous deux et ça me fait peur. Je ne veux pas le perdre à cause de ma condition mentale...
Je commence à en avoir marre de ce centre, je n'ai pas du tout l'impression qu'il m'aide. La seule chose qui me permet réellement d'avancer est mon voisin, Raphaël et ne pas le voir ne m'aide aucunement. Ça m'enfonce petit à petit. Je suis très heureux lorsque je reçois une lettre de sa part mais le contre-coup est violent. Après je sombre dans une phase sombre où je me dis que je ne me mérite pas, que tout est trop beau entre nous pour être vrai. Je n'arrête pas de me remettre en question, de me faire qu'à cause de ma dépression je vais forcément finir par tout détruire et je m'enferme alors dans un mal être grandissant. Et ce mal être s'installe en moi jusqu'à la prochain lettre. Ce cycle se répète en boucle et me fatigue émotionnellement.
C'est l'heure du repas de midi. J'entends les aide soignants dans le couloir dire à tout le monde de venir manger. Je soupire longuement, je n'ai pas faim du tout... Je me lève malgré tout et traîne des pieds jusqu'au réfectoire. J'évite tout le monde et fais en sorte de garder le visage verrouillé vers le sol, je ne veux pas avoir de contact visuel avec quiconque, ça me stresserait trop. Je sais qu'Alexis m'a dit de m'ouvrir aux autres car ça m'aiderait à sortir mais dans le fond je n'y arrive pas. Je suis encore trop effrayé à l'idée de m'intégrer dans un groupe. Même si personne ne me jugera j'ai tout de même l'impression que je serais un boulet et un intrus alors je veux juste rester dans mon coin. Et puis je n'ai plus envie de m'intégrer aux autres sachant que l'HP me refuse catégoriquement l'accès à mon portable pour communiquer avec le monde extérieur. Ça me révolte alors je n'ai même pas envie de faire d'efforts tant qu'eux n'en feront pas non plus.
Je prends un plateau et pars m'asseoir comme un mon habitude à une table, seul du côté de la fenêtre. Je détaille mon repas mais ne sens aucun appétit me monter. Tant qu'on ne me rendra pas mon téléphone je ne mangerai plus et ne parlerai à plus personne. C'est décidé. Si je dois aller à des extrêmes pareils pour faire comprendre mes envies et besoins et bien je le ferais. Je scrute mon assiette d'un air mauvais et laisse simplement le temps s'écouler. J'admire le parc qui s'étend par-delà la fenêtre. Je me demande quand est-ce que j'aurais le droit de sortir...
- Tu ne comptes rien avaler ?
Je sursaute, ne m'attendant pas du tout à ce qu'on vienne me parler. C'est Alexis, il vient de s'asseoir face à moi. Rien avaler ? Un frisson de dégoût remonte le long de mon échine à l'entente de cette phrase. J'ai presque l'impression d'avoir ce goût âpre et métallique en bouche. Je m'empresse alors de boire mon verre d'eau.
- C'est pas vraiment ce que j'avais en tête. reprend-t-il. Tu devrais manger.
Je hausse simplement les épaules. Je n'ai aucunement envie d'obéir sagement à l'HP alors qu'ils me privent de ma seule source de bonheur dans ce monde. Alexis mange comme si de rien était. C'est comme si tout ça était naturel, comme s'il avait l'habitude de simplement venir manger à mes côtés. Je le détaille du coin de l'œil. Comme toujours il a un gros sweat qui atterrit sur ses mains. Je porte une tenue similaire : quelque chose qui cachera mes marques. Autant elles vont m'aider à aller bien dans mon cadre personnel, j'en suis sûr. Je saurais me dire qu'elles sont là pour me motiver. Autant je n'ai pas pour autant envie de les exposer aux regards indiscrets d'autrui. Alexis rencontre mon regard. Il semble m'observer, je dévie alors le regard me sentant mal à l'aise.
- Tu comptes sincèrement boycotter l'HP ? Tu sais, ici les murs ont des oreilles et des yeux. Ça n'est pas prêt de t'aider de faire ça.
S'il le dit. Ils ne vont pas me laisser mourir de faim. Ils finiront bien par m'écouter après tout. Quand ils verront que je vais mal à cause d'eux, ils me laisseront accéder à mon portable. J'arque simplement les sourcils comme pour témoigner à Alexis que je me fiche qu'il me fasse la morale.
- Tu te rends compte que ça ne fait que témoigner du fait que tu as un problème ?
Un problème ? J'en ai tellement, ça n'est pas une grande nouvelle. Je me décide finalement à soutenir le regard d'Alexis. Malgré ses paroles il reste toujours aussi joyeux, son sourire ne disparait pas. Son aura de bienveillance orne la pièce.
- Un problème psychologique je veux dire. Ça ne fait que confirmer le fait que tu ne vas pas mieux et que tu n'es pas prêt à sortir.
Je ne cherche pas à lui répondre. Je ne suis pas particulièrement angoisse à ses côtés. Tout comme avec Raphaël je me sens en sécurité. Peut-être parce que je sais qu'Alexis a également souffert, qu'il me comprend car il vit la même chose. A sa manière, bien sûr mais nous traversons la même maladie après tout.
- C'est à cause de Raphaël que tu fais ça ? Parce que tu veux le voir ?
Parce que je veux le voir, l'entendre, lui parler, ne serait-ce que par messages ou par appels, oui. Mais comment est-ce qu'il l'a compris ? Je me sens pris en flagrant délit. Je m'affale dans ma chaise et rentre ma tête dans mes épaules comme si je me sentais gêné à l'idée qu'il mentionne mon voisin.
- Si tu veux le voir rapidement tu dois simplement montrer que tu vas mieux, ça n'est pas en refusant de manger ou en boycottant l'HP que tu vas parvenir à tes fins.
Je n'ai pas de stylo alors je n'arrive pas à communiquer même si j'aimerais en réalité. J'essaie de lui répondre mais les mots sont coincés dans ma gorge. Je sens que les mots cherchent à sortir, ils forment une sorte de boule dans ma gorge. J'ai l'impression que j'ai presque perdu l'usage de la parole et que je ne sais plus comment on parle. J'arrive à discuter uniquement avec Raphaël et comme cela fait déjà plusieurs jours que noue ne nous sommes pas vus je n'ai pas eu l'occasion de parler de vive voix. Je m'éclaircis timidement la voix et prends mon courage à deux mains pour prononcer :
- Ils vont pas me laisser mourir de faim...
Je dévie rapidement le regard et croise les bras contre mon torse. Comme si cette position me réconfortait, comme si elle était sécurisante. Je regarde timidement Alexis qui semble surpris de m'entendre parler. Ses yeux sont grands ouverts, il laisse passer un petit rictus :
- J'étais persuadé que tu étais muet.
Un petit rictus franchit également la barrière de mes lèvres. Non, je ne suis pas muet. Je n'aime juste pas me mêler aux autres et leur parler. Je ne sais pas pourquoi mais ça m'angoisse beaucoup. Si je suis dans un groupe de personnes je sens que je commence à me sentir mal, une sorte d'angoisse monte en moi jusqu'à exploser et me faire perdre tous mes moyens. Je m'effondre alors totalement et n'espère plus qu'une seule chose : fuir. Les gens me font peur maintenant mais pas Alexis ni Raphaël.
- Ils ne te laisseront pas mourir de faim mais pour se faire ils vont te nourrir par la force. Par sonde. Ajoute-t-il d'une voix ferme.
Je le scrute d'un regard légèrement apeuré. Il me fait signe que, oui, c'est bien vrai. Je regarde autour de moi, je suis en effet le seule à ne pas manger. Certains aides-soignants regardent dans ma direction par moment. Ils doivent vérifier si je finis par manger mais je suis décidé. Je n'avalerai rien tant qu'on n'aura pas écouté mes revendications. J'ai demandé mon téléphone plus tôt dans la matinée à un des aides-soignants et on m'a refusé ma demande sans même chercher à comprendre tout le réconfort que cela m'apporte.
- Si tu veux revoir ton copain n'essaie pas de lutter, accepte juste les règles. Deux semaines sans portable vaut mieux que te retrouver en isolement avec des sondes pour te nourrir pour une durée indéterminée, tu crois pas ?
Je pense que dans le fond il a raison mais je ne veux pas me l'avouer. Je veux d'abord tenter à ma manière, c'est la façon de faire valoir ce que je veux. Pour une fois que j'ose me rebeller... Ça n'est pas grand chose je le sais mais pour moi défier les règles c'est beaucoup. La seule chose que je râle dans ma barbe est :
- Ça n'est pas mon copain...
Je l'aimerais pourtant... J'aimerais lui offrir cette place particulière dans mon cœur. Je voudrais qu'il me la donne également et qu'on puisse s'aimer tendrement. Est-ce que c'est possible ça au moins ? Je ne sais pas... Il était tendre lui aussi au début et pourtant ça a fini par changer drastiquement du jour au lendemain. Est-ce que ça se passera de la même manière avec mon voisin ? Dans le fond ça me fait peur... Cette éventualité me stresse et c'est pour cela que je n'ose pas céder en l'embrassant, en lui témoignant sincèrement que je ressens quelque chose pour lui. Je veux retarder cela...
Alexis fait la moue accompagné par un petit sourire significatif :
- Bah bien sûr.
Je déglutis péniblement. Je commence à avoir chaud. Pourquoi il pense que Raphaël et moi sommes ensembles ?
- Tu souriais comme un idiot hier en ayant sa lettre dans les mains donc c'est peut-être pas ton copain mais t'es visiblement complètement lovey-dovey de lui.
- Lovey-dovey ? Chuchotais-je péniblement.
Je ne connais pas cette expression. Je triture nerveusement mes doigts en attendant sa réponse. Alexis m'envoie une douce expression. Toute la positivité qui se dégage de lui me fascine, je veux devenir comme ça. Être à mon tour le facteur de positivité et d'énergie dans la vie de quelqu'un. J'en ai marre d'être une part d'ombre et je ne veux justement pas être la part d'ombre dans la vie de Raphaël. J'ai peur de l'entrainer dans ma chute, de lui faire du mal malgré moi à cause de mes pensées sombres...
- Tu l'apprécies un peu beaucoup si tu vois ce que je veux dire. Tu peux pas nier que tu as un crush sur lui, c'est marqué sur ton visage. Je comprends que tu veuilles le voir à ce point mais tu dois accepter qu'il faut du temps pour ça d'abord.
Hors de question. Je ne réponds pas, me fermant complètement au dialogue. Non, je n'accepte pas le fait qu'il faille que j'attende. A chaque moment je sens que mes pensées noires reviennent, elles me rendent malades et m'empêchent même de dormir. Je fais des cauchemars où je me suicide et lorsque je me réveille je panique, je suffoque et n'arrive pas à comprendre ce qu'il m'arrive jusqu'à ce que je me rappelle que je suis enfermé et en proie face à mes propres démons.
- T'as des médicaments ?
Je susurre. Comme toujours parler trop fort m'angoisse réellement. J'ai l'impression que si je parle normalement ma voix va se briser à tout jamais. Alexis semble à nouveau étonné que je cherche à continué la conversation.
- Je prends des anti-dépresseurs oui.
Je fais oui de la tête lui témoignant que j'ai bel et bien entendu ce qu'il m'a dit. Est-ce que je devrais en prendre moi aussi au bout d'un moment ? C'est peut-être la chose qui m'aidera ? Pourquoi jusqu'à maintenant personne ne m'en a donné ? Je n'arrive pas à comprendre ce qu'ils font dans cet hôpital... Est-ce qu'on s'occupe réellement de moi ? Peut-être que la psy attend que je me livre... Que je lui dise que j'ai encore envie de mourir, que je me sens vide et risible. Ça serait peut-être le déclencheur qui mènera à ma guérison ? Mais hors de question que je lui parle pour le moment. Je resterai silencieux jusqu'à ce qu'on m'autorise à parler à Raphaël, il me manque bien trop... J'ai l'impression d'être pleinement obsédé par sa personne.
- Pas toi ?
Je fais non de la tête.
- C'est normal tu viens d'arriver, ils veulent d'abord s'assurer de ce que tu as pour te donner le meilleur traitement possible. Tu as encore envie de mourir ? C'est pour ça que tu me demandes ça ? Me questionne-t-il.
Je crois que je préfère lui parler à lui qu'à ma psychiatre. Cette dernière prend trop de pincettes et même si elle est très douce et que c'est censé m'aider je ne sais pas si ça marche pour le mieux. Alexis est plus franc, il dit les mots quand il le faut et même si c'est très brutal je pense que ça me fait prendre conscience des choses plus vite, que j'assimile mieux ce qu'il se passe en moi ou autour de moi. Prenant mon courage à deux mains je regarde ailleurs et fais simplement oui de la tête. C'est la première fois que j'ose avouer que j'ai envie de mourir.
- Les anti-dépresseurs ne font pas tout tu sais. Je suis en train de les arrêter petit à petit, on baisse ma dose au fur et à mesure pour que je puisse vivre sans. La psy pense que je suis prêt et je pense qu'elle a raison. J'ai réussi à aller mieux et à surpasser la dépression sans me reposer uniquement sur les médicaments. J'ai voulu aller mieux, j'ai changement mon état d'esprit, je me suis longtemps battu contre moi-même mais maintenant ça va mieux et je ne peux pas dire que c'est uniquement grâce aux médicaments. Ils m'ont aidé oui, grandement même mais il y a une part de travail personnel dans l'histoire. Tu ne dois pas tout remettre sur les médicaments sinon tu en seras dépendant toute ta vie.
Ça serait une mauvaise chose que j'en sois dépendant ? Je me fiche de devoir prendre quelques pilules par jour si c'est pour pouvoir aller mieux et ne plus avoir envie de me tuer. SI au moins ça me permets de sortir et de construire un semblant de vie normale ça me convient et ce même pour le restant de mes jours.
- Les médicaments te changent. Ils inhibent totalement tes émotions, ils contrôlent tes pensées. Quand je les prenais j'étais content car je n'avais plus envie de mourir mais maintenant qu'on a commencé à me baisser les doses je me rends compte que j'étais une loque. J'existais plus vraiment. Les anti-dépresseurs masquent la dépression et les idées suicidaires mais ils cachent aussi qui tu es. Du moins pour certaines personnes, moi c'était le cas. Je suis vraiment heureux maintenant de me dire que je suis capable de vivre sans médicament, juste en allant mieux dans ma tête parce que je l'ai mérité après ce que j'ai traversé.
Ce qu'il a traversé ? Je me demande à quoi il fait référence. Alexis a une sorte de sourire nostalgique sur les lèvres. J'aimerais être capable de lire dans ses pensées, si seulement je pouvais savoir ce qui lui été arrivé... Quoique, ça ne serait pas juste car moi je ne lui ai pas raconté. Un bref flash d'horreur me traverse. Ça serait égoïste de ma part d'espérer connaitre son passé dramatique sans lui raconter le mien. Mais je n'en suis pas capable, je veux l'oublier à tout jamais, c'est trop pénible. Je ressens encore les douleurs physiques et psychologiques de ce qu'il m'a fait et ça me donne envie de pleurer par moment. Ce qu'il s'est passé entre nous n'est toujours pas guéri. C'est une plaie encore ouverte. Elle semble se panser seulement au travers des contacts purs et délicates de Raphaël...
Je me demande quels effets auront les médicaments sur moi ? Est-ce que moi aussi ils me feront devenir une personne différente ? Je ne réponds plus et enregistre simplement dans ma tête ce que viens de me raconter Alexis. Je saurais m'en rappeler le moment venu.
Le repas s'est fini. J'ai tenu mes convictions et n'ai rien avalé. Alexis s'est donc servi dans mon assiette pour ne pas gaspiller. Ça ne m'a pas dérangé. En revanche, maintenant j'ai une séance avec ma psy et ça, ça me dérange. J'ai pris du papier dans ma chambre pour réclamer mon portable, c'est tout ce que je lui dirais. Je refuse de parler de mes problèmes tant qu'elle ne m'aura pas écouté et n'aura pas accepté que je récupère mon portable.
Je pénètre dans son bureau.
- Comment tu vas aujourd'hui Léo ?
Je hausse simplement les épaules. Je ne lui ai jamais parlé de vive voix, je crois même qu'elle n'a jamais entendu la sonorité de cette dernière. Elle est donc habitué à parler seule entre autre. Mais je suppose qu'elle est formé à ça, c'est son métier après tout... C'est ce que Raphaël m'a dit en tout cas, il m'a dit qu'elle irait à mon rythme, qu'elle s'adapterait pour m'aider à aller mieux en douceur. J'espère qu'un jour je n'aurais plus besoin de papier pour communiquer.
- Comment se passe tes premiers jours ici ? Tu sens des changements ?
Des changements ? Aucun. A part le fait que j'ai sincèrement envie de déguerpir... Je hausse à nouveau les épaules.
- Tu sais, tu peux m'écrire ce que tu ressens, nous avons tout notre temps. N'es pas peur d'être trop long ou lent, ça n'est pas le cas. J'attendrais patiemment que tu rédiges ce que tu veux me dire.
Elle est gentille... Je le sais, depuis les débuts elle cherche à m'aider mais je n'arrive pas à lui octroyer ma confiance. J'ai peur. Je fais oui de la tête pour lui dire que je sais que je peux écrire mais dans l'absolu je n'en ai pas envie.
- On m'a dit que tu n'avais pas mangé à midi, tu n'as pas d'appétit en ce moment ?
Je cache un petit rictus qui me traverse. Si elle savait... Je ne réagis pas à cette question. Je reste muet et immobile. Je fixe simplement les papiers sur son bureau, elle a mon dossier en mains. Je suis persuadé qu'il est écrit en gros quelque part : SUICIDAIRE.
- Je sais que c'est difficile de s'adapter dans un nouvel environnement, c'est normal que ça te stresse d'être ici mais on est là pour t'aider. Moi ou les pensionnaires ici ne te jugent pas, tu es libre d'attraper notre main quand tu le désires mais tu sais que si tu ne nous parles pas nous ne pourront pas t'aider ? Tu le comprends bien ?
Bien sûr, je ne suis pas idiot non plus. J'écris sur une des feuilles que j'ai en mains :
" J'aimerais seulement récupérer mon portable."
Je lui montre. Elle hoche la tête. Alors elle accepte ?! Aussi facilement ? Je suis en éveil et me sens profondément excité mais sa réponse me calme rapidement :
- Je sais, on m'a dit ce matin que tu avais demandé à le récupérer mais pour le moment on ne peut pas te le rendre. Tu sais bien que tu dois attendre deux semaines avant.
J'ai envie de souffler mais ne voulant pas être impoli je me retiens. J'en ai marre de ces discours pré-faits...
- C'est pour ça que tu n'as pas mangé à midi ? Pour manifester ton mécontentement ? Et c'est pour cela que tu refuses de me parler en dehors de cette demande pour ton téléphone ?
Je garde les lèvres scellées et m'efforce à ne pas rencontrer son regard, j'aurais trop peur de craquer sinon et de lui dire que je ne me sens pas bien. Qu'à chaque instant j'ai envie de fondre en larmes, de hurler que je suis mal, que mon cerveau me dit de recommencer, d'arracher mes sutures... Je serre fortement les poings et tente de refouler ces pensées noires qui me frappent de plein fouet.
- Tu sais pourquoi on t'a retiré ton portable ?
Je fais non de la tête. Je n'en ai pas la moindre idée. Soit-disant c'est pour une cure des réseaux-sociaux mais je n'en utilise même pas... Alors ça ne devrait pas s'appliquer à moi.
- Il est important de se rattacher avec la réalité pour se retrouver face à soi et mettre des mots sur ce qu'on ressent.
Je n'ai pas besoin de ça pour le savoir. Je sais que la seule chose que mon corps me hurle est : Mort, suicide. Des mots sombres à la consonance horrible. J'écris sur le papier :
" J'en ai pas besoin de ça. Je n'utilise pas de réseaux sociaux. Je veux simplement parler à la personne qui m'a amené ici."
Elle lit attentivement. J'aimerais arriver à lire une quelconque expression sur son visage mais rien. Elle est impassible. Elle sourit mais je n'arrive pas à comprendre quelle émotion se cache derrière ce sourire.
- Comment s'appelle-t-il déjà ? Raphaël, c'est ça ?
Je fais oui de la tête. J'aimerais arriver à la convaincre de la nécessité que j'ai à lui parler.
- Je sais que vous êtes proches tous les deux mais il faut que tu comprennes que tu ne peux pas reposer toute ta convalescence sur lui. On ne cherche pas à te pénaliser en te privant de moyen de communication, c'est uniquement dans ton intérêt que l'on fait ça. Il est important que tu apprennes à te détacher de Raphaël. Tu ne dois pas baser tout ton processus de guérison sur l'amour qu'il te porte ou l'amour que tu lui portes aussi pur ce dernier soit-il. Car sinon à chaque fois que vous vous disputerez ou quelque chose n'ira pas entre vous deux tu voudras te refaire du mal.
J'écoute attentivement. Ses paroles me font mal, elles me heurtent et me font peur. Est-ce que je suis une mauvaise personne pour Raphaël ? Je suis toxique pour lui... ?
- Il peut-être d'une grande aide pour que tu ailles mieux c'est vrai, il tient à toi. Avoir des proches pour nous accompagner est une aide incroyable mais en revanche il faut savoir se reposer sur d'autres acquis. Tu dois avant tout aller mieux par toi-même et non pas à travers le biais de quelqu'un.
J'ai envie de pleurer. Ce qu'elle me dit est dur parce que je sais qu'à l'heure actuelle je n'en suis pas capable. Je me rends bien compte que je suis obsédé par mon voisin et que la seule chose qui me fait me sentir bien est lorsque je le vois. Dès qu'il disparait de ma vue ou que je n'ai pas de lettre de lui je me sens mal. Elle a parfaitement raison alors pourquoi c'est si dur à accepter ? Je ne veux pas être un fardeau pour lui...
- Tu comprends ce que je veux dire ? Le processus de convalescence est long pour la dépression, il ne s'effectue pas du jour au lendemain. Tu dois accepter d'attraper la main de ceux qui t'aiment et qui te proposent leur aide mais c'est surtout un travail personnel qui s'installe dans le temps qui demande du travail. Ça exige de parler de ce que tu ressens, de comprendre d'où provient ton mal être pour le soigner.
Je tremble je le sens. Je suis à deux doigts de craquer, je serre alors plus fort les poings pour me concentrer sur ces derniers sauf qu'au bout d'un moment je sens que cela tire sur mes points de sutures et que c'est douloureux alors j'arrête. Je ne veux pas que mes cicatrices s'ouvrent à nouveau...
- Tu peux me boycotter si tu le désires mais ça ne t'aidera pas, ça ne fera que t'enfoncer dans le mal être que tu ressens.
Sa voix est si tendre, je sens qu'elle cherche à m'aider en me disant tout ce qu'elle me dit mais c'est difficile à écouter.
- Nous te laissons communiquer par lettres avec Raphaël pour ne pas que la coupure soit trop brutale mais il serait bien que tu prennes conscience que réduire petit à petit vos communications est une étape nécessaire pour que tu apprennes à aller mieux par toi-même.
Je dois arrêter de lui parler pour aller mieux ? Je ne veux pas... Ça me briserait le cœur, si je fais ça je vais vraiment le perdre... Je sais qu'elle ne m'a pas dit de rompre tout contact avec lui et de mettre un terme à notre correspondance mais elle me fait comprendre qu'elle ne me rendra pas mon portable tant que je n'apprendrai à aller mieux par moi-même... Je ne vais jamais le retrouver alors parce que je suis loin, très loin de mettre de côtés tout mes démons.
Je demande à mettre fin à la séance à travers le papier. La psy accepte et me dit que son bureau reste ouvert si j'en ai besoin. Je sors, titubant et me sentant sincèrement faible.
Je le savais, je ne suis qu'un poids, un être toxique pour la personne qui m'émerveille le plus dans ce monde... Ça me brise le cœur.
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On a passé les 1k de vues et je suis tellement heureuse de voir ça ! C'est une petite étape et c'est en réalité très peu mais j'en suis très contente ! Merci beaucoup à tout le monde !
J'espère que ce chapitre vous aura plu ! Pas de Raph dans ce chapitre et j'espère que ça ne vous aura pas déplu malgré tout ! On retrouve notre petit Raph et ses jolies lettres rapidement ;) (oui oui, dans le prochain chapitre qui sort demain héhé). Un énorme merci à toutes les personnes qui prennent le temps de commenter, ça me touche beaucoup.
J'aimerais vous partager quelque chose. J'aurais besoin de vos avis et d'avoir des retours. Ces derniers temps je dessine sans utiliser aucune référence (bon dieu c'est un grand avancement pour moi) et j'essaie également de changer un peu mon style et d'évoluer vers quelque chose qui me plait bien plus. Ce style est souvent trouvé chez les artistes qui font des fanarts NSFW de pairing BTS j'ai l'impression et je trouve ça dommage...Car même si j'adore leur style je refuse de supporter les artistes représentant par exemple Yoongi en train de baiser J-Hope (beurk alèd...). Je sais pas je me mets à la place des idoles et je me dis que ça doit pas leur plaire de voir que les gens les imaginent en train d'avoir une histoire avec quelqu'un qu'ils considèrent comme leur meilleur pote/ leur frère. Donc bref je ne supporte pas ce type de dessin et c'est bête parce que j'adore ce style (typiquement celui de l'artiste Nocypherwork) et donc j'ai voulu m'inspirer de ça pour créer autre chose avec mes propres personnages. Et donc j'aimerais vos avis si ça ne vous dérange pas !
J'ai beaucoup de mal avec certains éléments. Autant dessiner des corps maintenant je gère (et encore), mais autant tout ce qui est fond je ne sais pas faire. De même pour les vêtements/ tenues j'ai beaucoup de mal à les imaginer, les dessiner :/ Et aussi je galère énormément sur les couleurs... En général lorsque j'arrive à ce moment je foire totalement alors j'aimerais bien avoir des retours sur ce que je produits pour m'améliorer ~ Je vous ai mis un dessus juste en bas, n'hésitez pas à me faire des critique constructives (toujours dans la bienveillance hein ! Ne m'achevez pas en commentaire s'il vous plait :')).
(Je pense faire une série de dessins avec ce personnage, faudrait que j'arrive à lui trouver une histoire d'ailleurs...).
Des idées par rapport à son look peut-être ? Tout est le bienvenu !
[Repost autorisé tant qu'on me crédite]
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