Ils sont arrivés vers 14h. Le check-in est normalement à partir de 15h, mais leur chambre était prête. Un charmant couple de français. Ils avaient bien préparé leur voyage, car ils savaient déjà où aller, quels lieux visiter. La route panoramique 128 qui longe le fleuve Colorado. Les Fisher Towers. Et bien sûr, le parc national de Arches. Ils ont patiemment écouté les conseils sur les restaurants, les activités, mais à l'évidence ils avaient leur propre programme. Ils avaient réservé la chambre Bowery, pas la plus chère, mais certainement la plus belle. En la découvrant, ils s'exclamèrent tous deux à quel point elle est magnifique. Ils ont dû apprécier la décoration d'inspiration provençale, avec bien entendu une touche américaine. Lit Queen Size, baignoire à remous pour deux personnes, ventilateur au plafond, climatisation, terrasse sur jardin, dessus de lit en patchwork. Couleurs claires, tête de lit en fer ouvragé, gravures de fleurs méridionales, coussins à imprimé avec des cachets de poste français, bouquet d'épis de blé. Ils restaient trois nuits, plus que la plupart des hôtes qui se contentent généralement de deux.

Ils sortirent rapidement profiter de la piscine qui était déserte à cette heure de la journée. L'eau claire et chauffée dut les aider à délasser la fatigue de la route. Il y restèrent presque une heure, puis ils retournèrent se changer dans leur chambre et partirent en voiture, un gros SUV de marque coréenne. Il rentrèrent en début de soirée, passèrent en coup de vent puis ressortirent, certainement pour aller dîner. à leur retour, le soleil se couchait. Ils remirent leurs maillots de bain et s'installèrent au bord de la piscine. Ils n'étaient pas seuls, un couple d'allemands profitait déjà du bassin éclairé. Ils se baignèrent malgré tout, et finalement se retrouvèrent tous les deux. L'atmosphère devint intime, et ils se rapprochèrent un peu trop. Ils se décidèrent rapidement à retourner dans leur chambre et fermèrent la porte à clé. Plus tard, ils virent certainement la petite plaque dans la salle de bain qui dit "All things grow with love", tout pousse avec de l'amour. Un peu la devise officieuse de l'établissement.

On les vit peu le lendemain. Tôt, ils trouvèrent dans une boîte dans le réfrigérateur de la buanderie contenant leurs petits déjeuners, comme ils l'avaient demandé la veille. à 7h30, ils étaient partis. Leur chambre était certes en désordre, mais ils avaient pris la peine de ranger un peu. Dans la salle de bain, ses affaires à elle étaient à gauche, et les siennes à lui à droite. Tous deux portaient des lentilles de contact. Ils avaient fait une lessive, leur linge propre s'entassait dans un sac à côté du chevet. Mais surtout, ils avaient rangé le reste de leurs vêtements dans la commode en bois sombre. Le tiroir du haut pour elle. Soutien-gorge en dentelle rouge, culottes en coton pour la plupart, brassières et t-shirts de sport, shorts et bermudas, un jolie jupe rose. Lui, tiroir du milieu. Caleçons, chaussettes, t-shirts sans manches et à manches courtes, bermudas, un sweat à capuche et une belle chemise. Peu d'hôtes font ça, la majorité gardent leurs affaires dans la valise qu'ils laissent ouverte dans un coin, quand ils ne la verrouillent pas carrément. La leur était dans la penderie, presque vide, d'après son poids. Il n'y a que les gens qui se sentent vraiment chez eux qui agissent ainsi Ils rentrèrent vers 18h30 et comme la veille ressortirent dîner. De retour à 20h, leur porte fut vite fermée, et plus un bruit ne se fit entendre.

Ils apparurent au petit déjeuner au matin de leur deuxième nuit. Ils se distinguèrent des autres convives en s'installant dehors, sous les canisses. à l'ombre, la température y était agréable. Des goûts très différents. Pour lui, café, omelette aux légumes et galette de viande hachée, puis brochette de fruits et yaourt aux fruits secs. Pour elle, jus d'orange et pâtisseries maison. Ils s'évanouirent de nouveau et leur voiture reparut vers 11h30, mais ils ne restèrent qu'un petit quart d'heure. Ils avaient disposé leurs chaussures de marche au soleil sur la terrasse. Elles étaient trempées. La balade de Mill Creek. C'est à peine à quelques minutes en voiture. Les gens du coin y vont pour échapper aux touristes, ces deux-là sont bien renseignés. Le chemin longe la rivière, dépasse un petit barrage électrique, et serpente au fond du canyon. Le sentier et le cours d'eau se croisent à plusieurs reprises, et il est impossible de garder les pieds au sec si l'on veut aller au bout et découvrir la chute d'eau et le bassin isolé où beaucoup d'habitants de Moab aiment venir se baigner. L'eau y est fraîche, mais très claire, et l'on peut y voir les poissons caresser le fond sablonneux. Leur retour inattendu à 13h00 faillit surprendre le personnel. L'aspirateur n'était pas fini de passer dans le salon de lecture. Ils passèrent le début d'après-midi sur les transats autour de la piscine. Les autres clients étaient sortis, personne ne les dérangea. Ils bronzèrent, plaisantèrent, regardèrent leurs photos sur leur tablette. Vers 15h, un retraité américain vint s'installer au soleil non loin d'eux. Puis un couple et leur fille. Visiblement, ce fut pour eux le signal du départ. En rentrant dans leur chambre, ils se servirent de gâteaux maison dans le salon, des cookies fourrés au chocolat blanc. Fidèles à leurs habitudes, ils sortirent équipés pour la marche. Appareil photo, sac à dos, chapeau, casquette, lunettes de soleil, ainsi que leurs chaussures qui avaient séché. Encore une fois, ils firent un passage rapide vers 19h30 et ne rentrèrent définitivement que vers 20h30. Et évidemment, ils retournèrent se rafraîchir dans la piscine.

Des hôtes avec des habitudes. Prévisibles. Parfaits. C'était leur dernière nuit. Demain matin, le petit déjeuner. Les verres d'eau citronnée. Une dose assez légère pour qu'ils puissent rentrer dans leur chambre, assez puissante pour qu'ils n'en ressortent jamais. Tout pousse avec de l'amour. De l'amour, ces deux-là en ont à revendre. Ils iront sous le pommier dans le verger, qui est un peu malade.