Copie presse.

Analyse technique d'une carte mémoire extraite d'une caméra de type caméra de sport trouvée attachée au guidon d'un jet-ski de marque Kawasaki.

L'analyse doit conclure à un accident dans les circonstances qui ont conduit aux décès de XXXX XXXX (désigné plus loin comme LUI) et XXXX XXXX (désignée plus loin comme ELLE), dont les corps ont été retrouvés sur le lac Powell, près du jet-ski mentionné.

Fichier vidéo #1(VID_201808041026), durée 2'18, 184MB

LUI : Wooohoooo !

ELLE : C'est génial. J'adore.

LUI : Tu te débrouilles super bien. T'es sure que t'as jamais fait ça ?

ELLE : C'est pas compliqué, en fait. Y'a pas de vitesses, tu gères juste l'accélération avec le levier au guidon. Par contre, faut faire attention aux vagues, et bien ralentir pour passer les remous des autres bateaux.

LUI : On fait carrément du 35 miles à l'heure !

ELLE : C'est la classe. On aurait dû essayer plus tôt.

LUI : Ouais, au prix qu'on paye, on peut pas non plus se payer ça tous les jours, mais je sens qu'on va passer une journée de dingue.

ELLE : J'espère bien. Tu te souviens où elle a dit qu'il fallait passer pour rejoindre le lac suivant ?

LUI : La meuf de l'agence ? Elle nous a dit tellement de trucs, j'en ai oublié les trois quarts.

ELLE : Attends, je sors la carte.

LUI : C'était pas un nom du genre Castle Rock ? Faut trouver un rocher qui ressemble à un château.

ELLE : T'es sérieux ? Tous les rochers ressemblent à des châteaux.

LUI : Non, mais un rocher avec comme des crénelages. Tu vois où on est ?

ELLE : Normalement, on est pas loin du chenal.

LUI : Je vois rien. J'ai pas l'impression qu'on est au bon endroit.

ELLE : Bon, tu veux pas arrêter de filmer ?

Ficher vidéo #2 (VID_201808041116), durée 1'04, 97MB

LUI : Et voilà, Navajo Canyon !

Mouvement panoramique de gauche à droite. Le canyon immergé est assez large, encadré par des falaises abruptes.

LUI : Normalement, on devrait y passer la journée. Ça s'enfonce dans les terres sur plus de 20 kilomètres.

ELLE : On a déjà perdu pas mal de temps à venir jusqu'ici. Si seulement tu nous avais pas fait prendre la mauvaise route.

LUI : Excuse, c'est pas ma faute si ils sont pas foutus d'avoir un seul système de bouées. Je sais qu'on on est à cheval sur deux états, mais ils pourraient penser aux petits touristes qui connaissent rien à la navigation. Je suis pas le capitaine Achab, moi.

ELLE : Ouais, bref. On va avancer un peu, et on se trouvera une plage tranquille pour prendre le pique-nique.

LUI : Y'a pas grand monde, pour la tranquillité ça devrait le faire. Par contre pour les plages va falloir avancer, parce que pour l'instant je vois pas où on pourra s'arrêter.

ELLE : On est pas pressés, de tout façon.

LUI : Euh, c'est normal la bifurcation là devant ?

Fichier vidéo #3 (VID_201808041325), durée 5'17, 735MB

LUI : Ah, ça c'est ce que j'appelle le panard.

Plan d'ensemble sur le canyon, un bateau passe vers la gauche, tirant un ski nautique. Il tourne la caméra vers sa gauche. Le jetski est échoué sur une plage.

LUI : Voilà, petite pause peinarde sur le lac Powell. Le grand luxe, et en même temps la simplicité. Qu'est-ce qu'on pourrait demander de plus ? Hein, c'est quoi ça ?

Inclinaison vers ses pieds. Il a de l'eau aux chevilles. Un objet noir dépasse du sable. Il le ramasse.

LUI : Sans déconner, c'est un Iphone. Ces ricains jettent leurs merdes n'importe où. Attends, il marche.

L'écran s'allume. L'affichage saute et les couleurs virent au vert et au violet. On peut lire le message « Enter PIN ».

LUI : On dirait que quelqu'un a voulu vérifier la rumeur d'internet qui disait que le 7S est étanche. Ça lui a pas trop réussi.

Il se redresse et se tourne vers la plage. ELLE est allongée sur une serviette sur un rocher, bronzant en maillot de bain.

LUI : Eh, regarde ce que j'ai trouvé.

ELLE : C'est quoi ?

LUI : Un Iphone. Il marche encore, mais il a morflé.

ELLE : Qu'est-ce que tu vas en faire ? T'as qu'à le laisser.

LUI : Alors déjà non. J'ai pas envie de polluer les trois quarts de l'eau du lac. Et en plus il est peut-être à quelqu'un. Je vais aller demander.

ELLE : T'es sérieux ?

Il se tourne vers le bout de la plage. Une grande péniche à fond plat est amarrée. Comme il s'approche, le nom devient lisible. PARADISE FOUND. Une personne est allongée dans un hamac sur le pont supérieur. Quatre adolescents jouent dans l'eau non loin de la berge. Un garçon et trois filles.

LUI : Hey guys, how ya doin.

ADO1 : Hi, how are you ?

LUI : Anybody lost an Iphone ?

Les adolescents sortent de l'eau et viennent à sa rencontre.

ADO2 : Hey, what's your name ?

LUI : I'm Fabien.

ADO2 : Nice to meet you. I'm Michelle. (Elle lui serre la main)

ADO1 : I'm Trevor. (Ils se serrent la main) This is Janice, and this is Patricia.

LUI : Nice to meet you all.

MICHELLE : Where are you from ?

LUI : France.

JANICE : This is so cool. Je m'appelle Janice.

LUI : Very good. But you won't get too far if that's the extent of your French.

MICHELLE : Oh, and pute mère.

LUI : You mean Putain de sa mère.

MICHELLE : That's right.

LUI : You know, Putain is the most useful word in French. It can translate all kinds of emotions. Like, when you're angry you say Putain, and when you're scared you say Putain, and when you're surprised you say Putain.

TREVOR : Love that. Putain. (Ils se frappent le poing)

JANICE : Hey, are you filming ?

LUI : Yeah. For my holiday album.

JANICE : How do you say « Sent » ?

LUI : You mean, as in « message sent » ? Envoyé.

ADOS : Envoyé ! (Ils posent en faisant la grimace)

LUI : So is this yours ?

TREVOR : Sorry, no.

MICHELLE : Where did you find it ?

LUI : Just down there in the water.

MICHELLE : It's not ours, anyway.

LUI : Okay. Thanks, guys. You have a good one.

MICHELLE : You too. Bye.

Il retourne vers ELLE.

ELLE : Alors ?

LUI : C'est pas à eux. Je vais le ranger dans le coffre du jetski. On le balancera à la marina.

ELLE : Ils t'ont dit quoi ?

LUI : Rien de spécial.

ELLE : T'as encore fait ton prof.

LUI : Je vois pas de quoi tu parles.

Fichier vidéo #4 (VID_201808041456), durée 1'21, 112MB

ELLE : Le canyon commence à se resserrer. Va falloir faire demi-tour.

LUI : Attends, je suis sûr qu'on va trouver une plage un peu plus loin. Y'a plus personne, on sera rien que tous les deux.

ELLE : Je veux bien, mais si on voit trop de débris dans l'eau, on prend pas le risque. Je veux pas bousiller le moteur.

LUI : C'est moi, ou bien le ciel se couvre ?

ELLE : Tant mieux, je commence à cramer.

LUI : Et la jauge d'essence ?

ELLE : Un peu plus de la moitié.

LUI ; Ouais, ça commence à devenir un peu juste.

ELLE : Tiens, regarde.

LUI : Une plage ! Et y'a pas un chat. Nickel.

Fichier vidéo #5 (VID_201808041513), durée 2'14, 204MB

ELLE : Tu viens dans l'eau ?

LUI : J'arrive.

Il tient la caméra à la main. La plage est jonchée de branches et d'algues. Il marche lentement vers l'eau.

ELLE : Allez, même moi j'ai pas mis longtemps à rentrer dans l'eau.

LUI : Je la trouve un peu fraîche.

Il marche plus vite, faisant des éclaboussures.

LUI : Aie ! Par contre, y'a pas que du sable.

ELLE : Oui, on serait pas allés plus loin quoi qu'il arrive. Y'a plein de bouts de bois dans l'eau.

LUI : J'arrive. Alors, enfin seuls.

ELLE : Enfin.

ELLE passe ses bras autour de son cou. Ils s'embrassent.

LUI : Putain, je rêve.

ELLE : Quoi ?

LUI : Là.

Un bateau à moteur est au milieu du canyon, à environ 100 mètres. Le conducteur n'est pas visible.

ELLE (riant) : On a trop pas de chance.

LUI : On a qu'à attendre, il va bien partir. Eh, casse-toi ! On veut être peinards.

ELLE : Ou sinon on peut faire semblant de ne rien faire.

LUI : Oh oui pourquoi pas.

ELLE : Par contre, tu vas pas filmer.

Fichier vidéo #6 (VID_201808041548), durée 20'47, 2187MB

LUI : C'est moi, ou il nous suit celui-là ? C'est pas le même que tout-à-l'heure ?

Un bateau à moteur est loin dans le sillage du jetski.

ELLE : Arrête avec cette caméra. On a d'autres soucis. Je sais pas si on aura assez pour rentrer à la marina.

LUI : Tu déconnes ?

ELLE : Non. Et puis j'en ai marre.

LUI : Tu veux que je prenne le guidon ?

ELLE : Non, je veux rentrer.

LUI : Okay, pas de souci.

ELLE : Mais j'ai peur.

LUI : De quoi, t'as peur ?

ELLE : Y'a des vagues, ça tangue trop.

LUI : Mais tu t'en sortais super bien jusque là.

ELLE : Oui mais là j'ai peur.

LUI : Bon, laisse-moi passer à ta place, je vais conduire.

ELLE : Non, on va chavirer.

LUI : Arrête-toi, ça va aller.

ELLE : Mais on va couler !

LUI : Dis pas de conneries, ça flotte. Allez, c'est bien. Laisse-moi passer.

Le jetski tangue, l'image bouge beaucoup.

LUI : Bon, donne-moi deux secondes pour fixer la caméra.

ELLE : Mais on s'en fout de la caméra, tu peux pas démarrer, qu'on y aille. J'ai peur. (ELLE sanglotte)

LUI : Ça va, regarde c'est bon. Tu vois, on va repartir. Eh, mais il fait quoi lui ? Eh attent...

Un grand bruit de moteur. L'image se retourne et la caméra se retrouve dans l'eau, la surface vers le bas de l'écran. Des bulles d'air s'échappent. L'eau se teinte de rouge. Après 35 secondes, le coffre avant s'ouvre. Un sac à dos gris et bleu flotte devant l'objectif, ainsi que des emballages de sandwichs et des bouteilles de soda vides. Rien de notable ne se produit plus jusqu'à la fin du fichier.

CONCLUSION :

Les deux corps ont été retrouvés portant des lacérations vraisemblablement causées par une hélice de bateau, d'après le rapport du médecin légiste. Les porte-feuilles et les téléphones portables des victimes ont été retrouvés par les plongeurs au fond de l'eau. Aucun autre téléphone n'a été retrouvé. Le propriétaire du Paradise Found, Simon Hedgeworth, a confirmé les faits établis par la vidéo. Il déclare avoir emmené ses deux filles Janice et Patricia, ainsi que leurs cousins Trevor et Michelle en croisière pour la journée dans Navajo Canyon. Ces derniers confirment avoir parlé à une des victimes. Ils confirment également que l'individu était en possession d'un téléphone détérioré récupéré peu avant, dont il cherchait le propriétaire. Ils n'ont pas remarqué d'activité suspecte, ni de bateau suivant les victimes. En raison de la localisation de la scène de la mort, la police locale se déclare hors de sa juridiction, l'enquête revient donc au FBI. Cependant, l'agent Bryson en charge de l'affaire a déclaré sont intention de conclure à un accident. Les conclusions de ce rapport vont à l'encontre de celles de l'agent Bryson. Je préconise de faire une demande d'enquête officielle afin de dépêcher des officiers de police français sur place. Il nous paraît essentiel de faire le lien avec toute autre affaire criminelle ayant eu lieu dans les environs, à une date proche. En tout état de cause, nous estimons qu'il serait une grave erreur de clore le dossier.