1. Roissy - Charles de Gaulle

On dirait la coque d'un navire retourné. Échoué là, interrompant son périple. Et repeuplé par des oiseaux de passage. Des algues. Des crabes. Un tapis de corail. Des poissons joufflus, colorés, bigarrés, parlant des langues inconnues, dans une rumeur constante, calme, presque soporifique. Des courants s'y croisent, portant des démarches indolentes. Quelques pas pressés qui claquent des doigts.

Assis sur le côté, nous regardons la rangée d'ailes blanches, et les grands oiseaux qui s'élancent dans un fracas qui ne nous atteint pas. Tu t'éloignes un peu pour tromper l'attente. J'ai du mal à savoir si c'est de l'ennui ou de l'impatience. L'air est chargé d'une tension presque palpable. Le moindre geste entraîne une réaction, un affolement qui ne dit pas son nom, comme une nuée de pigeons sur la place de l'Église qui s'envolent soudain au bruit d'un klaxon.

Des étrangers nous frôlent, marmonnant des phrases tout en nous souriant. Je pense à la réplique de Taxi Driver. You talking to me ? Le sourire que je renvoie doit être un peu exagéré, du coup. Ça n'a aucune importance, ce que les gens disent. Tous pensent déjà être ailleurs. Singapour, New York JFK. La famille Bullock est en retard.

Quelques mots dans le micro, et l'hôtesse tisse autour de nous un filet qui nous enserre irrémédiablement, comme un banc de brochets remontant vers le chalutier, prêts à être calibrés et vidés. Il me semblait avoir entendu des consignes d'embarquement, mais il faut croire que les gens aiment bien faire la queue. On commence à se sentir à l'étroit. De quoi devenir claustro. On dit agoraphobe ? Et y'a pas d'abréviation ? Passeport, carte d'embarquement, bagage à main, masque, boules quiès, Lexomil, chapeau, lunettes de soleil, téléphone portable, porte-feuilles. Le voyage commence. Le ciel a-t-il la même couleur vu d'en haut ?

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